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Édition du 15 septembre au 1er octobre 2024
(Photo : Reuters/Toussaint Kluiters)

Des femmes expliquent pourquoi elles portent le voile intégral

L'Open Society Institute de George Soros a publié en avril 2011 le résultat d'une enquête intitulée Un voile sur les Réalités, portant sur 32 femmes qui vivent en France avec le voile intégral1. «Il s'agissait de donner la parole à ces femmes que l'on avait peu entendues lors du débat», a expliqué Naïma Bouteldja, auteure de cette étude. Il est dommage que l'échantillon de femmes n'ait pas été plus important, ce qui limite les conclusions que l'on peut tirer de cette étude. Mais la lecture du rapport d'enquête est suffisamment intéressante pour que nous en ayons repris les résultats principaux – on apprend par exemple que la plupart de ces femmes sont entrées en conflit avec leur entourage lorsqu'elles ont adopté cette tenue. Pour aider à la compréhension, nous avons ajouté en fin de cet article un petit lexique qui explicite le sens de quelques mots.
(Photo : Reuters/Toussaint  Kluiters)
(Photo : Reuters/Toussaint Kluiters)

UN VOILE SUR LES RÉALITÉS

Principaux résultats1.

Le but de ce rapport est de confronter les mythes et représentations des femmes portant le voile intégral avec l’expérience et les témoignages des principales concernées.

Partant de leurs paroles, Un voile sur les Réalités (Unveiling the truth), essaie de rendre compte de leur histoire, de leur décision de porter le voile intégral, de leur quotidien et de leurs sentiments vis-à-vis de la loi interdisant le port du voile intégral dans les lieux publics en France, qui entre en vigueur le 11 avril 2011.

L’étude est basée sur le témoignage de 32 femmes vivant en région Île-de-France, à Marseille, Lyon, Avignon, Rennes et d’autres petites villes de province. En choisissant ces villes, nous espérions obtenir un échantillon représentant plusieurs régions de France, du Nord au Sud, des grandes villes industrielles aux plus petites communes et des lieux à forte population musulmane aux localités où la présence des musulmans est marginale.
Malgré la taille limitée de l’échantillon, les expériences individuelles relatées dans le rapport permettent de mieux comprendre pourquoi certaines musulmanes choisissent de porter le niqab. Ce point a suscité en France de vifs débats, mais on n’y a guère entendu la voix des musulmanes qui portent vraiment le voile.

Il n’est pas facile de savoir le nombre de femmes qui portent le voile intégral en France. Si l’on s’en tient à l’estimation officielle, ce nombre s’élèverait à 1900, l’échantillon de ce rapport ne représenterait alors que 1,7% du total. Il faut cependant prendre les statistiques officielles avec prudence, puisque les deux estimations produites par des sources gouvernementales et diffusées dans la presse vont de moins de 400 à un peu moins de 20002. Etant donné la nature politique extrêmement contentieuse du sujet, toute estimation de ce groupe de personnes est sujette à interprétation. Il est par conséquent difficile d’établir dans quelle mesure notre échantillon est représentatif en termes de nombre, de distribution
géographique, d’âge, d’origine ethnique, et de statut marital et social.

En dépit de ces difficultés, il est apparu évident lorsque nous conduisions les entretiens, que certaines expériences sont si répandues au sein de la population interrogée qu’elles semblent bien représenter des tendances sûres. D’un autre côté les réponses étaient souvent si éloignées des images publiquement véhiculées dans les médias sur les femmes portant un niqab, que de nombreuses conclusions formées durant les débats pouvaient être légitimement remises en question.

1.1 Profil des personnes interrogées

Vingt-neuf des personnes interrogées sont nées en France et trente sont Françaises (soit plus de 90 %). Ce chiffre est plus élevé que le chiffre officiel cité dans le rapport parlementaire selon lequel deux tiers des femmes concernées sont Françaises.

Huit des femmes qui portent le voile intégral sont des converties (c’est-à-dire un quart de l’échantillon), ce qui est équivalent au chiffre fournit par le ministre français de l’Intérieur à la commission parlementaire sur le port du voile intégral. Les parents de vingt interviewées – 60 % – sont d’origine arabe (nés principalement en Afrique du Nord) et les parents de quatre des femmes interrogées – 12,5 % – sont originaires d’Afrique de l’ouest.

Vingt-et-une interviewées ont moins de 30 ans, et vingt-sept (presque 85 %) moins de 40 ans, ce qui se rapproche du chiffre officiel de 90 %.

