Communiqué de presse de l’association Islam et Laïcité1
L’association Islam et laïcité exprime son inquiétude devant l’apparition de conflits liés au port de signes religieux, des foulards islamiques en l’occurrence, dans des secteurs, l’université et la recherche d’une part, la formation continue des adultes d’autres part, où la loi du 15 mars 2004 interdisant « le port de signes ou tenues par lesquels des élèves manifestent ostensiblement des appartenances religieuses » ne s’applique pas. Cette loi se réfère en effet expressément aux élèves des collèges et lycées publics, la circulaire d’application du 18 mai 2004 précisant par ailleurs que « La loi ne remet pas en cause le droit des élèves de porter des signes religieux discrets ».
C’est donc avec consternation que l’association a pris connaissance du licenciement, sans indemnité, suivi d’une interdiction d’entrer dans les locaux (appartenant au CNRS) d’une doctorante de l’université Paul Sabatier de Toulouse, Sabrina Trojet, au motif qu’elle aurait « causé un trouble à l’ordre public et porté atteinte à la liberté de conscience de ses collègues ». Sabrina Trojet bénéficiait d’un contrat à durée déterminée de 3 ans pour achever sa thèse au laboratoire de Microbiologie et de Génétique Moléculaire (LMGM) du CNRS à l’Université Toulouse III. Elle porte le voile depuis près de quatre ans, sans que cela ait posé de problème jusqu’ici. Elle bénéficie de nombreux soutiens parmi les étudiants et les enseignants de l’université, et aussi d’autres universités.
Des difficultés analogues sont signalées par des stagiaires en formation continue des adultes suivant des cours organisés par les Gretas dans des établissements publics.
L’association Islam et laïcité rassemble des personnes se réclamant ou non d’une appartenance religieuse, d’orientations philosophiques ou spirituelles diverses. Elles partagent la conviction que le dialogue et la connaissance mutuelle sont la condition du vivre ensemble dans une société pluraliste comme l’est aujourd’hui la société de notre pays et que, comme le précise la Charte de l’association, les « lois qui régissent la société n’ont pas pour objet d’imposer des obligations ou des interdits fondés sur des préceptes religieux ou des conceptions métaphysiques particulières, tout en garantissant à chacun le droit inaliénable de vivre selon sa conscience dans le respect des lois communes ».
À partir de ces principes de laïcité, l’association refuse tout ce qui peut apparaître comme une
discrimination dans la vie sociale. Elle s’est adressée au président de l’université Paul Sabatier pour que la décision de licenciement de Sabrina Trojet soit reconsidérée. Elle soutient toute action en justice ou devant la Halde visant à empêcher les interprétations erronées de la notion de laïcité et de la législation en vigueur dans ce domaine.
Paris, le 12 mai 2009
Voile intégral: Jean-Pierre Dubois (LDH) « absolument hostile » à une loi
[PARIS, 7 oct 2009 (AFP – Jean-Pierre Dubois, le président de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), est «absolument hostile» à une loi qui réglementerait le port du voile intégral, tout en jugeant «nécessaire que cette pratique régresse».
Pour le président de la LDH, qui s’exprimait mercredi matin devant la mission d’information parlementaire sur le port du voile intégral, cette pratique est « extrêmement minoritaire » même si elle est en augmentation. Il est « souhaitable que le port du voile régresse mais il faut se demander comment y parvenir », a dit M. Dubois, craignant qu’une loi ne vienne renforcer l’exclusion et encourager le communautarisme.
Il regrette le coup de projecteur mis sur le port du voile intégral estimant qu’il contribue à masquer les autres atteintes aux droits des femmes, comme la violence conjugale. […]
La mission parlementaire d’information sur le port du voile intégral, présidée par le député du Rhône André Gerin (PCF), a entamé ses auditions en juillet et rendra son rapport fin janvier 2010.
Le port du voile intégral bouscule la tradition laïque française2
Deux mots – burqa et nikab – ont suffi pour relancer le débat et amener Nicolas Sarkozy sur le sujet lors de son discours, prévu lundi 22 juin, devant le Congrès à Versailles. La burqa et le nikab, ces vêtements longs et sombres qui voilent entièrement le corps et le visage de certaines musulmanes, ont une nouvelle fois fait irruption dans la vie politique après la proposition de 65 députés de droite et de gauche de créer une commission d’enquête sur l’ampleur de ce phénomène en France « au nom de la laïcité ».
