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Édition du 1er au 15 novembre 2024

Essais nucléaires : la France doit assumer ses responsabilités

L'émotion est grande en Algérie après les révélations sur l'ampleur des retombées radioactives suite aux essais nucléaires français dans le Sahara algérien au cours des années 1960-66. Les autorités françaises affirment que le dispositif d'indemnisation des victimes n'établit aucune discrimination entre demandeurs français ou algériens. Certes ! Il se dit pourtant qu'aucun citoyen algérien n'a pu jusqu'à présent bénéficier d'indemnisations prévues dans la loi Morin – une loi difficilement applicable aux Algériens. Les services de l'ambassade de France à Alger n’ayant enregistré que quelque demandes d’indemnisation, l’ambassadeur de France en Algérie a annoncé la mise en place de “mécanismes pour améliorer l’information et aider les Algériens victimes des essais nucléaires à constituer leurs dossiers de demande d’indemnisations1. Il en faudrait plus pour vaincre le scepticisme qu'exprime Akram Belkaïd, et convaincre de la volonté de la France d'indemniser les victimes et de décontaminer l'environnement.

Paris doit assumer ses responsabilités

par Akram Belkaïd1, Courrier international, le 20 février 2014

  • Quel est votre sentiment après les révélations sur l’ampleur des retombées des essais nucléaires effectués au Sahara dans les années 1960?

Je suis indigné. Quel mépris pour les populations locales ! Quelle désinvolture coupable ! On a voulu faire croire aux gens qu’il s’agissait d’essais maîtrisés dans un coin de désert perdu et inhabité, ce qui est loin d’être le cas. Mais faut-il en être étonné ? En la matière, l’Etat français a l’habitude de ne pas dire la vérité ; cela vaut aussi pour les essais en Polynésie.

  • Que La France revoie la loi sur l’indemnisation des Algériens irradiés serait une demande fondée de la part d’Alger?

Pour moi, c’est une évidence. C’est ce que commande la morale et ce que devrait ordonner la justice. C’est un dossier douloureux, difficile sur le plan politique et diplomatique, mais la France se grandirait en endossant sa responsabilité et en faisant face aux conséquences dramatiques de ses essais nucléaires dans le Sahara algérien.

  • Dans cette affaire, La France donne-t-elle l’impression d’assumer ses responsabilités?

Non. Comme pour beaucoup de dossiers liés à cette période, c’est un refus assumé, à droite comme à gauche, d’aller plus loin dans la reconnaissance du tort causé aux Algériens. Mais la France n’est pas la seule en cause. Les autorités algériennes ont été associées aux essais nucléaires qui ont eu lieu après l’indépendance, même s’ils étaient souterrains. N’oublions pas non plus que la France a pu aussi continuer à tester des armes chimiques en lisière du Sahara jusqu’à la fin des années 1970. Dans cette affaire, le gouvernement algérien a fait fi des droits de ses citoyens. Aujourd’hui, la société civile algérienne est en train de s’emparer de cette question et il y aura certainement des suites.

Essais nucléaires français sur le sol algérien

Des juristes appellent à revoir la loi d’indemnisation des victimes

par R.P., El Watan, le 17 février 2014

Après les dernières révélations sur l’ampleur des essais nucléaires français en Algérie et les graves conséquences sur la santé publique, des juristes ont appelé, hier à Alger, le Parlement français à revoir la loi sur l’indemnisation des victimes de ces essais.

Une révision qui rendrait justice à toutes les victimes, sans exception, et prendrait en charge «la décontamination» de l’environnement qui a abrité ces essais. Dans une déclaration à l’APS, le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH), maître Farouk Ksentini, a indiqué que la publication par la presse française d’une partie des archives des essais nucléaires coloniaux français «interpelle le Parlement français à l’effet de la révision de l’ancienne loi pour indemniser les victimes des essais nucléaires français», car «ces documents prouvent que les dangers de radioactivité sont toujours là».