Quatorze des interviewées ont au moins un baccalauréat contre huit non-diplomées. Un nombre significatif de femmes ont quitté l’école, ou disent avoir dû quitter l’école lorsqu’elles ont commencé à porter le foulard.

Dix des personnes interrogées, travaillent à temps plein ou à mi-temps. Seules deux femmes ont déclaré ne pas vouloir travailler, préférant rester à la maison. La plupart des femmes au chômage ont fait part de leur souhait de trouver un travail dans un futur proche tant que cela ne les empêche pas de pratiquer leur religion.

1.2 La pratique du port du voile intégral

Le port du voile intégral n’est pas une pratique continuelle pour chaque femme. Une dizaine des femmes interrogées ne le portent pas en permanence pour trois raisons principales : le contexte sociopolitique général, les règles du travail ou encore les tensions familiales. Certaines interviewées ont arrêté de le porter pour ce qu’elles considéraient être une période temporaire. Et parmi celles qui le portent en permanence, plusieurs ont d’abord commencé à le porter à certaines occasions, comme par exemple pour se rendre à la mosquée.

L’adoption du voile intégral n’est pas synonyme de refus de socialisation. Dans la majorité des cas, les femmes interrogées ont une vie sociale active (sortie au restaurant, avec des amies, lèche vitrine, activités éducatives, travail, etc…). De plus, plusieurs femmes qui évitent de sortir depuis qu’elles portent le niqab ne le font que pour éviter les abus dont elles sont victimes lorsqu’elles sont à l’extérieur. Seules deux femmes ont déclaré qu’il était préférable pour une femme de rester à la maison autant que possible. D’un autre côté,
deux femmes ont aussi affirmé consacrer plus de temps à leur vie sociale depuis qu’elles ont adopté le voile intégral.

1.3 Les raisons de l’adoption du voile intégral

Pour la plupart des interviewées, la décision de porter le voile intégral est le résultat d’une évolution progressive du hijab ou du jelbab vers le niqab. Les raisons qui poussent les femmes à porter le voile intégral sont difficiles à spécifier.

Les débats publics sur la question du voile ont cherché à minimiser sa signification spirituelle. Pourtant, dans la plupart des cas, les femmes interviewées disent avoir adopté le voile intégral dans le cadre d’une démarche spirituelle. Plusieurs souhaitaient approfondir leur relation avec Dieu en suivant notamment l’exemple des femmes du Prophète Mohamed.
Beaucoup nous ont décrit leur sentiment de joie intense et de bien- être le jour où elles ont porté le niqab/sitar pour la première fois.

D’autres facteurs ont influencé la décision des interviewées. Quelques femmes ont parlé de leur attirance spontanée pour l’aspect esthétique du voile. D’autres nous ont confié que leur choix de porter le niqab s’était fait au début de la puberté, gênées qu’elles étaient alors par l’attention des hommes à leur égard. Une jeune convertie, a également expliqué avoir opté pour le niqab plutôt que le hijab pour cacher sa conversion à l’Islam à ses parents et à leurs amis, le niqab lui permettant d’éviter d’être reconnue en public.

Il est également possible que la controverse elle-même ait encouragé un certain nombre de femmes, en particulier les plus jeunes, à adopter le voile intégral, un vêtement que beaucoup d’entre elles connaissaient mal avant que les politiciens et les médias ne le transforment en “sujet brûlant”. Dix des trente-deux femmes interviewées ont commencé à porter le niqab après le début de la controverse lancée en avril 2009. Plus de recherche serait nécessaire pour tirer une véritable conclusion sur ce que l’on pourrait appeler les “dommages collatéraux” de la polémique.

Il fut beaucoup question durant les débats des problèmes de sécurité que posait le port du voile intégral aux fonctionnaires et employés de banques, d’hôpitaux, de postes et autres services publics. Or, toutes les femmes interviewées ont répondu positivement et sans hésitation lorsqu’il leur a été demandé si elles accepteraient de se découvrir le visage pour être identifiées. Seules trois d’entre elles ont dit qu’elles demanderaient à être identifiées
par une femme.

1.4 Le voile intégral, une pratique contemporaine ?

Vingt-cinq femmes de notre échantillon se sont mises à porter le niqab après 2005 tandis que quatre l’ont porté dès les années 90.

Le voile intégral n’est pas, comme cela a souvent été avancé, un phénomène nouveau en France. Dans notre échantillon, un certain nombre de femmes le portent depuis plus de 10 ans sans avoir suscité dans le passé le moindre émoi autour d’elles. L’une d’entre elles, Eliza, une entrepreneuse de 31 ans, nous a par exemple expliqué qu’elle avait passé à la fin des années 90 toutes ses épreuves de baccalauréat en portant le niqab sans rencontrer aucune opposition.

