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Édition du 1er au 15 novembre 2024

Comment l’État a-t-il pu autoriser la torture dans la guerre d’Algérie ? Un appel au président Macron

Un Appel lancé par l'ACCA a été rendu public le 4 mars au siège de la Ligue des droits de l'Homme. Relayé entre autres par l'AFP, RFI, « Le Monde »…

Une demande de reconnaissance de la responsabilité de l’État pour le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie a été formulée le 4 mars 2024 par vingt-trois associations. Une lettre a été adressée en leur nom au président de la République par l’ACCA (Agir contre le colonialisme aujourd’hui), qui n’en a pas reçu de réponse.

Le 4 mars 2024 lors d’une conférence de presse au siège de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) présidée par Patrick Baudouin, son président, un Appel a été rendu public. Plusieurs représentants de la presse nationale et internationale étaient présents et de nombreux média en ont rendu compte, dont L’AFP, RFI, TV5 Monde, Le Monde, Le Parisien, etc., ainsi qu’un grand nombre de quotidiens de la presse régionale, et, en Algérie, El Watan, Le Quotidien d’Oran, Le Matin d’Algérie, etc. Le report de la visite en France du président algérien à septembre ou octobre 2024 semble témoigner du peu d’empressement d’Emmanuel Macron de se saisir de ce dossier.


Communiqué de presse du 4 mars 2024

Pourquoi une demande de reconnaissance de la responsabilité de l’État dans le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie ?

Depuis la guerre d’Algérie, pendant laquelle des crimes indignes ont été commis sous la responsabilité des plus hautes autorités françaises, et jusqu’à la période récente, des voix se sont élevées, de manière récurrente, pour réclamer que l’État français reconnaisse ses responsabilités dans le recours systématique à la torture durant la répression coloniale.

Ces exigences ont été réitérées par différentes associations et personnalités françaises. En 2000, une lettre adressée au Président de la République par douze personnalités appelait « dans un esprit tourné vers un rapprochement des personnes et des communautés et non vers l’exacerbation de leurs antagonismes /…/ à condamner ces pratiques par une déclaration publique » et invitait « les témoins, les citoyens à s’exprimer sur cette question qui met en jeu leur humanité ».

Le Président de la République, Emmanuel Macron a reconnu, en septembre 2018, l’assassinat de Maurice Audin à Alger en juin 1957 par les militaires français qui le détenaient, il a reconnu en mars 1961 l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel lors de sa détention et il a reconnu dans le communiqué de l’Élysée du 18 octobre 2022 qu’il s’agissait d’un système fondé sur la pratique de la torture : « Nous reconnaissons avec lucidité́ que dans cette guerre il en est qui, mandatés par le gouvernement pour la gagner à tout prix, se sont placés hors la République. Cette minorité́ de combattants a répandu la terreur, perpétré́ la torture, envers et contre toutes les valeurs d’une République fondée sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. » Ce sont des déclarations que nous saluons ?

Cependant, les associations signataires de « l’Appel pour la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans le recours à la torture durant la guerre d’Algérie » rendu public le 4 mars 2024, dont la liste figure ci-dessous, estiment qu’elles ne suffisent pas.  Il n’a pas été répondu à la question posée en 1962 par l’historien Pierre Vidal-Naquet : « Comment déterminer le rôle, dans l’État futur, de la magistrature ou de l’armée ou de la police si nous ne savons pas d’abord comment l’État, en tant que tel, s’est comporté devant les problèmes posés par la répression de l’insurrection algérienne, comment il a été́ informé par ceux dont c’était la mission de l’informer, comment il a réagi en présence de ces informations, comment il a informé́ à son tour les citoyens ? »

La reconnaissance de la torture par l’Élysée n’explique pas les dysfonctionnements de l’État et de ses institutions militaires, administratives et judiciaires qui ont permis que la théorie de la « guerre contre-révolutionnaire » ait été mise en œuvre. Ni que les « DOP » pratiquant la torture aient été créés au sein de l’armée française, ni que ceux qui l’ont pratiquée aient été promus et décorés alors que ceux qui l’ont dénoncée ont été poursuivis et emprisonnés, ni que des milliers de familles de disparus n’ont jamais reçu de réponse des autorités à leurs demandes, ni que des décrets ont autorisé la censure et la saisie des périodiques et des livres rapportant des faits dans leur vérité.

Les associations signataires du présent Appel, rendu public le 4 mars 2024 et dont la liste figure ci-dessous réaffirment qu’une reconnaissance officielle et historique permettrait d’ouvrir la voie à une compréhension du fonctionnement et des logiques de l’État durant une colonisation et une guerre pendant lesquelles la République a contredit les principes dont elle se réclamait. Elle est également indispensable pour notre présent et notre avenir, car, sans un retour sur cette page sombre de son histoire, rien ne préserve la République française de retomber dans les mêmes dérives.