Signe de la sensibilité du dossier, le président de la République, interrogé sur ce sujet vendredi 19 juin, à Bruxelles, a refusé de se prononcer immédiatement sur l’opportunité de cette commission d’enquête et, au-delà, sur la pertinence d’une loi interdisant la burqa et le nikab en France. Il a en revanche annoncé qu’il traiterait de la question lundi devant les députés et les sénateurs dans le cadre d’une intervention au cours de laquelle il devait aborder les thèmes de l’intégration et du modèle républicain : « Mon rôle de président de la République, c’est d’essayer de mettre les réponses dans un contexte général et d’expliquer des tendances lourdes et non pas de réagir à l’émotion du moment. »
Cette approche marque une relative prise de distance avec les propos du porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, qui, le matin sur France 2, n’avait pas exclu la possibilité d’une loi interdisant le port de la burqa dans l’espace public, s’il s’avérait que cette tenue vestimentaire était « subie » par les femmes. Pour certains, l’offensive parlementaire apparaît aussi comme une réponse à l’approbation par M. Sarkozy des propos de Barack Obama sur la liberté pour les femmes vivant dans les pays occidentaux de porter le voile, à condition qu’il s’agisse « d’un libre choix ». « Après le pragmatisme et l’apaisement affichés par M. Sarkozy, on semble retomber dans une forme de conflictualité avec les musulmans », relève Samir Amghar, spécialiste à l’EHESS du salafisme, ce courant de l’islam qui prône une pratique religieuse radicale et notamment le port du voile intégral.
Si un consensus semble se dégager sur l’intérêt d’établir la réalité de ce phénomène qui heurte le tissu social et culturel français, notamment pour s’assurer du droit à l’égalité et à la dignité de ces femmes, en revanche des doutes se font jour sur l’opportunité de légiférer sur le port d’un vêtement particulier, arboré sur la voie publique par des femmes majeures.
« C’est un vrai sujet », a déclaré la première secrétaire du PS, Martine Aubry, vendredi. « Je demande qu’on essaie de réfléchir de la manière la moins simpliste possible. Si une loi interdit la burqa, ces femmes auront toujours la burqa, mais elles resteront chez elles », a-t-elle souligné en insistant sur « l’intégration de ces populations ».
« L’Etat peut surveiller les prêches radicaux, pas contrôler le nombre de burqas dans les rues », estime-t-on au ministère de l’intérieur, pour qui une action peut être entreprise s’il y a trouble à l’ordre public ou s’il apparaît que « le port de la burqa résulte de violences physiques ou psychologiques. C’est du cas par cas ».
« Le législateur sera-t-il à même de vérifier qui porte la burqa de manière forcée et qui la porte par choix? », s’interroge aussi Hassan Safoui, du Comité 15 mars, une association proche de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) qui aide les jeunes filles voilées, depuis la loi de mars 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles à l’école. Beaucoup soulignent également qu’une législation antiburqa ne viserait pas, par définition, les hommes actifs dans les mouvements salafistes et dans les mosquées.
« Groupes sectaires »
« Ce n’est pas la femme en burqa qui pose problème, c’est l’emprise de groupes sectaires sur les jeunes », estime Bernard Godard, auteur de l’ouvrage Les Musulmans en France (Robert Laffont, 2007). « D’un point de vue sociologique, le salafisme relève bien d’une organisation sectaire, confirme M. Amghar. Ses membres ne reconnaissent pas les valeurs dominantes de la société; ils excommunient les autres formes de l’islam; ils s’appuient sur un leader charismatique porteur d’un savoir religieux et s’en remettent à un système divin. Souvent issus de ghettos sociaux ou économiques, ils vont, avec leur pratique religieuse, au bout de la logique vous m’excluez, je vous exclus. »
Mais, au-delà des possibles atteintes au principe de laïcité induites par ces groupes, la radicalisation d’une frange de musulmans vivant en France, dont le nombre est évalué à quelques milliers, pose des questions à l’islam organisé. Cet islam « du juste milieu » voit rarement d’un bon œil le développement des pratiques salafistes et s’inquiète du dynamisme de ce mouvement en termes de réislamisation des jeunes générations, y compris dans des petites villes de province. « S’ils veulent un islam adapté à la vie en France, c’est aux musulmans eux-mêmes de faire le ménage, estime un spécialiste de l’islam. Mais face aux salafistes, certains souffrent d’un déficit de légitimité religieuse. » Et, en réponse au problème posé par la burqa, préfèrent insister sur le caractère marginal ou non religieux de cette pratique.
Les tribunaux sont de plus en plus saisis de contentieux sur le port du voile
Les plaintes touchent désormais aussi le monde du travail et celui des loisirs.
Samia Saïd saura dans une dizaine de jours si elle peut réintégrer le cours d’anglais dont elle a été exclue en mars. Son cas a été examiné jeudi 16 avril par le juge des référés du tribunal administratif de Paris.