Bien que notre échantillon soit trop petit pour tirer une conclusion définitive, il est certain que le nombre de femmes qui portent le voile intégral en France a augmenté depuis 2005. Comprendre les raisons de cette augmentation dépasse le champ de cette recherche.

Les chiffres seront probablement interprétés comme la preuve de la progression de l’emprise d’une idéologie salafiste sur la population musulmane française3 Nous soulignerons ici que si le salafisme a réellement gagné du terrain en France, toute analyse du phénomène devrait tenir compte des variables socio-économiques d’abord mais aussi de l‘impact de l’adoption de la loi interdisant le port de signes religieux dans les écoles publiques en 2004, des 15 années d’hystérie nationale autour du hijab, des débats sans fin et le plus souvent aberrants sur les musulmans et plus généralement des discriminations auxquels sont confrontées les minorités ethniques et religieuses en France en général et les musulmans et personnes d’origine africaine en particulier. Notre propos n’est pas ici de réduire la possible montée d’une idéologie salafiste à la relégation sociale, à la diabolisation de l’Islam et au racisme mais de souligner le besoin de prendre en considération des facteurs qui sont le plus généralement ignorés dans les débats publics en France.

1.5 Pression des membres de la famille ou de groupes/prédicateurs radicaux ?

Les témoignages des femmes indiquent clairement qu’aucune des interviewées n’a été forcée à porter le voile intégral.

Parents

L’adoption du voile intégral est dans la grande majorité des cas le résultat d’un choix personnel, sans que la moindre pression ait été exercée par des membres de la famille4. En réalité, la décision de porter le niqab/sitar a régulièrement heurté les convictions d’un ou plusieurs membres de la famille, en particulier les mères des intéressées, provoquant souvent des conflits ouverts au sein des familles.

Trente des interviewées ont été les premières de leur famille à adopter le voile intégral. En ce qui concerne celles dont les parents sont arabes ou africains, la plupart ont grandi dans ce qu’elles considéraient comme des foyers musulmans traditionnels et le port du voile intégral était le plus souvent une pratique étrangère à leur famille. Une des interviewées nous a ainsi expliqué que ses parents n’avaient jamais entendu parler du niqab avant que leur fille ne le porte et le considéraient réellement comme une innovation religieuse.

Les mères de vingt interviewées ont d’abord été en désaccord, parfois de manière virulente, avec la décision de leur fille de porter le voile intégral. Pour éviter les tensions familiales, beaucoup de jeunes femmes ont commencé à porter le niqab/sitar en secret. Seuls cinq pères et quatre mères ont soutenu la décision de leur fille de porter le niqab.

Beaucoup de parents considéraient le voile intégral comme une pratique extrémiste, radicale, sans rapport avec la religion. En ce sens, la perception des parents musulmans sur le voile intégral ne se différencie pas tellement de celle véhiculée par les médias.

Beaucoup de parents ont aussi rejeté le voile intégral de leur fille car ils souhaitaient que ces dernières poursuivent une carrière professionnelle. D’autres parents enfin n’étaient pas nécessairement opposés au voile en soi, mais étaient inquiets pour la sécurité de leur fille dans les lieux publics.

Époux

Parmi les 21 femmes mariées dans notre échantillon, 10 portaient le niqab avant le mariage, alors qu’au moins deux interviewées ont saisi l’opportunité du mariage pour le porter. Dans un cas, une interviewée a dû enlever son niqab après son mariage afin de ne pas incommoder ses beaux-parents. Quelques interviewées célibataires nous ont dit aussi considérer le mariage comme la solution à l’opposition de leurs parents au voile intégral, argumentant
qu’une fois mariée elles seraient en mesure de faire comme elles l’entendaient.

Seule une femme a été directement encouragée par son mari, un imam local, à
porter le niqab. Toutes les autres épouses ont pris leur décision de façon indépendante, en faisant souvent face à de sérieuses réserves de leurs maris. Dans notre échantillon, six des maris concernés ont soutenu la décision de leur femme de porter le voile, contre quatre qui s’y sont opposés et trois indifférents. Comme dans le cas des parents, beaucoup de maris étaient surtout inquiets pour la sécurité de leur femme.

Les mosquées, les prédicateurs/groupes radicaux

Les entretiens ont aussi tenté d’examiner l’influence des mosquées, des imams et des organisations islamiques dans la décision des femmes de porter le voile intégral.

