Les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à Gaza et en Cisjordanie depuis le massacre du 7 octobre 2023 ont remis en lumière la dimension coloniale atypique de l’État d’Israël et réactivé des débats très vifs et très anciens sur cette dernière. Avec ce premier dossier comportant trois textes, nous tentons d’éclairer et de documenter cette question. Elle est complexe, Israël étant à la fois historiquement un Etat pensé comme un refuge pour les victimes des persécutions antisémites en Europe et une colonie de peuplement installée en Palestine aux dépends de la population autochtone.
Une première analyse par Joseph Confavreux et Carine Fouteau met à contribution plusieurs historiens et historiennes du fait colonial, notamment en Algérie, et conclut : « Israël est un État colonial. Refuser de le voir serait une illusion historique. Mais il se distingue des expériences coloniales européennes. Refuser de le voir serait une impasse politique. »
Dans un second texte, la chercheuse Yaël Dagan, après avoir passé en revue les arguments avancés dans la polémique sur le sionisme comme colonialisme, analyse « les mots du sionisme » et montre comment « l’hébreu moderne, par son lexique, favorise grandement l’occultation de la dimension coloniale de l’histoire israélienne contemporaine ».
Enfin, non sans débats au sein de notre comité de rédaction, nous ajoutons un troisième texte du sociologue Michaël Séguin qui aborde la colonialité d’Israël depuis les premières activités sionistes en Palestine avant 1948 jusqu’aux études récentes du colonialisme de peuplement (Settler Colonial Studies). Une partie de notre rédaction reproche à ce troisième texte de ne pas prendre suffisamment en considération l’idée qui a été à la base l’émigration juive en Palestine consistant avant tout à vouloir fuir l’antisémitisme en Europe. Cette aspiration à trouver un refuge en Palestine était partagée par l’ensemble des courants se recommandant du sionisme et ne s’accompagnait pas chez certains d’entre eux de l’idée fausse qu’il s’agissait « d’une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Ces courants, tout en se réclamant aussi du sionisme, posaient la nécessité d’un partage de la Palestine entre les immigrants juifs qui s’y réfugiaient et la population qui l’habitait. Malgré ces critiques, nous publions néanmoins ce troisième article avec l’idée d’alimenter le débat et la réflexion sur ces questions.
De quel colonialisme Israël est-il le nom ? Par Joseph Confavreux et Carine Fouteau
Les mots du sionisme. Retour aux sources, par Yaël Dagan