4 000 articles et documents

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Édition du 1er juillet au 15 juillet 2024
famille_nicaise.jpg

du côté des rapatriés : amertume, consternation et protestations, après les déclarations de Sarkozy

Les déclarations de Nicolas Sarkozy, lors de sa visite d'Etat en Algérie, du 3 au 5 décembre 2007, sur le caractère «injuste» de la colonisation, sont souvent fraîchement accueillies par certains anciens rapatriés, comme en témoignent ci-dessous : - l'article du journaliste Claude Belmont, publié dans Le Figaro du 4 décembre, qui rapporte notamment les réactions de Mme Suzy Simon-Nicaise, initiatrice du Mur des disparus de Perpignan, - le communiqué commun de plusieurs fédérations de rapatriés, publié après la réception à l'Elysée de représentants de rapatriés et de harkis, le 5 décembre, - ainsi que les protestations du député UMP Jean-Pierre Grand.
[Première mise en ligne le 7 déc. 07, mise à jour le 8 déc. 07]

famille_nicaise.jpg

«Les colons que nous étions ont construit des routes, des ponts, des écoles, pas seulement pour scolariser des enfants d’origine métropolitaine», témoigne Eugène Nicaise, entouré de sa femme et sa fille.

Rancœur et amertume des rapatriés d’Algérie

[Un article de Claude Belmont, Le Figaro du 4 décembre 2007]

L’actuelle visite d’État du président français en Algérie suscite beaucoup de commentaires parmi les anciens rapatriés. En Languedoc- Roussillon, où ils sont nombreux, les déclarations de Nicolas Sarkozy sur le caractère «injuste» de la colonisation sont souvent fraîchement accueillies. Il appartient aux Algériens, selon eux, de rétablir la vérité.

Dans la salle à manger de sa maison de La Cobas, à Perpignan, la famille Nicaise suit, avec attention, chacun des faits et gestes de Nicolas Sarkozy en Algérie. Et observe avec inquiétude l’accueil réservé par le président Bouteflika à la délégation française. Articles, images télévisées, comptes rendus radiophoniques, tout est disséqué. Et rien, depuis quarante-huit heures, n’est de nature à satisfaire les Nicaise. Loin de là. La déclaration de Nicolas Sarkozy sur le caractère «profondément injuste de la colonisation, contraire aux règles de la République» ne passe pas. Pas du tout. Le ton monte.

«La colonisation a été juste parce que la France a beaucoup apporté à l’Algérie. Les colons que nous étions ont construit des routes, des ponts, des écoles, parfois même dans le bled, et pas seulement pour scolariser des enfants d’origine métropolitaine», affirme avec passion Eugène Nicaise, 80 ans, ancien inspecteur des ventes de la British Petroleum. Eugène menait une double existence, avant d’embarquer, à Oran, le 23 juin 1962, dans l’urgence la plus absolue. Une vie civile la journée ; une autre, militaire, la nuit, pour préserver les établissements de son entreprise des attentats.

Suzy, sa fille, âgée de 8 ans au moment du rapatriement, se veut plus mesurée. «Le président a tort, et raison à la fois. À l’époque, les politiques n’ont pas fait les bons choix en matière d’égalité», explique-t-elle, après avoir cherché, hier matin, dans le journal algérien el-Watan, des raisons d’espérer en un avenir fraternel entre les deux rives d’une histoire commune. Sans les trouver. «Ils demandent toujours la repentance des Français, sans même savoir que cette notion est d’origine chrétienne.Sont-ils prêts, eux, à reconnaître ce qu’ils ont fait ?» questionne Jeanine Nicaise, 80 ans,qui fut institutrice à Tlemcen.

Elle est l’arrière-petite-fille d’un colon auvergnat installé en 1852 avec sa fiancée contre la promesse de cultiver deux hectares de friche.

«Des propriétaires arabes ont aussi vendu leurs terres arides. Les colons, comme on dit, n’ont pas fait que s’accaparer des hectares», poursuit Suzy Nicaise, qui dénonce l’ouverture unilatérale des archives françaises en 2004. Elle attend que les Algériens en fassent autant un jour. Et elle ne s’étonne presque plus d’avoir porté, elle-même, un projet privé pour ériger, à Perpignan, un mur des disparus d’Algérie. Unique sépulture connue de 2 619 personnes dont le Quai d’Orsay est, à ce jour, sans nouvelles.