Des personnalités hautement médiatisées comme l’Imam Abdelkader Bouziane,
expulsé de France pour ses vues controversées sur diverses questions, en particulier sur les femmes, ont contribué à faire percevoir les imams, les mosquées et les organisations musulmanes comme des agents influents et potentiellement dangereux. Les interviewées ne sont cependant pas affiliées, dans leur immense majorité, à une quelconque organisation musulmane (c’est le cas pour trente et une d’entre elles, une seule femme est membre du bureau de sa mosquée locale). De plus, dix-huit des femmes interviewées se rendent rarement à la mosquée, moins d’une fois par mois.

La grande majorité des interviewées éprouvent un mépris non dissimulé à l’égard des organisations musulmanes et de leurs représentants, critiquant durement leur position sur la question du voile. Les interviewées n’ont cessé d’évoquer leur consternation en entendant des représentants musulmans assurer que le voile intégral ne faisait “pas partie de la religion”.

Bien que beaucoup d’interviewées nous aient affirmé n’avoir reçu aucun soutien de la population musulmane, beaucoup ont tout de même souligné qu’au niveau local, elles étaient satisfaites du soutien apporté par leurs coreligionnaires.

Vingt-deux des femmes interviewées n’avaient aucune amie portant le voile intégral avant qu’elles ne l’adoptent elles-mêmes.

Aucune des femmes n’a commencé à porter le voile intégral après avoir entendu ou directement rencontré un prédicateur ‘radical’ dans une mosquée ou dans une association musulmane. On peut donc affirmer que l’adoption du niqab/sitar n’est pas le signe de l’activité de groupes radicaux opérant sur le sol français comme l’ont souvent prétendu politiciens et commentateurs.

1.6 Un degré troublant d’abus verbaux
Trente femmes ont déclaré avoir subi diverses formes d’abus verbaux de la part des gens ; sur un total de trente femmes dix-neuf déclarent être insultées « fréquemment » ou « à chaque fois qu’elles sortent de chez elles »5.

L’intensité de la violence verbale subie par la plupart de ces femmes ne doit pas être sous-estimée ou insuffisamment soulignée. Quelques interviewées ont dit qu’elles ne pouvaient pas comprendre pourquoi les gens les voyaient comme de pauvres victimes opprimées ou des terroristes, et en même temps les agressaient verbalement en public. Seules deux femmes dans tout l’échantillon nous ont affirmé ne jamais avoir subi d’abus. Les insultes vont de la référence à des personnages de fiction tels que Batman, Darth Vader
et Fantômas aux insultes plus grossières telles que ‘salope’ ou ‘pute’. Les remarques des personnes dans la rue faisaient aussi souvent allusion aux droits des femmes et/ou à l’interdiction du voile intégral (“Mais c’est interdit ça!” ou “c’est une amende de €150”). Souvent des passants leur criaient : “Retournez dans votre pays” ou “On est en France ici!”.

Dans une minorité de cas, les femmes ont également subi des violences physiques, certains passants crachant sur elles ou essayant de leur arracher leur voile. Au moins cinq femmes ont aussi raconté que des gens les avaient prises en photo sans leur demander la permission, comme si elles étaient des animaux dans un zoo.

Les interviewées qui portaient le niqab avant et après la controverse affirment clairement avoir remarqué un changement d’attitude chez les gens, qui se traduit par une augmentation des injures subies depuis que le voile intégral est sous les projecteurs. Une des femmes nous a expliqué que la controverse sur le niqab avait eu un plus grand impact sur le niveau d’injures qu’elle recevait que les attentats dans le métro de Paris en 1995 ou les attaques du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Le lendemain du principal discours du
Président Sarkozy sur le voile intégral au Palais de Versailles en juin 2009, deux des interviewées ont été physiquement prises à partie par des individus. L’une d’elles, qui portait le niqab depuis plus de 10 ans, fut même menacée au couteau par un homme6.

Les interviewées nous ont également dit que toutes les relations en public n’étaient pas négatives. Il est arrivé que les femmes soient abordées par des personnes qui voulaient simplement connaître les raisons qui les avaient poussées à porter le voile intégral, et à quelques rares occasions certaines femmes ont aussi reçu des messages de soutien inattendus de la part d’étrangers rencontrés dans la rue. Dans les deux cas, les interviewées étaient
heureuses d’engager la conversation avec les gens qui les accostaient.

La plupart des interviewées ont rapporté que leurs agresseurs étaient plus souvent de sexe féminin, âgés de 30 à 50 ans et « français de souche ». Il était très rare que l’agresseur soit un jeune.

De manière plus inattendue, une proportion significative des interviewées ont été verbalement agressées par des musulmans ou par des gens d’origine arabe. Beaucoup d’interviewées se sont entendu reprocher par des Arabes et/ou des musulmans qu’à cause de gens ‘comme elles’ les musulmans avaient mauvaise presse en France et qu’elles faisaient honte à la communauté musulmane et à l’Islam.

