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Édition du 1er au 15 décembre 2024
Photo S.B. (Var-Matin)

expulser … est-ce là le seul recours des pouvoirs publics ?

Mardi 19 mars, le préfet du Var a utilisé la force publique pour faire évacuer un bâtiment désaffecté cédé par la Défense à France Domaine, situé boulevard Commandant Nicolas à Toulon. Une quarantaine de personnes d'origine roumaine, que la préfecture a qualifiées à tort de “nomades”, l'occupaient 2, des familles que le Secours Catholique et l'Union diaconale du Var accompagnent depuis plusieurs années. Parmi elles, sept enfants scolarisés. Où dorment-ils depuis ? Ont-ils pu retrouver leurs classes jeudi ? ... Des questions qui ne semblent pas arrêter les pouvoirs publics qui, en l'occurrence, suivent sans état d'âme les incitations venues du ministère de l'Intérieur. Vous trouverez ci-dessous la lettre ouverte adressée au ministre de l'Intérieur et au préfet du Var par le collectif varois de soutien aux Roms et gens du voyage qui dénonce ces faits3. A la suite : signée par plusieurs associations nationales – notamment le collectif Romeurope, dont la Ligue des droits de l'Homme est membre –, une lettre ouverte adressée au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, en réaction aux propos de Manuel Valls.
[Mis en ligne le 19 mars 2013, mis à jour le 22]

Lettre ouverte du Collectif varois de soutien aux Roms et gens du voyage

Expulsion et mise à la rue des familles Roms de Toulon
par des services (très) zélés de la Préfecture du Var

Monsieur le Ministre de l’Intérieur,

Monsieur le Préfet du Var,

Alors que divers arguments et terminologies sont utilisés par vos services, pouvant faire croire aux citoyens que tout est fait légalement…

Si nous rétablissions quelques vérités ?

  • Ces familles sont des nomades ?

FAUX : ce sont des migrants économiques comme tout au long de son histoire la France en a accueillis ; si elles sont nomadisées c’est uniquement parce qu’elles sont pourchassées par les autorités françaises et n’ont pas de lieux décents pour se poser.

  • Ces familles ont (ou n’ont pas fait) de demande d’asile ?

FAUX : Elles n’ont pas à le faire ; étant des citoyens d’un pays membre de la communauté européenne, elles sont libres de circuler.

  • Ces familles ne sont pas en capacité de s’intégrer ?

FAUX : Les enfants sont scolarisés et s’expriment en français.

Plusieurs hommes sont soit en formation, soit en recherche de travail (sur une liste de 150 emplois autorisés)

Rappelons que plusieurs milliers de Roms fuyant la barbarie nazie et les camps d’extermination, ont trouvé refuge en France depuis 1940, ont « fait souche » et sont, avec leurs descendants de « bons Français ».

  • Ces familles ont été expulsées selon les engagements pris par le Premier Ministre, repris dans les circulaires de la DIHAL (Délégation inter ministérielle de l’hébergement et du logement) ?

FAUX : elles ont été mises à la rue sans proposition d’hébergement.

Les associations « partenaires » n’ont pas été associées au processus et n’ont pu prendre les dispositions humanitaires minimum.

Alors d’où ont-elles été expulsées ?

Certes d’un squat, mais c’était une question vitale de survie en plein hiver.

  • D’un immeuble privé pouvant spolier le propriétaire ?

NON : Mais d’un ancien immeuble du ministère de la Défense, abandonné depuis plusieurs années et propriété actuelle des Domaines.

Alors y avait t-il urgence ? Que l’on nous justifie la réalité de cette grande urgence !

Mais au fait, un immeuble appartenant à l’Etat !

N’était-il pas prévu que ces Biens soient proposés aux communes pour y réaliser des centres d’hébergement ou logements sociaux ?

Alors oui, dans le Var,

même la Préfecture agirait-elle en dehors de la loi ?

Toulon, le 21 mars 2013

Le Collectif varois de soutien aux Roms et gens du voyage :

UDCGT, CNL, LDH, RESF, ATTAC, FAP, SOLIDAIRES, LOGIVAR, Secours Populaire, FSU, FOL, EELV, PCF, PS, PG, NPA

Photo S.B. (Var-Matin)
Photo S.B. (Var-Matin)

Lettre ouverte adressée à Jean-Marc Ayrault

Paris, le 18 mars 2013

Monsieur le Premier ministre,

Le Collectif National Droits de l’Homme Romeurope, la FNARS, la Fondation Abbé Pierre, Emmaüs France, ATD Quart-Monde, et l’Association des Cités du Secours Catholique souhaitent vous exprimer leur indignation face aux récentes déclarations du ministre de l’Intérieur annonçant la reprise des « démantèlements » de bidonvilles au motif que leurs occupants refuseraient de s’insérer en France.