Appel à la reconnaissance des responsabilités de l’État

dans le recours à la torture durant la guerre d’Algérie

La Déclaration d’Alger pour un partenariat renouvelé entre l’Algérie et la France propose « une lecture objective d’un pan de leur histoire commune. » L’Histoire ne peut s’écrire à quatre mains. Lors d’une guerre, chaque État, chaque belligérant se trouve seul face aux décisions prises, à leur application et à leurs conséquences, chaque peuple a son vécu propre de l’événement, vécu surdéterminé par son rapport avec son passé et sa condition présente.

Il n’y a pas de guerre sans abominations, sans crimes de guerre, mais l’État doit assumer ses responsabilités. Un mot traverse la guerre d’Algérie : torture. Jean-Paul Sartre écrit, dans Une Victoire, celle d’Henri Alleg sur ses tortionnaires, relatée dans La Question : « On n’humanisera pas la guerre d’Algérie. La torture… est au cœur du conflit et c’est elle, peut-être, qui en exprime la vérité la plus profonde. »

C’est cette « vérité la plus profonde » qui doit être soumise à l’examen attentif de l’Histoire. Comment en France, dix ans après la libération du nazisme, l’État, les instances gouvernementales, militaires et judiciaires n’ont-elles pas réagi quand des officiers français ont théorisé le recours à la torture sous le concept de « guerre révolutionnaire » ? Comment ces théories ont-elles pu recevoir l’aval de l’État et être propagées et enseignées dans les écoles militaires ? Comment l’État a-t-il pu autoriser et couvrir la torture, définie comme crime de guerre dans les Conventions de Genève ? Comment l’État a-t-il pu promouvoir et décorer des tortionnaires et, d’un autre côté, juger, condamner, mettre à pied, des Français, citoyens, journalistes, intellectuels, rappelés, officiers supérieurs et hauts fonctionnaires pour avoir dénoncé la torture ?

Soixante ans après, il est impératif de répondre à la question posée en 1962 par Pierre Vidal-Naquet dans La Raison d’État : « Comment fixer le rôle, dans l’État futur, de la magistrature ou de l’armée ou de la police si nous ne savons pas d’abord comment l’État, en tant que tel, s’est comporté devant les problèmes posés par la répression de l’insurrection algérienne, comment il a été informé par ceux dont c’était la mission de l’informer, comment il a réagi en présence de ces informations, comment il a informé à son tour les citoyens ? » Reconnaître les fautes du passé et les responsabilités de l’État n’est pas un acte de repentance, mais un acte de pédagogie citoyenne.

Nous signataires, demandons de savoir comment « la vérité la plus profonde » de la guerre d’Algérie, la torture, a été instaurée, pratiquée et couverte comme un système ?

Premières associations signataires :

• Agir contre le colonialisme aujourd’hui, ACCA,

• Anciens appelés en Algérie et leurs Amis Contre la Guerre, 4 acg,

• Association Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique, AFASPA,

• Association Josette & Maurice Audin, AJMA,

• Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs Amis, ANPNPA,

• Association 17 Octobre contre l’oubli,

• Association Les Oranges,

• Association Républicaine des Combattants pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix, ARAC,

• Association pour la Taxation des opérations financières et pour l’Action Citoyenne, ATTAC,

• Au nom de la mémoire,

• Comité Vérité Justice Charonne,

• Forum France-Algérie,

• France-Amérique Latine, FAL,

• Histoire coloniale et postcoloniale,

• Institut Tribune socialiste

• Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons,

• Ligue de Droits de l’Homme, LDH,

• Mouvement de l’Objection de Conscience (MOC-Nancy),

• Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples, MRAP,

• Mouvement de la Paix,

• Non au Service Nationale Universel,

• Réfractaires Non Violents à la guerre d’Algérie, NRVA,

• SOS Racisme.

 La liste des associations signataires est tenue à jour sur le site de l’ACCA


L’Appel est en ligne ici : http://appel.acca.1901.org/

Ecrire à cette adresse :

Pour signer l’Appel :  par courriel :

par courrier postal : ACCCA 26, rue Victor Hugo 92240 Malakoff


L’ACCA, Agir Contre le colonialisme aujourd’hui, a été créé il y a 35 ans par des « soldats du refus » condamnés pour avoir refusé de porter les armes contre le peuple algérien et des militants engagés dans sa lutte de libération nationale. Son premier président fut Henri Alleg, lui ont succédé, Alban Liechti et Nils Andersson.


Lire dans Mediapart :

• Pourquoi la responsabilité de l’État est-elle engagée par le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie ? par Nils Andersson


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