Le 5 mars dans la soirée, cette Française de 38 ans, titulaire d’un DEA en droit international, s’est vue refuser l’entrée du lycée public où elle suivait depuis octobre 2008 une formation d’anglais dispensée par le Greta Top Formation, spécialiste de la formation professionnelle pour adultes.
Motif invoqué par le chef d’établissement du lycée d’accueil : le voile islamique, porté par Mme Saïd depuis son inscription à cette session de formation, contrevenait à la « loi sur la laïcité ». Pour l’avocat de la plaignante, il s’agit là d’une « interprétation erronée et d’une tentative d’extension de la loi de mars 2004 sur le port de signes religieux, qui s’applique aux élèves des établissements publics ».
A Toulouse, Sabrina, 25 ans, devait être fixée sur son sort vendredi 17 avril dans l’après-midi. Le tribunal administratif devait se prononcer sur la suspension ou non de son licenciement en février par l’université Paul Sabatier. Cette étudiante en microbiologie a refusé de répondre aux demandes de l’université qui exigeait qu’elle retire son voile : devenue allocataire de recherche, elle dispose d’un contrat de travail de droit public, jugé incompatible par son employeur avec le port d’un signe religieux ostensible. « En tant qu’agent public elle ne peut plus porter le foulard », défend l’avocat de l’université, Jacques Levy.
Le fond juridique de ces deux affaires est différent, mais les cas de Samia et de Sabrina sont révélateurs d’une tendance de fond. Les Français de confession musulmane sont de plus en plus enclins à saisir la justice dès lors qu’ils s’estiment discriminés en raison de leur pratique religieuse. « La tendance 2008 confirme une hausse très nette de contentieux », affirme Samy Debah, président du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), qui présentera son rapport annuel mercredi 22 avril.
Le relatif succès de la pétition de soutien à Sabrina, qui a recueilli plus de 2300 signatures en dix jours, montre également une mobilisation croissante sur ces affaires. « Les dossiers qui arrivent en justice ne sont encore que l’arbre qui cache la forêt, estime un avocat spécialiste de ces dossiers. Car une chose est sûre, les musulmans en ont ras-le-bol d’être discriminés. » Le CCIF constate que les plaintes, concentrées jusqu’à présent dans les administrations et les préfectures, touchent désormais largement le monde du travail et de la formation professionnelle. L’université, où les jeunes filles voilées sont parfois confrontées à des enseignants qui, à titre individuel, mettent en cause leur tenue, le secteur des loisirs (dernièrement une femme voilée s’est vue refuser l’inscription dans une salle de sport qu’elle fréquentait auparavant non voilée), ou celui des auto-écoles sont désormais le théâtre de conflits de ce type. Le CCIF affirme toutefois résoudre 90 % des affaires par la médiation. « Les discriminants ne connaissent pas toujours la loi et, parfois il suffit juste de faire preuve de pédagogie pour régler le problème », assure encore M. Debah.
Les saisines de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), permettent aussi en partie d’éviter le passage en justice. Mais ses recommandations, non contraignantes, ne remplissent que partiellement cet objectif. Saisie d’une affaire portant sur la présence de stagiaires voilées dans un Greta, la Halde, dans un avis de juin 2008 avait estimé que « seules des circonstances particulières rendant incompatibles le port du foulard avec des exigences de sécurité et/ou de santé pourraient justifier des restrictions à la liberté religieuse des stagiaires du Greta » et rappelé l’arrêt du Conseil d’Etat de 1996 qui indique que « le seul port du foulard ne constitue pas par lui-même un acte de pression ou de prosélytisme ». L’avocat de Mme Saïd s’est empressé de le verser à son dossier.
Quatre religieuses catholiques se promènent en ville. Elles sont voilées. Libres et respectées.
Heureusement.
Les musulmanes ont le même droit. D’accord ?
3
- Référence : le dossier «port du voile et discriminations» de l’association Islam et Laïcité (138 rue Marcadet – 75018 PARIS).
Association loi 1901, déclarée à la Préfecture de Paris le 18 avril 2006, fondée sur une adhésion à la laïcité, soucieuse de la parité entre hommes et femmes, la « Commission Islam et Laïcité » est un groupe pluriel de réflexion, d’information et de formation sur l’islam, les musulmans, la société française et la République (Article 2 des statuts) - Lire également «Le débat sur le port de la burqa tourne au piège intégral», par Stéphanie Le Bars, Le Monde du 26 septembre 2009.
- Référence : http://desinformer.blog.lemonde.fr/2009/06/07/voile/.