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Édition du 1er au 15 avril 2025

échange de courriers entre la section locale de la LDH et le sénateur-maire de Perpignan

Le 24 octobre 2005, la section de Perpignan de la LDH écrivait à Jean-Paul Alduy pour contester les projets de la municipalité dans le domaine mémoriel. Voici cette lettre suivie de la réponse du sénateur-maire de Perpignan. En bas de page, vous trouverez la réponse en date du 22 août 2005 de Jean-Marc Pujol à une lettre que le MRAP lui avait adressée le 8 août précédent. [Première publication, le 20 novembre 2005,
mise à jour, le 17 février 2006.]


Perpignan, le 24 Octobre 2005

Monsieur le Sénateur Maire,

La Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen est informée de votre décision d’élever un mémorial des disparus de l’Algérie Française, ainsi que de créer dans l’enceinte du couvent Sainte Claire un Centre d’Information sur l’oeuvre française en Algérie. Nous considérons que cette décision particulièrement grave constitue une offense pour toutes les victimes de la colonisation française en Algérie.

Ce mur des disparus ou stèle mémoriale est un projet de l’ADIMAD, association qui cultive le souvenir de l’organisation factieuse OAS. La LDH s’étonne qu’une collectivité locale avalise l’érection d’un monument à la gloire de ceux qui ont essayé de renverser la République, ont déchaîné sur la France et l’Algérie le terrorisme le plus meurtrier qui soit.

De plus, la création d’un Centre d’Information sur l’oeuvre française en Algérie semble relever aussi d’une préoccupation électoraliste. Alors que les langues se délient, que de nombreux ex-soldats du contingent en Algérie ont le courage de parler, de raconter l’innommable : tortures, viols, massacres collectifs commis au nom de la présence française en Algérie, vous allez honorer de votre caution d’élu un centre sur l’oeuvre française. Cette structure ne peut être qu’une insulte aux dizaines de milliers d’Algériens assassinés pendant 130 ans d’occupation française. Le colonialisme est pour l’ensemble des historiens une tragédie incommensurable pour les peuples colonisés (cf le numéro d’octobre 2005 de la revue L’Histoire consacré à  » la colonisation en procès « ).

Pour conclure, nous regrettons que pour d’obscures raisons politiques, vous vouliez utiliser des fonds publics au service d’une opération de falsification de l’Histoire.
Monsieur le Sénateur Maire, ne cautionnez pas ceux qui prêchent la haine entre les peuples, cultivent le racisme et la xénophobie !

La Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen vous demande solennellement de retirer votre soutien financier et politique à ces deux projets.

Nous vous remercions de votre réponse, et dans cette attente, nous vous prions d’agréer nos salutations distinguées.

Pour le Bureau, la Présidente.



Perpignan, le 17 novembre 2005

Le Maire, Sénateur des Pyrénées-Orientales

N/Réf.: JMP/MR

Madame la Présidente,

Je me permets de répondre à votre lettre du 24 octobre dernier.

Au-delà des omissions, des inexactitudes, elle véhicule des contre vérités qui permettent de douter du véritable but de votre association.

Nous allons créer dans l’enceinte du Couvent Sainte-Claire, un « centre de la présence française en Algérie » et dans le jardin, un mur en la mémoire des disparus en Algérie, dont des dizaines de milliers de harkis.

Si vous défendez les Droits de l’Homme, vous défendrez aussi la
mémoire de ces innocents massacrés dans des conditions atroces.

Ces deux projets sont exclusivement portés par le Cercle Algérianiste, association apolitique qui n’a rien à voir avec l’ADIMAD.

Quand au débat sur le colonialisme, je reste à votre disposition pour en débattre et je tiens à votre disposition les écrits de Jules Ferry, de Léon Blum ou de Jean Jaurès, qui ont été les acteurs principaux de l’apogée de cette période.

Vous parlez d’historiens, mais desquels ?

De ceux qui n’ont pas dit un mot sur les cent millions de morts du communisme, de ceux qui ont accueilli Pol Pot et les Khmers Rouges ?

De ceux qui soutiennent Castro ou de ceux encore qui ne disent mot des violations répétées des Droits de l’Homme en Chine, où l’on fait toujours payer aux familles la balle qui permet d’exécuter les condamnés ?

L’histoire de la colonisation est à faire et elle surprendra beaucoup de monde.

Plus de soixante ans après le départ des Français d’Afrique, des hôpitaux et des écoles qu’ils ont construits et laissés, que reste-t-il de tout cela ?

L’Afrique sombre dans la misère, les maladies déciment les peuples, l’eau n’arrive pas, partout la moyenne d’âge est inférieure de vingt à trente ans à ce qu’elle est en Europe.