«Les rapatriés ont les nerfs à vif»

Cette œuvre a été inaugurée il y a quinze jours dans un épouvantable climat de polémique sur l’identité ou l’appartenance politique de ceux dont les noms sont ou ne sont pas gravés. La liste a été fournie par le ministère des Affaires étrangères. «Les rapatriés ont les nerfs à vif, confie Jean-Marc Pujol, 58 ans, rapatrié lui-même, adjoint au maire de Perpignan, ville où la communauté pied-noir a compté jusqu’à 20 000 personnes. Il faut absolument créer aujourd’hui les conditions d’un consensus pour apaiser les esprits.Il faut reconnaître ses erreurs et reconstruire. La colonisation ne respectait pas toujours l’égalité, mais il n’y avait pas pour autant d’apartheid. Voyez les photos de classe de l’époque.» Jean-Marc Pujol fait la différence entre les grands colons, parfois affairistes,et les métropolitains d’Algérie.

«Ceux qui ont vécu là-bas, dans leur immense majorité, n’avaient pas le sentiment d’être des colonisateurs. Ils faisaient partie du système local. Ils avaient une vie heureuse et fraternelle», ajoute-t-il, sans s’étendre sur les déclarations détonantes de Mohammed Cherif-Abbas, ministre des Anciens Combattants de Bouteflika, sur le rôle du «lobby juif» dans l’élection de Nicolas Sarkozy.

«Il est normal que le président de la République se rende en Algérie. Mais ce sont les conditions de cette visite qui, elles, ne sont pas normales, s’emporte Gilbert Roseau, ancien député socialiste et conseiller municipal de Montpellier, où ont été accueillis quelque 40 000 rapatriés. Une nouvelle fois, les Algériens ont humilié la France et les Français. Il y a eu ces déclarations sur le lobby juif. Et ils ont exigé qu’Enrico Macias, cet homme de paix et de fraternité, ne soit pas de la visite officielle, parce qu’il était juif. Au nom de la raison d’État, on ne peut pas accepter n’importe quoi… Pour les milliards d’hypothétiques contrats et au nom du gaz, ce gaz que nous payons au prix fort. Une nouvelle fois, on nous fait porter le burnous de l’affreux colonisateur.» Avec son cousin Jacques Roseau, assassiné en 1993, Gilbert avait créé le Recours-France, puissante et influente association de rapatriés.

«Tout le monde a contribué à construire une Algérie fraternelle»

Hocine Cherif, 56 ans, cadre administratif au chômage, président du Mach (Mouvement des anciens combattants harkis), préfère, quant à lui, minimiser la portée des disputes franco-algériennes. «Ce sont les caciques du FLN qui réveillent ainsi les vieilles souffrances.Ces blessures, il faut les dépasser. Il y a eu des victimes des deux côtés. Il faut saluer leur mémoire et aller de l’avant», déclare-t-il.Au mot « colonisation » il préfère la notion de coopération. «Comme fils de harki, arrivé en métropole à l’âge de 10 ans, au milieu de mes dix frères et sœurs, je revendique l’œuvre accomplie en Algérie, conjointement par les deux populations, algérienne et française, dit-il. Tout le monde a contribué à construire une Algérie fraternelle. Et derrière le mot “colon”, il ne faudrait pas non plus rassembler ces milliers d’hommes et de femmes qui ont aimé l’Algérie et qui ont construit ce pays.»

Son père avait intégré, en 1930, le 14e RTA (régiment des tirailleurs algériens). Il dirigeait les dockers d’Oran avant de choisir définitivement la France en 1958, et de rejoindre la métropole en juin 1962. Les propos sont plus ou moins nuancés, mais, à Montpellier comme à Perpignan, la plupart des pieds-noirs partagent l’attente des époux Nicaise. Chacun souhaite que la vérité historique – qui n’est pas celle d’«une colonisation injuste» – sorte enfin de la bouche des autorités algériennes. Sans autre exigence. Sans trop d’illusion non plus, au bout de quarante-cinq ans de patience.

Après la rencontre du 5 décembre à l’Elysée les fédérations de Français rapatriés
interpellent le Chef de l’Etat
1

vendredi 7décembre 2007

COMMUNIQUE COMMUN

Les Responsables associatifs des Français Rapatriés reçus par le Président de la République, à son retour d’Algérie, le 5 décembre ont entendu les déclarations du Chef de l’Etat.