Ces propos nous paraissent particulièrement choquants et contraires aux engagements de campagne du Président de la République ainsi qu’à la mission que vous avez confiée au Préfet Alain Régnier, délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement, visant à organiser un
accompagnement global de ces situations, en recherchant avec les services de l’Etat, les collectivités territoriales et les associations, des solutions dignes et des perspectives d’insertion. Cette orientation strictement répressive, qui a déjà démontré dans le passé son inefficacité, nous semble également éloignée de la position que vous aviez exprimée sur ce sujet à l’occasion de notre dernière rencontre.

Ces déclarations traduisent une méconnaissance profonde des conditions de vie et de misère extrême de ces personnes souvent victimes de discrimination dans leurs pays d’origine, pourtant membres de l’Union Européenne. Comment peut-on en effet affirmer que ces personnes refusent de s’insérer en France, alors que l’accès à l’emploi et au logement social leur est actuellement interdit et
que certains maires vont jusqu’à s’opposer à la scolarisation des enfants ?

Nous ne sous-évaluons pas les difficultés posées par l’installation de ces bidonvilles, dont la concentration sur quelques départements provoque des réactions d’hostilité, trop souvent instrumentalisées, voire nourries par des élus locaux.

Nous considérons cependant que la stigmatisation de ces familles particulièrement démunies par un membre de votre gouvernement, en attisant les réactions de rejet, est contraire aux valeurs de la République. Désigner une population par son origine ethnique est inacceptable et contraire aux
principes de notre Constitution, c’est aussi méconnaître le fait que de nombreuses familles présentes dans les bidonvilles sont en France depuis longtemps, contrairement à l’idée véhiculée par le discours du ministre de l’Intérieur. Cette stigmatisation compromet par ailleurs gravement les
perspectives d’intégration de ces personnes qui devraient disposer du libre accès au marché du travail dans notre pays.

Dans ce contexte particulièrement inquiétant les associations craignent une accélération des évacuations de bidonvilles sans solution et sollicitent une rencontre pour évoquer avec vous la situation de ces personnes et les orientations de l’Etat permettant de répondre à cette urgence humanitaire.

A l’approche de la fin du plan hivernal, les associations sont pleinement mobilisées pour défendre le principe d’accueil inconditionnel de toute personne sans abri qui sollicite une prise en charge ainsi que l’application effective de la circulaire interministérielle du 26 août 2012 prévoyant un diagnostic
sanitaire et social et des solutions d’hébergement ou de logement pérennes avant toute opération d’évacuation de bidonville.

Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre très haute considération.

La FNARS

La Fondation Abbé Pierre

Emmaüs France

ATD Quart-Monde

L’Association des Cités du Secours Catholique

Le Collectif National Droits de l’Homme Romeurope1

  1. Membres du Collectif National Droits de l’Homme Romeurope :

    ABCR (Association Biterroise Contre le Racisme) – ALPIL (Action pour l’insertion sociale par le logement) – AMPIL (Action Méditerranéenne Pour l’Insertion sociale par le Logement) – ASAV (Association pour l’accueil des voyageurs) –
    ASEFRR(Association de Solidarité en Essonne avec les familles roumaines et rroms) – Association Solidarité Roms de Saint-Etienne – CCFD-Terre Solidaire (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement) – LA CIMADE (Comité intermouvements auprès des évacués) – CLASSES (Collectif Lyonnais pour l’Accès à la Scolarisation et le Soutien des Enfants des Squat) – FNASAT-Gens du voyage – Habitat-Cité – Hors la Rue – LDH (Ligue des Droits de l’Homme) –MDM (Médecins du Monde)- MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) – PU-AMI (Première UrgenceAide Médicale Internationale)- ROMAQUITAINE – Rencontres tsiganes – RomActions – Romeurope 94 – Secours catholique (Caritas France) – SICHEM (Service de Coopération Humanitaire pour les Etrangers et les Migrants) – Une famille
    un toit 44 – URAVIF (Union régionale des associations pour la promotion et la reconnaissance des droits des Tsiganes et des Gens du voyage d’Ile-de-France)

    Et le Comité de soutien de Montreuil, le Comité de soutien 92 Sud, le Collectif nantais Romeurope, le Collectif de soutien aux familles rroms de Roumanie, le Collectif Rroms des associations de l’agglomération lyonnaise, le Collectif Romyvelines, le Collectif de soutien aux familles roms de l’agglomération orléanaise, le Collectif des sans-papiers de Melun, le Collectif solidarité Roms Lille Métropole, le Collectif Solidarité Roms Toulouse, Collectif de soutien aux familles Rroms de Noisy le Grand

    Contacts presse :

    CNDH Romeurope : 06 35 52 85 46

    FNARS : Stéphane Delaunay 01 48 01 82 32 et Céline Figuière 01 48 01 82 06

    Fondation Abbé Pierre : Mighelina Santonastaso : 01 55 56 37 45 / 06 23 25 93 79

    Emmaüs France : Sandrine Witeska 01 41 58 25 30

    ATD Quart Monde : Typhaine Cornacchiari 01 42 46 01 69/06 18 05 29 83

    ACSC : Sibylle Yetta 01 58 70 09 35

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