Partout des dirigeants corrompus saignent leurs peuples sans respecter les Droits de l’Homme. Et que dites-vous contre eux ? …

Rien.

Comment comprenez-vous que ces ex-peuples colonisés se tuent à Mélilla et ailleurs pour pouvoir rejoindre les pays où vivent leurs anciens colonisateurs ?

Oui, l’histoire est à faire et elle démontrera que si les Anglo-Saxons ont décimé les indiens et les arborigènes, les Français, pour ce qui est de l’Algérie, sont arrivés en 1830 dans un pays qui comptait 2 000 000 d’habitants, et sont repartis en 1962 alors qu’il en comptait 10 000 000.

Les mensonges éhontés véhiculés par votre association, sont en totale contradiction avec la défense des Droits de l’Homme. Il est vrai que votre association est surtout connue pour avoir omis pendant de nombreuses années les violations des Droits de l’Homme dans les pays communistes.

Notre action tend à rétablir la vérité historique, et comme nous avons condamné Pinochet et les 3 000 morts et disparus de sa dictature, nous rappellerons à tous les 80 à 100 000 morts en six mois des Algériens fidèles à la France, dans ce qui était un département français.

La défense de la mémoire des victimes est aussi importante que la condamnation des bourreaux. Et comme le dit un très beau proverbe africain « Un homme ne meurt pas tant qu’une seule personne pense encore à lui».

Alors oui, ce centre et ce mur sont réalisés pour que l’on pense toujours à ceux, oubliés, qui sont morts pour une certaine idée qu’ils se faisaient de la France.

Vous souhaitant bonne réception de la présente, veuillez croire, Madame la Présidente, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Jean-Paul ALDUY, Maire-sénateur,

Jean-Marc PUJOL, Maire-Adjoint


Perpignan, le 22 août 2005

CABINET DES MAIRES DÉLÉGUÉS ET ADJOINTS

à Monsieur Jean-Jacques CADEAC

Président du MRAP 66

Objet : votre lettre du 08.08.2005

Monsieur le Président,

Votre lettre du 8 août 2005 a retenu toute mon attention.

Votre association devrait vérifier ses sources avant de se prononcer d’une manière péremptoire sur des sujets qu’elle ne connaît pas.

L’édification d’un centre de la présence française en Algérie est portée par notre municipalité et a pour but de faire connaître l’histoire de notre pays car l’Algérie était un département français.

Sur le colonialisme un débat serein peut aujourd’hui avoir lieu et les comparaisons établies objectivement. La situation catastrophique de l’Afrique, la moyenne d’âge qui chute, les Africains qui fuient leur pays au risque de leur vie devraient amener une association comme la vôtre à se poser les vraies questions pour essayer de remédier à cette situation.

Concernant le mur des disparus, vous devriez soutenir cette action puisqu’elle vise à rappeler la mémoire des milliers de personnes de toutes confessions torturées et assassinées pour la seule raison qu’elles étaient fidèles à la France.

C’est d’ailleurs peut-être ce qui vous gêne.

Enfin, pourquoi rebaptiser l’olivier des disparus alors qu’il est là pour rappeler une réalité historique que vous refusez de voir.
Est-ce que vous vous opposeriez à l’édification d’un mur à la mémoire des victimes de PINOCHET?

Concernant la stèle du cimetière, elle a été réalisée par les associations de rapatriés dans un lieu de recueillement réservé à la mémoire des harkis et des victimes civiles et militaires de ce conflit.

Il n’y a pas dans notre politique aucune apologie du colonialisme et notre action en faveur de la fraternité est reconnue par toutes les communautés.

Elle s’inscrit dans un cadre d’ouverture vers le monde, du respect des identités, de l’intégration dans la république française.

Les évènements qui ont endeuillé Perpignan n’ont rien à voir avec notre action de reconnaissance historique.

Ils proviennent à l’origine d’une délinquance liée à des trafics de drogue et par la suite d’un saccage par des casseurs organisés.

Nous pourrions débattre sur les causes profondes qui amènent des personnes à émigrer vers nos pays où sont censés se situer leurs anciens « oppresseurs » et le MRAP pourrait être à l’initiative de cette réflexion.

Mais vous ne le ferez pas car cela remettrait trop en cause vos préjugés et votre vision tendancieuse de la réalité.

Vivre ensemble, c’est accepter les autres dans leur différence, c’est reconnaître des droits mais c’est aussi avoir des devoirs. !

Ces devoirs, l’immense majorité de nos concitoyens
les acceptent et sont heureux de vivre en France. A nous de montrer à ceux qui veulent faire un autre choix de société ou de vie que la France c’est la république.

Je vous prie de recevoir, Monsieur le Président, mes meilleures salutations.

Le Maire Adjoint

Jean-Marc PUJOL

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