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Édition du 1er au 15 février 2025
Perpignan, le 16 mars 2007 : conférence de presse du collectif (© Jean Roig).

conférence de presse du collectif Non au projet de musée de la mairie de Perpignan à la gloire de la colonisation

Au cours de sa conférence de presse de vendredi 16 mars 20075, le collectif a présenté et commenté la déclaration que vous trouverez ci-dessous, suivie d'un rappel de l'essentiel du dossier. La déclaration sera distribuée aux membres du conseil municipal lors de sa prochaine réunion. Le collectif fonde beaucoup d'espoir sur la journée d'étude prévue le 19 avril prochain pour «remettre l'histoire et pas seulement la mémoire» au centre des réflexions.
Perpignan, le 16 mars 2007 : conférence de presse du collectif (© Jean Roig).
Perpignan, le 16 mars 2007 : conférence de presse du collectif (© Jean Roig).

Pour un authentique centre de ressources et de documentation
sur l’histoire franco-algérienne de 1830 à 1962

L’action du collectif n’a pas été ignorée par les médias locaux : l’affaire du « centre de documentation de 132 années de présence française en Algérie » est enfin mise sur la place publique.

C’est ce que la mairie craignait le plus. Elle est contrainte à la défensive.
Il faut rappeler qu’il y a quelques années, le Cercle algérianiste n’avait pas eu de mal à convaincre Jean-Marc Pujol de transférer son « musée de l’Algérie française » (c’est ainsi que le Cercle désigne ses expositions présentées au 52 de la rue Foch) dans un lieu relevant du patrimoine municipal. A son tour le premier adjoint ne devait pas avoir eu de difficulté pour faire partager ce projet au maire de la ville, lui qui au cours de la séance du Sénat le 16 décembre 2004 déclarait : « quarante-deux ans déjà, plus d’un million de nos compatriotes furent condamnés à abandonner la terre qui les avait vus naître et, à tout jamais, leurs racines. »

Il n’est pas question pour nous de nier la souffrance des Pieds-noirs. Il y a eu des morts, des disparus et finalement le déracinement. Mais taire les injustices, les ségrégations et les exactions dont furent victimes massivement les Algériens pendant 132 ans, c’est exempter le colonisateur de sa responsabilité écrasante. A partir de ce déni historique, tout peut se justifier : la guerre coloniale conduite par l’armée française de 1954 à 1962, les tortures et pour finir les crimes de l’OAS.

Si ce n’est pas là une conception tronquée de l’histoire ! Et que dire de celle de Jean-Marc Pujol qui déclare dans la Semaine du Roussillon1 : « avant cette fin tragique, Musulmans et Français vivaient ensemble ». Notez le distinguo : « Musulmans et Français ». Et puis, ce « vivaient ensemble » : quelle vision idyllique et unilatérale de la réalité algérienne !

Ce qui renvoie aux propos incroyables de Madame Simon-Nicaise, présidente du Cercle algérianiste, tenus dans le même hebdomadaire : « Certes les Algériens, mais nous étions tous des Algériens, n’avaient pas les mêmes droits mais s’en plaignaient-ils ? »

Et c’est à ces gens que l’on va confier un centre de documentation ouvert au public, visité par les scolaires et financé avec les deniers publics ?
Ce projet est devenu tellement inacceptable que Monsieur Pujol le désigne désormais comme « un site muséographique mais aussi de recherches historiques » et déclare qu’il « va mettre en place un comité scientifique » Mais « un centre de la présence française en Algérie» est une dénomination tellement réductrice et partisane que les universitaires contactés n’ont pas donné suite.

Toute autre chose serait un centre de ressources et de documentation qui soit un lieu ouvert sur l’histoire franco-algérienne dans toute sa complexité. Un lieu où les mémoires ne soient pas présentées comme l’histoire officielle.

A quels critères devrait répondre un tel projet ? Nous ne sommes plus seuls à formuler cette question.
Ce qui est totalement nouveau, c’est qu’elle est désormais posée en toute indépendance par des historiens et des spécialistes en sciences politiques.

L’un d’eux, Eric Savarese, maître de conférences à l’université de Perpignan, interrogé mercredi 7 mars sur FR3, a déclaré avoir rencontré, à leur demande, « les protagonistes de cette polémique » (ce qui est notre cas) et qu’à la suite il avait « pris l’initiative de réunir le 19 avril à l’université de Perpignan, un certain nombre de chercheurs reconnus
2 sur l’histoire de l’Algérie
» pour « essayer de provoquer une réflexion sur le thème : Comment montrer l’Algérie au public ? ». Il est prévu « qu’au terme de cette journée, sera produit un document de synthèse qui sera rendu public de façon à déplacer un peu les questions de la mémoire vers l’histoire. »

La mairie ne peut pas rester sourde à cette interpellation.
Aura-t-elle la sagesse d’entendre ces questionnements ? Aura-t-elle l’intelligence de proposer à ces chercheurs de plancher sur un projet sérieux répondant aux contraintes de méthodes en matière d’exposition des faits ou des matériaux historiques, et recensant l’ensemble des thématiques, processus et autres éléments qui devraient figurer dans un musée consacré à l’histoire de l’Algérie entre 1830 et 1962. ?

