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Édition du 15 septembre au 1er octobre 2024
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colloque : massacres et répressions dans le monde colonial

Le massacre de Thiaroye est un événement dramatique qui s'est déroulé près de Dakar en décembre 1944, au cours duquel plusieurs dizaines de “tirailleurs sénégalais” ont trouvé la mort. En France, cet épisode tragique du passé colonial a quasiment disparu de la mémoire collective. Une pétition est proposée sur le site du CVUH (Comité de vigilance face aux usages publics de l'Histoire) demandant que cesse le silence sur cet épisode, ainsi que la réhabilitation des victimes. De son côté, l'Université de Bretagne Sud à Lorient organise, du 27 au 29 novembre 2014, un colloque consacré aux massacres coloniaux. Vous en trouverez le programme ci-dessous. 1

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70e anniversaire du massacre de Thiaroye

par Catherine Coquery1

Le massacre de Thiaroye est un drame militaire et colonial de la fin de la Seconde Guerre mondiale qui s’est passé à Dakar (Sénégal), en décembre 1944. Il fut oublié, il est désormais fort bien connu après avoir été pendant longtemps relégué aux oubliettes comme un événement peu glorieux pour l’armée française coloniale.

Il s’agissait d’un groupe de tirailleurs dits « sénégalais », c’est à dire originaires de l’ensemble de l’ex-AOF, rapatriés rapidement de France où ils avaient été emprisonnés depuis la drôle de guerre (les Nazis refusant de compter des Noirs dans les camps d’Allemagne). Avec la promesse que leur solde leur serait payée à leur arrivée à Dakar, ils y furent parqués à nouveau dans un camp près du village de Thiaroye à quelques kilomètres de Dakar. Las d’attendre un paiement qui n’arrivait toujours pas et qui leur était maintenant promis seulement à leur retour au village, ils se rebellèrent. La riposte fut une fusillade brutale qui laissa une cinquantaine de morts (les estimations variant de 35 et 70 morts jusqu’à ce que Armelle Mabon s’empare de la question).

On ne sait toujours pas où ils furent enterrés, sans doute dans une fosse commune non loin ou dans le petit cimetière militaire oublié de Thiaroye. Jean Suret-Canale fut l’un des tout premiers à évoquer cet épisode dans le tome II de son Histoire générale de l’Afrique occidentale (1963). J’en entendis pour ma part parler vers la fin des années 1970 par des amis sénégalais qui en avaient une vague notion. Je partis à la recherche du cimetière que je finis par retrouver avec une certaine difficulté car plus personne ne savait où il se trouvait, dissimulé derrière un petit mur pas très loin de la route partant vers la petite côte (il est aujourd’hui restauré et bien entretenu).

Depuis lors, la question a été sérieusement étudiée. Le cinéaste sénégalais Sembene Ousmane en a fait un film plausible ; l’ex Président du Sénégal Abdoulaye Wade a remis à l’ordre du jour la question des « tirailleurs » revivifiée à l’occasion de la redécouverte tardive des très faibles pensions perçues par les anciens militaires d’origine coloniale, puisque le taux en avait été gelé depuis la date de l’indépendance.
Est donc ressorti, sur la place de l’ancienne gare de Dakar, le monument aux morts de la Première Guerre mondiale dédié en 1923 à ‘Demba et Dupont », le tirailleur et le poilu, le Sénégalais et le Français regardant fièrement dans la même direction, qui avait été mis au rancart au moment de l’indépendance. « Dupont et Demba », monument aux morts de la Grande Guerre.

Depuis, la grande spécialiste de l’affaire de Thiaroye est l’historienne Armelle Mabon, Maîtresse de conférences à l’université de Lorient, et l’on attend également la thèse prochainement soutenue d’un doctorant, Martin Mourre, qui a manié à son tour une quantité massive d’archives inédites sur la questions dans de nombreux fonds disséminés en de multiples endroits (précisés ci-dessous par Armelle Mabon) dont la liste est donc désormais parfaitement inventoriée.
Bien que certains éléments de cette évidente « bavure » en demeurent énigmatiques du fait de la disparition non résolue de quelques pièces du dossier, ces recherches extrêmement approfondies de sources très soigneusement recoupées et référencées ne laissent aucun doute sur les péripéties de l’épisode, qui n’a donc plus besoin d’être « étudié » … par une troisième thèse redondante, sinon pour peaufiner éventuellement quelques détails.

Le 11 août 2014

C. Coquery-Vidrovitch

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Massacres et répressions dans le monde colonial :

Archives et fictions au service de l’historiographie ou du discours officiel ?

Colloque international et interdisciplinaire
Université de Bretagne Sud – Université libre de Bruxelles

Les 27-28-29 novembre 2014, Lorient, Amphithéâtre François Chappé

P R O G R A M M E

Jeudi 27 novembre 2014


  • 8h45 : Accueil

– Thérèse Thiéry, Première vice-présidente de Lorient Agglomération, chargée de l’enseignement supérieur, de la recherche, de l’innovation et de la société numérique ;
– Sylviane Llinares, Directrice du CERHIO, Lorient ;
– Eric Limousin, Directeur de l’UFR Lettres, Langues, Sciences humaines et sociales, UBS

  • 9h15 : Introduction

Armelle Mabon UBS, Sabrina Parent ULB et Martin Mourre EHESS-UDM

– 09h50 : Yan Gilg, metteur en scène du spectacle À nos morts
– 10h15 : Discussion

  • 10h25 : Pause

  • 10h45 (session I) : Écriture et fabrique de l’histoire

Présidente : Raphaëlle Branche (Université de Rouen)

– Lancelot Arzel (Sciences-Po, Paris et Université de Rouen, France) : « Un carnaval de massacres » ? Fabriquer la vérité sur les « atrocités coloniales » de l’État indépendant du Congo (fin XIXe siècle-1914)
– Amandine Lauro et Valérie Piette (Université libre de Bruxelles, Belgique) : Mains coupées : usages et enjeux de la mise en récit d’un symbole de la violence coloniale (1914-2014)
– Philibert Gakwenzire (Université libre de Bruxelles, Belgique) : Les archives de la Tutelle belge à la croisée des chemins : écueils à l’écriture de l’histoire

11h45 : Discussion

  • 12h : Repas

  • 14h (session II) : Mise en scène cinématographique de l’histoire

Président : David Murphy (University of Stirling)

– Frédéric Garan et Pierre-Eric Fargeol (Université de la Réunion, France) : L’insurrection de 1947 à Madagascar vue par le film Tabataba de Raymond Rajaonarivelo / Karine Blanchon (Université de Limoges, France) : Les représentations cinématographiques de l’insurrection de 1947 à Madagascar
– Yuanyuan Li (Université de Zhejiang, Chine) : Boat-People avant l’exil : fiction mélodramatique ou mensonge idéologique ?
– Témoins : Ben Diogaye Beye, scénariste, auteur du scénario « Thiaroye 44 » et Boubacar Boris Diop, écrivain

15h30 : Discussion

  • 15h40 : Pause

  • 16h (session III) : Violences, révoltes et répressions coloniales

Présidente : Amandine Lauro (Université libre de Bruxelles)

– Fabio Viti (Università di Modena e Reggio Emilia, Italie) : L’affaire de Makoundié (Côte-d’Ivoire, 1910), entre répression coloniale et violences interafricaines
– William Gallois (University of Exeter, Royaume-Uni) : Repressing Colonial Violence
– Idrissou Alioum (Université de Yaoundé, Cameroun) : Révolte et répression des Laka et Baya au Cameroun septentrional (1924-1932) : regard analytique sur une mémoire errante

17h : Discussion

  • 17h20 : Plateau lecture « en toute liberté » de Thiaroye terre rouge de Boubacar Boris Diop, en sa présence
Vendredi 28 novembre 2014

  • 9h : Discours de Jean Peeters, président de l’Université de Bretagne Sud

  • 10h45 (session IV) : Quelles sources pour rendre compte des massacres ?

Présidents : Xavier Luffin (Université libre de Bruxelles), Omar Gueye (Université Cheikh Anta Diop)

– Philippe Grand (archiviste retraité) : Autour du 17 octobre 1961 : Jean-Luc Einaudi et l’accès aux archives
– Véronique Mercier (archiviste, conseil général Lot) : Archivistes et historiens
– Simon Imbert-Vier (IMAF, Aix-en-Provence, France) : Traces et mémoires du « massacre » des Kabbobá (Côte française des Somalis, 1943)
– Gaye Ndiaye (doctorant en archivistique, université d’Angers), Réflexions sur la restitution et les utilités des archives relatives aux événements de Thiaroye de novembre 1944

10h 15 : Discussion

  • 10h25 : Pause

  • 10h45 (session V) : Des mémoires entravées

Président : Erwan Le Gall (directeur du cabinet d’ingénierie mémorielle et culturelle, En Envor, Rennes)

– Kitty Millet (San Francisco State University, États-Unis) : The mental space of massacre: Colonialism in German Southwest Africa
Stéphanie Loriaux (Université libre de Bruxelles, Belgique) : Libérer les fantômes de l’Insulinde. Le défi lancé à la littérature pour « désécrire » l’histoire des Indes néerlandaises
– Mamadou Sy Tounkara (Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal) : Pouvoir post-colonial et mémoire coloniale : Thiaroye 1944
– Témoins : Yves Abibou, fils d’Antoine Abibou condamné à Thiaroye, et Boubacar Boris Diop, écrivain
– Regards d’étudiants : Thiaroye et les jeunes

12h15 : Discussion

  • 12h25 : Repas

  • 14h45 (session VI) : Quand l’État colonial réprime les droits sociaux et civils

Président : Frédéric Garan (Université de la Réunion)

– Omar Gueye (Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal) : Le massacre des cheminots de Thiès de septembre 1938, réalités et fictions d’une tuerie
– Emmanuel Tchumtchoua et Pascal Ndjock (Université de Douala, Cameroun) : Violences coloniales et amnésie collective au Cameroun. Retour sur l’histoire oubliée des massacres coloniaux en terre camerounaise : le cas de la « grève sanglante » de Douala (septembre 1945)
– Catherine Coquery-Vidrovitch (Université Paris 7, France) : Les massacres en Oubangui-Chari (Centrafrique occidentale) 1890-1932 : un déni officiel
– Anna Konieczna (Sciences-Po, Paris, France) : Le massacre de Sharpeville (21 mars 1960) et les réactions françaises

16 h : Discussion

  • 16h10 : Pause

  • 16h30 (session VII) : La BD comme nouveau support narratif

Président : Mamadou Sy Tounkara (Université Cheikh Anta Diop)

– Marie-Manuelle Da Silva (Université de Minho, Portugal) : Penser une cartographie des massacres coloniaux à partir de la fiction en bande dessinée : itinéraires poétiques et historiographiques
– Kris (scénariste) : La BD Plus près de toi : les événements de Thiaroye enfin plus proches de nous ?
– Témoin : Maïté Diallo-Renan (fille de Doudou Diallo, condamné à Thiaroye)
– Regards d’étudiants : Les Bretons et Thiaroye

17h30 : Discussion

  • 20 h : Buffet dinatoire à la Villa Margareth
Samedi 29 novembre 2014

  • 9h30 (session VIII) : Se mobiliser pour dénoncer

Président : Idrissou Alioum (Université de Yaoundé)

– Amaury Lorin (Université de Rangoun) : Paul Vigné d’Octon (1859-1943) : La dénonciation par le pamphlet des crimes et massacres coloniaux de la IIIe République lu par Odile Hanquez-Passavant (Université Paris 8, France)
– Xavier Luffin (Université libre de Bruxelles, Belgique) : Le salut est il dans la religion? Recrues coloniales musulmanes et massacres dans la littérature arabe contemporaine
– Marc Décimo (Université d’Orléans, France) : De l’imminence à l’immanence : le cas de Paul Tisseyre Ananké spahi et écrivain engagé
– Fernanda do Nascimento Thomaz (Universidade de Juiz de Fora, Brésil) : The voices of abused in court records during the colonial rule in the northern of Mozambique (early 20th century)

10h 20 : Discussion

  • 10h 30 : Pause

  • 11h (session IX) : Séance plénière

David Murphy (University of Stirling, Royaume-Uni) : La Première Guerre Mondiale comme massacre colonial : polémiques anticolonialistes dans les années 1920

  • 11h40 : Discussion
  • 12h : Repas

  • 14h (session X) : Histoire et mémoire

Présidente : Stéphanie Loriaux (Université libre de Bruxelles)

– Isabelle Denis (Chercheuse indépendante) : Répressions coloniales à Mayotte et théâtre contemporain : les regards de l’historienne et du dramaturge entre Histoire et mémoire
– Odile Hanquez-Passavant (Université Paris 8, France) : Retour au Rio Nuñez : le massacre de 1885
– Hosni Kitouni (Chercheur indépendant, Algérie) : Massacres coloniaux : donner sens et nom aux souffrances des victimes

Témoin : Hervé de Williencourt, reporter-photographe
– 15h : Discussion

  • 15h20 : Conclusions

Sabrina Parent, Armelle Mabon, Martin Mourre.

  1. Référence : http://cvuh.blogspot.fr/2014/08/70eme-anniversaire-du-massacre-de.html
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