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Édition du 15 mars au 1er avril 2025

Dans « Orient XXI », un poème inédit de Kateb Yacine

« De lourdes armées de marins gonflèrent le remous de la poudre », un poème inédit de Kateb Yacine

par Françoise Feugas, publié le 7 février 2025 dans « Orient XXI »

Un petit cahier, trouvé l’an passé dans les archives de la famille de René Schérer (1922-2023), contenait ce poème signé — avec déjà cette inversion du nom et du prénom qui deviendra son nom de plume — « Kateb Y. » Il est daté de 1947, année des 18 ans de l’auteur de Nedjma.

À dix-huit ans à peine, le jeune poète né en 1929 dans le Constantinois préfigurait déjà ce semeur de textes qu’il fut toute sa vie, laissant ici ou là, chez des amis, à Paris, Marseille, Grenoble ou plus loin, au gré de ses chemins d’exil, ce qui deviendra par la suite la matière de L’Œuvre en fragments, volume d’inédits littéraires et de textes rassemblés par son amie l’universitaire Jacqueline Arnaud1, et publiés pour la première fois en 1986 par les éditions Sindbad.

En 1947, Yacine Kateb est en France depuis le printemps. Il a bénéficié d’une bourse de séjour par la grâce du gouverneur général d’Algérie Yves Chataigneau, dont l’intérêt porté au jeune lycéen algérien, souvent commenté, a probablement à voir avec la publication en 1946 de Soliloques, premier recueil de poèmes d’un garçon de 16 ans, emprisonné à la suite de la manifestation de Sétif du 8 mai 1945 à laquelle il avait participé, un ou deux mois au camp militaire de prisonniers de la base aérienne de la ville. Là où, comme ses camarades, il est battu et entend les cris des torturés et les exécutions à l’extérieur.

Les services du gouvernement général n’ont de cesse, alors, que de tenter d’apaiser un climat de tension palpable dans — notamment — de savantes manœuvres de rapprochement entre l’intelligentsia algérienne — surtout « indigène » — et celle de la France. Et c’est ainsi que cette même année 1947 post-massacres voit également arriver en France, par exemple, la (future) grande artiste Baya, deux ans de moins que Yacine et destin similaire… Tous deux sont entrés pour ainsi dire par effraction dans les cercles métropolitains parisiens de vie littéraire et intellectuelle.

L’amour et la révolution

Si le parcours du poème inédit trouvé dans le grenier de la famille Schérer demeure malgré tout quelque peu énigmatique dans le détail, la filiation idéologique est claire entre l’auteur, René Schérer, philosophe et communiste, et Marc Zuorro, à qui le texte est dédié. Ce dernier écrit dans Combat, journal né pendant la Résistance et qui rassemble à l’époque des signatures de toute la gauche française.

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