«La loi promulguée par le Parlement français sur l’indemnisation des victimes ne tient pas compte des victimes algériennes de ces crimes, notamment celles qui, dans le sud du pays, ont présenté des affections et maladies ces dernières années», a-t-il expliqué. «La carte révélée par la presse française a dévoilé les procédés barbares du colonialisme français en Algérie», a estimé l’intervenant, pour qui «la France n’a plus d’argument pour justifier le retard pris dans l’indemnisation des victimes de ces crimes en tenant compte de l’impératif de décontaminer l’environnement qui a été le théâtre de ces essais». L’Algérie, a encore soutenu Me Ksentini, «est en droit d’exiger une indemnisation officielle pour ces essais nucléaires, au regard du coût de la décontamination de l’environnement».

Pour sa part, l’ancien président de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH), Boudjemaâ Ghechir, a mis en avant l’impératif d’une demande officielle pour l’indemnisation des victimes des essais nucléaires coloniaux dans le sud de l’Algérie. «Les indemnisations doivent inclure l’environnement qui a abrité ces essais», a-t-il insisté. «Le dossier des essais nucléaires doit constituer une priorité pour l’Algérie. Il ne doit pas rester seulement entre les mains des juristes et des organisations de la société civile», a considéré M. Ghechir, rappelant la persistance des risques liés aux émanations radioactives.

La loi adoptée par le Parlement français relative à l’indemnisation des victimes de ces essais «est injuste» à l’égard de la partie algérienne, tant pour les personnes que pour l’environnement, a-t-il lancé, soulignant que la France détenait des archives «qui prouvent que bon nombre d’Algériens ont été utilisés comme sujets des essais nucléaires». Il a demandé au législateur français «l’amendement de la loi pour rendre justice aux Algériens, tant les personnes qui ont été exposées aux dangers de ces radiations lors de ces essais que ceux qui en subissent encore les effets».

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Une déclaration du ministre délégué Kader Arif

Dans une interview exclusive accordée simultanément à El Watan et El Khabar, Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre français de la Défense, chargé des Anciens combattants, était interrogé sur la réponse du gouvernement français aux demandes d’indemnisation des victimes de l’opération Gerboise Bleue. Il a répondu que l’Etat français est conscient des effets des essais nucléaires dans le Sud algérien 2 :

«Comme l’a dit le président de la République en décembre 2012, les conséquences de ces essais nucléaires sont pleinement assumées et prises en compte par l’Etat français, qui agit en toute transparence sur les données sanitaires et environnementales. C’est cette volonté qui a conduit la France à déclassifier certains documents à la suite de la requête d’associations. Sur le fond, les documents déclassés n’apportent pas d’éléments véritablement nouveaux. Le rapport diffusé par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques en 2002 faisait un point très complet de la question et concluait que la radioactivité de l’air dans les zones concernées était faible. Le ministère de la Défense, en lien avec le ministère des Affaires étrangères, met tout en œuvre pour que les victimes ou leurs ayants droit puissent faire valoir tous leurs droits en la matière, conformément au dispositif de reconnaissance et d’indemnisation mis en place par la loi du 5 janvier 2010. Ce dispositif examine notamment les demandes d’indemnisation présentées par les ressortissants algériens. Il n’établit bien entendu aucune discrimination entre demandeurs français ou algériens. Nous dialoguons régulièrement avec les autorités algériennes sur ce sujet afin de permettre une meilleure information du public algérien et de faciliter la présentation de dossiers par les victimes algériennes ou leurs ayants droit.»

  1. Akram Belkaïd est rédacteur en chef d’Afrique Méditerranée Business et chroniqueur au Quotidien d’Oran.
  2. Source : http://www.elwatan.com/actualite/kader-arif-les-consequences-des-essais-nucleaires-sont-prises-en-compte-par-l-etat-francais-25-02-2014-247068_109.php.
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