En bref

– Le 8 août 2005, le MRAP apprend que la mairie de Perpignan soutient financièrement et techniquement la création au couvent Sainte Claire d’un mur des disparus « des fusillés et combattants pour que vive l’Algérie française » et d’un centre de « la présence française en Algérie ».

Il écrit immédiatement au Maire de Perpignan, (extraits) :

« Nous vous pressons de ne pas cautionner la création de ce mur … ni ce centre de « l’œuvre française en Algérie ». Il serait par ailleurs inconcevable de dilapider des fonds publics dans ce projet de révisionnisme du colonialisme. Nous vous demandons d’avoir la sagesse d’interdire :

  • la construction du dit « mur des disparus ».
  • l’ouverture du centre de « l’œuvre française » en Algérie.

Monsieur Jean-Marc Pujol, maire-adjoint, lui répond d’une manière abrupte.

– Le 24 octobre 2005, la Ligue des droits de l’Homme écrit au maire de Perpignan. Sa lettre et la réponse de Jean Paul Alduy sont consultables sur ce site.

– Fin mai 2006, l’Adimad, association composée d’anciens activistes de l’OAS, lance un appel à rassemblement, le mercredi 7 juin 2006 à 11 h, au cimetière du Haut Vernet de Perpignan, pour un hommage public aux assassins du commissaire central d’Alger Roger Gavoury. Alertées, des organisations locales se mobilisent : le 7 juin 2006, une soixantaine de personnes se retrouvent devant le cimetière du Haut Vernet pour protester contre cette célébration.

– Cette mobilisation contre la stèle de la honte a été l’élément déclencheur qui a permis la constitution du collectif : un appel est lancé.

Ce sont aujourd’hui 34 organisations qui exigent que ce projet de musée soit abandonné. Elles demandent qu’il soit remplacé par un tout autre projet prévoyant un centre où seraient présentées toutes les facettes de l’histoire franco-algérienne avec une garantie d’intégrité sur le contenu.

Le projet de la mairie – Il s’agit de faire du couvent de Saint Claire un centre dédié à la mémoire de la présence française en Algérie. La conception en serait confiée au Cercle algérianiste, pour un coût dépassant les 2 millions d’euros (somme en partie couverte par des subventions institutionnelles). Au niveau du fonctionnement, les orientations seraient de la responsabilité exclusive du Cercle algérianiste, le financement étant assuré par la mairie3.

La réalisation reposerait sur trois pôles :

  • Le musée : plus de 430 m² d’exposition aménagés sur les deux niveaux du couvent ; au premier étage une exposition permanente (300 m²) retraçant l’histoire de la présence française en Algérie, et, au rez-de-chaussée, un espace d’exposition temporaire aménagé dans une partie de l’église.
  • Un centre de documentation multimédia constitué à partir des collections du Cercle algérianiste.
  • Dans le jardin, un mémorial où seront inscrits les noms de tous les disparus d’Algérie entre 1954 et 1963
    4.

    – Le collectif estime que la conception d’un centre de documentation qui, dans la pratique, aura la fonction d’un musée, doit reposer sur le questionnement d’historiens capable d’en faire un lieu ouvert sur l’histoire franco-algérienne dans toute sa complexité.

    1. Voir 1845.
    2. Valérie Morin, Raphaëlle Branche, Sylvie Thénault, Gilbert Meynier, Guy Pervillé, Jean Robert Henry, Eric Savarese. Avec une contribution écrite de Benjamin Stora.
    3. Le Cercle algérianiste évoque un «budget de fonctionnement estimé à 150 000 euros par an» – voir http://babelouedstory.com/thema_les/disparus/1326/1326.html.
    4. D’après Madame Suzy Simon-Nicaise : le «Mémorial des disparus d’Algérie» serait un « monument d’environ 15 mètres de long probablement composé d’un haut relief central autour duquel seront gravés les noms de toutes les personnes disparues.» (Voir la page http://www.lecri.net/associations/cercle_Perpignan001.htm)

Sur le site du Cercle algérianiste de Lyon, on lit que « promesse a été faite par le sénateur-maire de Perpignan Jean-Paul Alduy et par Suzy Simon-Nicaise, présidente du Cercle algérianiste des Pyrénées-Orientales d’ériger dans la ville le MEMORIAL DES DISPARUS D’ALGERIE où seront inscrits les noms de toutes les personnes disparues entre 1954 et 1963 sans distinction de sexe, d’âge, d’origines ou de confession.»

Une présentation plus récente précise : « un « Mur des disparus » sera érigé dans le jardin de l’ancien couvent Sainte-Claire ; y figureront les noms des Pieds-noirs disparus pendant la guerre mais aussi une citation de Camus et une autre d’un auteur algérien contemporain en hommage aux milliers […] de Harkis disparus et assassinés en Algérie.»

Une question : Maurice Audin y aura-t-il sa place ? Sur quels critères les noms seront-ils acceptés ou refusés ? Sans oublier que sur les enlèvements et disparitions d’Européens d’Algérie il subsiste de nombreuses zones d’ombre (voir par exemple 1531). Quant aux Algériens disparus au cours de cette guerre, ils ne sont même pas évoqués

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