Paris, le 6 novembre 2009
L’OAS (Organisation armée secrète) a été à l’origine, en Algérie et en France, au cours des années 1961 et 1962, de milliers d’attentats terroristes et de quelque 2.700 assassinats, individuels et collectifs, ayant visé notamment des civils, des magistrats, des militaires, des représentants des forces de l’ordre, des fonctionnaires de l’éducation nationale restés fidèles aux institutions de la République à une période de leur histoire où elles étaient les plus menacées.
Les crimes commis par cette organisation séditieuse font désormais l’objet d’apologie publique. Leurs auteurs sont héroïsés, y compris et surtout ceux qui, en 1962 et 1963, en raison du nombre et de la gravité de leurs forfaits, ont été condamnés à mort et exécutés : leurs anciens compagnons de désertion et thuriféraires leur rendent en effet hommage en les qualifiant de combattants, de résistants, de patriotes, de martyrs, tombés pour que vive l’Algérie française. Leur délire révisionniste les conduit même à regarder rétrospectivement les victimes de l’OAS comme des collaborateurs et des traîtres à la patrie.
L’Etat n’intervient ni dans la prévention ni dans la dénonciation des atteintes portées à la mémoire de ses anciens serviteurs parmi les plus loyaux et les plus courageux. C’est par conséquent aux descendants de ces derniers qu’il appartient de défendre leur souvenir et, à cet effet, d’en appeler à la justice le cas échéant.
Ce vendredi 6 novembre 2009, la 11ème chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Créteil (Val-de-Marne) s’est prononcée sur des propos concernant la première victime causée par l’OAS au sein de la fonction publique de l’Etat en Algérie en la personne d’un contrôleur général de la sûreté nationale, Roger Gavoury, mon père, assassiné, le 31 mai 1961, dans l’exercice de ses fonctions de commissaire central du grand Alger, cité à l’ordre de la Nation et reconnu “Mort pour la France”.
Dans le contexte d’un forum, sur un site Internet s’adressant aux nostalgiques de la présence française en Algérie, M. Jean-Claude Thiodet, demeurant à Orange, était intervenu le 4 novembre 2008 pour commenter une décision rendue, sur requête de ma part, par le tribunal administratif de Marseille le 7 juillet 2008. Le jugement avait ordonné le démantèlement d’une stèle érigée, sur le domaine public de la commune de Marignane, à la gloire des quatre condamnés à mort de l’OAS, et la perspective de son exécution avait fait intervenir M. Thiodet en ces termes : «M. Gavouri fils, s’il était un homme d’honneur, ferait mieux de rester dans l’ombre et de laisser oublier qu’il est le fils d’un traître à la patrie !».
Dans le prolongement de ma plainte transmise le 7 décembre 2008 à M. Jean-Jacques Bosc, procureur de la République, M. Thiodet a comparu devant le tribunal correctionnel de Créteil le 29 septembre 2009, au côté du webmestre et responsable éditorial du site Internet en question, M. Marc Mora, domicilié à Champigny-sur-Marne.
Prévenus de l’infraction de diffamation à l’égard de la mémoire des morts, délit prévu par l’article 34 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée sur la liberté de la presse, les intéressés avaient refusé d’exprimer, face à leurs juges, le moindre regret de cette déclaration.
Ce 6 novembre, confirmant la validité de la citation dont ils avaient fait l’objet à la diligence du Parquet, et rejetant l’ensemble des éléments présentés par leurs avocats pour en contester la recevabilité en la forme, le tribunal a reconnu M. Marc Mora coupable du délit de diffamation et l’a condamné à la peine de 5.000 euros d’amende. Seule la complicité a été retenue à l’encontre de M. Jean-Claude Thiodet, condamné pour sa part à la peine de 4.000 euros d’amende.
Au titre des dommages-intérêts, prenant acte de ma constitution de partie civile préalablement à l’audience du 29 septembre, le tribunal a mis à la charge de MM. Mora et Thiodet le versement à mon profit de la somme de 5.000 euros1
Celle-ci servira au financement des projets entrant dans le cadre des activités définies dans les statuts de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS.