Il a fallu attendre presque 40 ans, pour que la France reconnaisse qu’elle avait fait la guerre en Algérie : le 10 juin 1999, l’Assemblée nationale décidait de substituer l’expression « guerre d’Algérie » à celles d’« opérations de maintien de l’ordre en Afrique du Nord » dans tous les textes législatifs et réglementaires1. Mais la date de commémoration de la fin de la guerre d’Algérie fait toujours problème.
Au début de 2002, l’Assemblée nationale avait adopté une proposition de loi qui retenait la date du 19 mars, mais le gouvernement de Lionel Jospin, considérant que cette proposition n’avait pas réuni une majorité suffisante, avait décidé de ne pas la transmettre au Sénat.
Le 17 septembre 2003, le Conseil des ministres du gouvernement Raffarin approuve l’instauration d’une « Journée nationale d’hommage aux morts pour la France en Afrique du Nord » dont il fixe la célébration au 5 décembre.
Pourquoi le 5 décembre qui ne correspond à aucun événement connu de la guerre d’Algérie ? Uniquement parce que, l’année précédente, Jacques Chirac était libre ce jour-là ! Le président de la République avait alors inauguré un mémorial, quai Branly à Paris, consacré aux 24 000 militaires « morts pour la France ». « En fonction de l’agenda du Président, ça aurait aussi bien pu être le 4 ou le 6 décembre… », avait déclaré Hamlaoui Mekachera2.
La plus importante des associations d’anciens combattants d’Algérie, la Fédération nationale des anciens combattants d’Algérie (la FNACA compte près de 400 000 adhérents)), et l’Association républicaine des anciens combattants ( ARAC ), de sensibilité de gauche, avaient initialement proposé de retenir le 19 mars, date du cessez-le-feu en Algérie et de l’application des accords d’Evian, mais cette date a été récusée par d’autres associations parce qu’elle correspond à la célébration de l’indépendance de l’Algérie, et par certains anciens d’Algérie parce que c’est la date à partir de laquelle ils se sont sentis trahis par la métropole.
La FNACA a immédiatement condamné le choix du 5 décembre et annoncé qu’elle ne commémorerait pas cette date. La Fédération considère que le choix du gouvernement est infondé : « La date du 5 décembre […] n’a absolument aucune signification historique en rapport avec ce conflit. Cette date est peut-être soutenue par des hommes de bonne foi, mais elle l’est surtout par tous ceux qui tentèrent de s’opposer à la légalité républicaine de 1961 à 1962 ».3
Un nouveau sondage IFOP des 1 et 2 février 2007 confirme l’adhésion massive des Français à la date 19 mars4
Effectué les 1 et 2 février auprès d’un échantillon de 1057 personnes représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus, ce nouveau sondage marque une progression remarquable des opinions favorables au 19 mars : de 75 % en janvier 2003, à 79 % en octobre 2003 (au lendemain du décret fixant le 5 décembre …) à 81 % en mars 2004, pour arriver à 86 % en février 2007 !
On prendra connaissance des questions et réponses à la lecture des tableaux ci-après.
La FNACA interpelle les candidats à la présidentielle5
Janvier 2007
Le comité national de la FNACA (Fédération nationale des Anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie), qui s’est réuni les 10 et 11 janvier 2007 à Paris, a décidé de « questionner tous les candidats à la présidence de la République afin qu’ils s’expriment clairement sur le contentieux qui perdure au sein de monde combattant », comme la « reconnaissance officielle de la date du cessez-le-feu du 19 mars 1962 comme journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes militaires et civiles de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie et l’abrogation de la commémoration du 5 décembre sans aucune signification historique. »
5 décembre 2006 : peu d’échos de la journée d’hommage aux morts pour la France en AFN6
C’est Dominique de Villepin qui a présidé la cérémonie parisienne de la Journée nationale d’hommage aux morts pour la France en Afrique du Nord, mardi 5 décembre. Accompagné de la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, et du ministre délégué aux Anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, le premier ministre s’est donc rendu au mémorial du Quai Branly.
Dans son allocation, M. de Villepin a rendu hommage à ceux qui avaient servi en Afrique du Nord : « Militaires de carrière, appelés et rappelés, engagés volontaires, harkis, membres des formations supplétives et assimilées, membres des forces de l’ordre, ils ont combattu avec courage, loyauté et abnégation pour défendre les valeurs nationales. »
Cette journée est cependant passée inaperçue dans les médias. Une partie non négligeable des Anciens combattants (dont la FNACA) boycotte cette date du 5 décembre, qui n’a selon eux aucune signification historique. D’ailleurs, même à droite (le décret ayant été pris par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin), des voix se font entendre pour demander une autre date (le 19 mars, jour du cessez-le-feu en Algérie en 1962) ou pour rediscuter l’ensemble du dossier en raison de l’absence de consensus sur le sujet.
Quoi qu’il en soit, les membres d’association favorables au 5 décembre étaient venus nombreux aux différentes cérémonies, afin de montrer leur attachement à cette journée d’hommage. Dans chaque département et dans certaines communes, des rassemblements ont eu lieu en présence des préfets et des autorités officielles.
____________________________
Les anciens combattants d’Algérie sont très majoritairement favorables à la date du 19 mars
Extraits des résultats de l’enquête de décembre 2004 :
Ifop – L’Ancien d’Algérie / La FNACA
1954-2004 : Enquête auprès des anciens combattants d’Algérie 7
La légitimité d’une journée du souvenir
Question : après la reconnaissance de la Guerre d’Algérie en 1999 et l’inauguration
d’un Mémorial national en 2002, estimez-vous justifié ou non le fait qu’une
cérémonie du souvenir, officielle et nationale, soit organisée chaque année
à la mémoire des soldats français tombés en Afrique du Nord, pendant la Guerre
d’Algérie notamment ?
Ensemble des anciens d’Algérie (%) |
Comparatif ensemble des Français mars 2004 |
|
C’est justifié |
88 |
81 |
Ce n’est pas justifié |
12 |
17 |
– Ne se prononcent pas |
– |
2 |
La date préférée pour organiser la cérémonie
Question : des dates suivantes, quelle est à votre avis, celle qui convient
le mieux pour organiser cette cérémonie ?
Ensemble des anciens d’Algérie |
Comparatif ensemble des Français mars 2004 |
|
Le 19 mars, en référence au 19 mars 1962, date du cessez-le-feu ayant |
76 |
81 |
Le 5 décembre, en référence au 5 décembre 2002, date de l’inauguration |
18 |
12 |
– Ne se prononcent pas |
6 |
7 |
L’approbation de la politique de rapprochement avec l’Algérie
Question : vous savez que le Gouvernement français a entrepris depuis ces dernières
années une politique de rapprochement et de réconciliation avec l’Algérie.
Personnellement, approuvez-vous ou désapprouvez cette politique ?
Ensemble |
Age |
|||
62-65 ans |
66-69 ans |
70-72 ans |
||
(%) |
(%) |
(%) |
(%) |
|
TOTAL approuve |
76 |
70 |
76 |
83 |
Approuve tout à fait |
50 |
45 |
54 |
49 |
Approuve plutôt |
26 |
25 |
22 |
34 |
TOTAL désapprouve |
23 |
30 |
22 |
15 |
Désapprouve plutôt |
9 |
16 |
6 |
4 |
Désapprouve tout à fait |
14 |
14 |
16 |
11 |
– Ne se prononcent pas |
1 |
– |
2 |
2 |
- Voir577.
- Libération, 18 septembre 2003.
- L’Humanité, du 18 septembre 2003.
- Source : http://www.fnaca.org/page.asp?IDPAGE=322.
- http://www.anciencombattant.com/article.cfm?id=103696
- Extraits de http://www.anciencombattant.com/article.cfm?id=103386
Fiche technique : Echantillon de 400 personnes ayant servi en Algérie, extrait d’un échantillon national représentatif de la population française masculine âgée de 62 à 72 ans. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (âge, ancienne profession) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les interviews ont eu lieu par téléphone au domicile des personnes interrogées. Du 14 au 17 décembre 2004.L’ensemble des résultats est consultable sur le site de l’Ifop http://www.ifop.com/europe/sondages/opinionf/guerrealgerie.asp.