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Édition du 15 septembre au 1er octobre 2024

Eliette Loup, combattante communiste (PCA) de l’indépendance algérienne

Militante du Parti communiste algérien, elle fut enlevée par l'armée française en avril 1957 à Alger et, âgée de 23 ans, longuement torturée à la villa Sésini. Outre sa notice biographique, nous publions la plainte qu'elle déposa pour les tortures pratiquées par l'armée française.

Eliette (ou Elyette) Loup est décédée à Toulon le 28 octobre 2023. Née à Birtouta en 1934, jeune militante du Parti communiste algérien, elle fut enlevée par l’armée française en avril 1957 à Alger et, âgée de 23 ans, longuement torturée à la villa Sésini par des parachutistes du 1er REP, sous la direction du capitaine Faulques, officier de renseignement de ce régiment, ainsi que de nombreuses militantes et militants d’origine européenne ou algérienne. Condamnée à la prison en 1958, incarcérée en France, elle revint en Algérie et continua sa lutte au sein du PCA. Après l’indépendance, elle milita au Parti de l’Avant-Garde Socialiste (PAGS) fondé dans la clandestinité en 1966. Outre sa notice biographique, nous publions la plainte qu’elle déposa pour les tortures pratiquées par l’armée française.

par histoirecoloniale.net
Sources : « Une Algérienne au cœur de la guerre d’Algérie. Portrait de la moudjahida Eliette Loup » et site 1000autres.org

Eliette Loup est née en 1934 à Birtouta, au sud d’Alger. Étudiante, elle rejoint le Parti communiste algérien (PCA). Durant la grande répression d’Alger, dite « bataille d’Alger », elle est enlevée le 2 avril 1957 dans la rue par des parachutistes du 1er REP. Elle est conduite à la Villa Sésini, PC de ce régiment, pour y être torturée durant quatre jours, notamment par ingestion forcée d’eau et à l’électricité, sous la direction du capitaine Faulques, officier de renseignement du 1er REP. Après quelques soins, elle est présentée à un juge le 12 avril 1957, de même que plusieurs autres européens d’Algérie détenus clandestinement et torturés à la villa Sésini, souvent également membres du PCA. « Au bout de quatre jours, ils n’ont rien obtenu, je ne servais plus à rien, ils m’ont transférée à la prison de Barberousse. Il y avait Anna Greki, Colette Chouraqui, Blanche Moine, l’épouse d’André Moine que j’avais accompagnée jusqu’à la gare de Blida lorsqu’elle dut partir pour Oran rejoindre l’ALN le 15 août. Elle sera arrêtée, torturée avec Gaby Jimenez, Joséphine Carmona, dans les « Coffres du trésor » d’Oran, Jacqueline Guerroudj, condamnée à mort, était également là. Je sortais de la torture, j’étais complètement déboussolée ». En novembre 1958, a lieu le premier procès dit de « La Voix du Soldat », devant le tribunal militaire. 26 inculpés dont Eliette Loup sont jugés pour « atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat et participation à une entreprise de démoralisation de l’armée ». La jeune militante est condamnée à une peine de 3 ans d’emprisonnement. Elle est transférée à la prison de Maison Carrée, puis, quelques mois plus tard, aux Baumettes, en France. Elle sera libérée suite à une remise de peine décidée par le général de Gaulle, et sera placée en résidence surveillée à Rennes. » Revenue à Alger, elle se remet au service de la direction clandestine du PCA, travaillant aux côtés de Sadek Hadjerès. Elle milite ensuite au Parti de l’Avant-Garde Socialiste (PAGS), un parti fondé dans la clandestinité le 26 janvier 1966 par des militants de l’ancien Parti communiste algérien et par des progressistes venus des courants les plus à gauche du mouvement national. Le 28 octobre 2023, un communiqué d’Alger républicain indique : « Eliette a passé toute sa vie dans le pays qui l’a vu naître, au milieu du peuple pour la libération sociale et nationale duquel elle s’est battue. Pour des raisons de santé elle a dû se rendre en France depuis peu. Elle a rendu son dernier soupir à l’âge de 89 ans à Toulon en France, où grâce à la solidarité, elle a pu être suivie dans un établissement spécialisé. » Elle a été inhumée le 1er novembre 2023 au cimetière musulman de Ouled Chebel, à Birtouta. Le ministre algérien des Moudjahidine lui a rendu hommage, en la qualifiant d’« amie de la Révolution algérienne », sans évoquer son rôle de Moudjahida ni son appartenance politique au PCA.

Eliette Loup et Henri Alleg (à gauche)

Eliette Loup et Henri Alleg (à gauche)


Plainte d’Eliette Loup pour tortures à la Villa Sésini (Alger, 1957)
Source

Au début de 1958, un Comité de Défense des Enseignants, notamment représenté par le journaliste Robert Barrat, publiait à Paris de « nouveaux documents sur la torture » dans une brochure intitulée {L’affaire des enseignants d’Alger}. Elle comprenait d’abord 16 plaintes déposées par des Algérois.e.s d’origine européenne, communistes pour la plupart, séquestré.e.s et torturé.e.s, le plus souvent à la Villa Sésini, en 1957. Certaines de ces plaintes, très circonstanciées, décrivant les techniques de torture et citant des noms de tortionnaires, témoignent de sévices d’autres détenus et notamment de la mort des suites de la torture de Djeghri Omar, dit Simon. Elles témoignent au total des tortures subies par 21 personnes. En outre, la brochure se termine par une lettre collective adressée aux plus hautes autorités judiciaires et signée par 11 détenu.e.s à la prison civile d’Alger témoignant des sévices subis par Janine Belkhodja, Chafika Meslem, Eliane Gautheron, Fatima Benosman, Zahia Orif, Denise Walbert, Khene et Nelly Forget, en divers locaux de torture que cette lettre énumère. Ces femmes furent arrêtées dans le cadre de l’affaire dite des « chrétiens progressistes », en février et mars 1957, les militaires frappant alors les Centres Sociaux créés par Germaine Tillion pour venir en aide aux bidonvillois d’Alger. Certaines, comme Nelly Forget, seront acquittées par le tribunal militaire quelques mois plus tard. Toutes ces plaintes seront rendues inopérantes par l’amnistie décidée en 1962.

Plainte d’Eliette Loup (page 33)
suite de la plainte d’Eliette Loup (pages 34 et 35)

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