« Si la France a une dette morale, c’est d’abord envers vous » avait déclaré M Sarkozy en avril dernier. Ils regrettent qu’en cette journée d’hommage national aux Victimes de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie, le Président n’ait pas saisi une telle occasion solennelle pour concrétiser cette volonté de reconnaissance et de réparation.

Ils relèvent avec consternation que sur le site de l’Elysée, n’aient été mentionnées que les associations d’anciens combattants et de rapatriés Harkis. « Pieds-noirs » et « Harkis » s’opposent à toute tentative de division et confirment leur entière solidarité. Ils revendiquent fortement leur appartenance à la catégorie des « Français Rapatriés »

Ils tiennent à exprimer la très vive émotion de la communauté rapatriée à la suite des déclarations du Président de la République assimilant uniquement la période française de l’Algérie à un système d’asservissement ce qui contribue à jeter indirectement l’opprobre sur les Français d’Algérie et résonne comme une repentance qui ne dit pas son nom.

Signé par les fédérations suivantes :
– Fédération Nationale des Cercles Algérianistes, BP 213 11102 Narbonne Cedex
– Comité de Liaison des Associations Nationales de Rapatriés (C.L.A.N.R.), 7 rue Pierre Girard,75 010 PARIS
– Comité de Liaison des Associations Indépendantes et Revendicatives de Rapatriés (C.L.A.I.R.-R.), 95 rue d’Amsterdam 75 008 PARIS
– Jeune Pied-Noir – BP 4 – 91570 Bièvres

L’UMP suspend le député villepiniste Jean-Pierre Grand pour avoir critiqué Nicolas Sarkozy

LEMONDE.FR avec AFP | 05.12.07 | 21h10 • Mis à jour le 05.12.07 | 21h15

L’UMP a annoncé, mercredi 5 décembre, »la suspension immédiate » du député UMP de l’Hérault, Jean-Pierre Grand, un partisan de Dominique de Villepin, pour avoir critiqué des propos tenus par Nicolas Sarkozy en Algérie.

Le chef de l’Etat a dénoncé lundi à Alger le système colonial et appelé à combattre à la fois le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie. M. Grand a regretté le lendemain des déclarations qui, selon lui, contribuent à « raviver le débat (…) à la veille du 5 décembre », journée « d’hommage, de mémoire à l’action de la France outre-mer et en particulier en Algérie ». Le député a également rendu hommage à « l’amour des rapatriés pour leur terre et qui ont contribué pendant un siècle à l’œuvre civilisatrice de la France ».

Le porte-parole de l’UMP Yves Jego a aussitôt menacé M. Grand d’exclusion, dénonçant des propos »inacceptables parce qu’un député de la majorité devrait éviter de commenter et de critiquer les propos du chef de l’Etat », alors que « celui-ci se trouve encore sur le sol algérien ». M. Jego a également critiqué des propos « inexacts parce que la déclaration de Nicolas Sarkozy était beaucoup plus équilibrée que la charge de M. Grand ne le laisserait penser ».

IL A « RÉCIDIVÉ », SELON PATRICK DEVEDJIAN

« Dans quelle République sommes-nous ? Dès que j’exprime mon opinion, on me menace d’exclusion. Qu’est-ce que c’est que cette évolution de la démocratie ? », a répondu, mercredi matin, M. Grand. Mais quelques heures plus tard, le secrétaire général du parti Patrick Devedjian annonçait, dans un communiqué, la suspension du député, en attendant que soit saisi le prochain bureau politique du parti. Il a notamment rappelé que le député de l’Hérault avait été une première fois menacé d’exclusion en octobre, après avoir dit qu’il était « plutôt tenté de soutenir » aux municipales de Montpellier la maire sortante socialiste, Hélène Mandroux. Alors que « ces [seuls] faits fonderaient une procédure d’exclusion » et que M. Grand était mis en demeure de récuser ses propos, il a « récidivé », écrit M. Devedjian, qui l’appelle à « un minimum de réserve dans son expression publique » concernant le président de la République, le gouvernement et l’UMP.

« Cette suspension, je la ressens comme un désaveu des propos qui ont été les miens », a réagi M. Grand, avant d’ajouter : « Il est étonnant, on peut dire inquiétant, qu’un député soit ainsi interpellé, blâmé, parce qu’il a fait connaître, sans agressivité, sans haine, presque gentiment, son sentiment sur l’œuvre de la France outre-mer durant un siècle. »

  1. D’après le blog des harkis du Loiret.
Facebook
Twitter
Email