L’attitude des femmes vis-à-vis des abus verbaux est extrêmement diverse. Certaines nous ont dit ne jamais répondre aux abus verbaux, soit parce que c’était inutile soit parce que les enseignements islamiques disaient clairement qu’il ne fallait pas répondre à de telles agressions. D’autres femmes ont affirmé au contraire qu’elles répondraient, l’une d’elles expliquant qu’une insulte sur son niqab n’était pas une insulte personnelle, mais bien une injure faite à l’Islam. Deux ou trois femmes ont aussi soutenu qu’elles seraient
prêtes à répondre par la force si elles se faisaient elles-mêmes agresser physiquement.

On trouve aussi parmi les femmes interrogées une méfiance répandue de la police (la peur notamment d’être exposé à d’autres abus) et du système judiciaire. Environ la moitié d’entre elles n’était pas disposée à signaler une agression physique à la police. En ce qui concerne la violence verbale, la plupart des femmes interrogées considéraient qu’il ne servait à rien de la dénoncer aux pouvoirs publics car elle était difficile à prouver et la police
risquait de ne pas les prendre au sérieux. Enfin quelques femmes nous ont dit qu’elles ne se tourneraient jamais vers la justice française vu qu’elles croyaient en la supériorité de la justice divine sur celle d’un État non-islamique.

Il est cependant important de noter que les quelques femmes qui ont porté plainte contre leurs agresseurs ont rapporté qu’elles avaient obtenu gain de cause.

1.7 Après l’interdiction

Beaucoup de femmes ont estimé que la controverse n’était rien de moins qu’une stratégie électoraliste de diversion stigmatisant les musulmans dans un contexte de crise économique, politique et financière. Quelques interviewées pensaient également que le gouvernement craignait la progression de l’Islam, d’autres soutenant que le peuple et gouvernement français n’arrivaient toujours pas à assumer que la France était devenue une société multiculturelle.

Les femmes interrogées sont confrontées à un véritable dilemme quant à l’attitude à adopter lorsque la loi interdisant le voile intégral entrera en vigueur le 11 avril 2011. Très peu ont ouvertement reconnu qu’elles enlèveraient leur voile, les plus jeunes interviewées affirmant hautement qu’elles résisteraient. Nous savons pourtant, que deux de celles qui nous assuraient qu’elles n’ôteraient pas le voile intégral l’ont fait ultérieurement. Sur le long terme, la majorité des interviewées aimeraient dans l’idéal s’installer dans un pays musulman, particulièrement en Arabie Saoudite ou dans le pays de naissance de leurs parents. Deux ou trois femmes ont également cité le Royaume-Uni comme pays plus tolérant que la France vis-à-vis des musulmans. Quelques femmes pensent rester plus souvent à l’intérieur de leurs maisons. D’autres avancent des solutions plus originales comme le port de masques chirurgicaux ou de casques.

Sur la question de l’identité, certaines femmes se définissent tout naturellement
comme françaises, alors que d’autres expliquent que le sentiment d’aliénation a récemment dépassé leurs sentiments d’appartenance. Enfin une minorité d’interviewées nous ont dit qu’elles ne s’étaient jamais senties chez elles en France.

niqab, burqa, hijab
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  1. Source : http://www.soros.org/initiatives/home/articles_publications/publications/unveiling-the-truth-20110411/b-unveiling-the-truth-keyfinds-fr-20100411.pdf.

    Une fiche de synthèse est également disponible : http://www.soros.org/initiatives/home/articles_publications/publications/unveiling-the-truth-20110411/unveiling-the-truth-factsheet-fr-20100411.pdf.

  2. Le second chiffre inclut les femmes portant le voile intégral dans les territoires d’outre-mer (estimées à 300). En dépit de cela, la disparité entre les deux chiffres reste appréciable.
  3. Dans sa lettre addressée au premier ministre François Fillon en avril 2009, le maire communiste André Gérin a cité la menace croissante du salafisme comme facteur clé dans la lutte contre le voile intégral.
  4. Dans un cas seulement, une femme a expliqué que son mari, un imam local, l’a encouragé à porter le voile intégral, mais elle ne l’a fait qu’après quatre ans de vie commune et a énergiquement réfuté avoir subi la moindre forme de pression.
  5. La question n’était pas pertinente pour deux femmes qui ne portaient le niqab qu’en de rares occasions.
  6. Ce dernier a été ensuite arrêté et inculpé, selon l’interviewée.
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