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Édition du 1er au 15 février 2025

Château-Royal se souvient…

Il y a 44 ans, six inspecteurs des centres sociaux étaient assassinés par un commando de l'OAS, à Château-Royal. Le 15 mars 2006, à 10h30, il y a eu une cérémonie officielle sur les lieux, à Alger. Cette année, le bureau de l'association Marchand - Feraoun n'ayant pu venir à Alger, la ministre de la Culture était représentée par sa chef de Cabinet, Mme Yahi ; on a noté la présence de l'Ambassadeur de France ainsi que de Mme Louisette Ighilariz. Il y avait beaucoup de lycéens. Le site de Château Royal a été classé patrimoine national et est destiné à être un lieu de culture algéro-française.

La Nouvelle République, le 15 mars 2006

Loin d’être un simple acte isolé, cet attentat, qui a visé six hommes réputés pour leur engagement pour des valeurs telles que la tolérance, la fraternité et l’égalité, a jeté l’émoi parmi la population.
Un énième seuil de violence venait d’être franchi, un de trop.

Aujourd’hui, 44 ans après ce jour fatidique, on se souvient encore de ce que fut le dévouement des trois Algériens : Mouloud Feraoun, Ali Hamoutène, Salah Ould Aoudia et des trois Français, amis de l’Algérie : Max Marchand, Robert Aymard et Marcel Basset, tués abjectement par l’Organisation de l’armée secrète (OAS). Engagés dans un projet, dont la portée humaine, sociale et éducative dérangeait au plus haut point, les six hommes étaient très vite devenus des cibles à abattre. Lorsque le commando fait irruption dans les locaux de la direction des centres socio-éducatifs de Château-Royal, le sort des six inspecteurs est scellé. Ils sont appelés un à un à l’extérieur. Là, ligotés et alignés le long du mur d’enceinte de l’établissement, ils sont froidement exécutés à la mitraillette. Une fin atroce et injuste.
L’«Association des amis de Marx Marchand, Mouloud Feraoun et leurs compagnons», commémore aujourd’hui, à partir de 10h30, à Château-Royal, l’assassinat des six victimes de l’intolérance. La mémoire reprendra ses droits pour se souvenir de tous ces hommes et surtout d’un homme, Mouloud Feraoun.

Ecrivain de la première génération, Feraoun a vu le jour le 8 mars 1913 à Tizi Hibel, dans la commune de Larbaâ Nath Irathen. Rentré à l’école à l’âge de 7 ans, Mouloud Feraoun poursuivra ses études à Tizi-Ouzou. En 1932, il intègre l’Ecole normale de Bouzaréah et là il fait la connaissance d’Emmanuel Roblès. Trois ans plus tard, il retourne à son village natal pour y enseigner et se marie avec sa cousine Dahbia dont il aura sept enfants. En 1946, il occupe le poste de directeur à Taourirt Moussa et en 1957, il revient à Alger, pour diriger l’école Nador au Clos-Salembier. Trois années plus tard, en 1960, il est nommé inspecteur des centres sociaux à Château-Royal (entre Châteauneuf et Ben-Aknoun) et c’est là qu’il est tué en 1962. Parallèlement à sa carrière d’enseignant, Feraoun s’est lancé avec succès dans l’écriture romanesque. Le fils du pauvre est publié en 1939, suivi, dix ans plus tard par La terre et le sang qui remporte un franc succès puis c’est Les chemins qui montent, édité par Le Seuil. Cependant, si certains écrits revêtent un certain aspect autobiographique, Le Journal, qu’il commence à rédiger dès 1955 et qui est publié à titre posthume, finira par dévoiler toute la personnalité attachante et humaniste de son auteur.

Hassina A

Commémoration de l’assassinat du 15 mars 1962

Chateau Royal Alger Ben Aknoun, le 15 mars 2006

Pour la quatrième année, l’Association des amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons nous invite à nous recueillir ici à Ben Aknoun, au lieu dit Chateau Royal, sur les lieux mêmes de la tragédie du 15 mars 1962 devant la paque où sont gravés leurs noms .
Le 15 mars 1962, il y a 44 ans,

Marcel Basset,

Robert Eymard,

Mouloud Feraoun,

Ali Hammoutène,

Max Marchand,

Salah Ould Aoudia

étaient sauvagement et méthodiquement asssassinés, devant ce mur, par un commando de tueurs de l’OAS.

Ces six victimes, trois Algériens , trois Français avaient un point commun, elles occupaient des fonctions de direction au sein du service des Centres sociaux éducatifs en Algérie. Plus qu’un point commun, ces inspecteurs de l’Éducation nationale avaient une passion commune, ils avaient une très haute idée de leur mission, de leur oeuvre éducative. Ils avaient la conviction que la culture humaniste est une voie privilégiée vers la justice sociale.

« J’ai pris à coeur une oeuvre généreuse et humaine valable, qui a pour mission d’aider les hommes et les femmes déshérités de ce pays heurté par la guerre depuis huit ans, dans le chemin de leur devenir… C’est son coeur qu’il faut donner ; c’est un engagement total que sollicite ce service essentiellement humain. »

Ces mots sont de Ali Hammoutène qui les confiait à son journal deux mois avant de tomber sous les balles des fusils-mitrailleurs des tueurs de l’OAS. Trois jours après, le cessez le feu était signé, qui allait ouvrir enfin les voies de la paix et de la réconciliation franco-algérienne.

Notre présidente, Louisette Cau, qui est inspectrice de l’Éducation nationale, n’a pu se libérer d’impérieuses obligations professionnelles. Elle m’a fait l’honneur et l’amitié de me demander ainsi qu’à M. Ahmed Hammiche, de la représenter. Ce sont donc ses regrets et ses remerciements que je vous exprime, madame qui représentez Madame la ministre de la culture, Monsieur l’Inspecteur général qui représentez le ministre de l’éducation, monsieur l’ambassadeur, mesdames et messieurs les présidents d’association, chers amis qui avez tenu à être avec nous ce matin. Votre présence est pour les familles et les amis des victimes du 15 mars une marque inappréciable d’estime et d’amitié.

Nous y voyons aussi un encouragement à poursuivre le combat que mène l’association pour maintenir vivante et pure la mémoire de ces enseignants qui ont payé de leur vie la fidélité à leur idéal et à leur mission. Nous pouvons avoir une pensée particulière pour le docteur Jean-Philippe Oud Aoudia, fils de l’un des martyrs du Chateau -Royal et membre très actif de l’association. Il mène avec une rigueur, un sérieux et un courage remarquables ce qu’il a joliment appelé La bataille de Marignane. Contre ceux qui voudraient réécrire l’histoire, celle de la colonisation et celle de la guerre d’Algérie, qui érigent des stèles et qui posent des plaques à la gloire de tueurs jugés, condamnés et fusillés dont ils voudraient faire des victimes et des martyrs, des « résistants ». Le docteur Ould Aoudia enquête, oppose les témoignages et les faits, il publie, il intervient. C’est ainsi qu’avec l’aide de plusieurs autres association et en particulier la Ligue des droits de l’Homme et tout particulièrement sa section de Toulon, l’association a fait interdire l’inauguration prévue le 6 juillet 2005 du monument érigé par l’ADIMAD dans le cimetière de la commune de Marignane. Et si le docteur Ould Aoudia n’est pas avec nous aujourd’hui, c’est qu’il est aux cotés du fils du commissaire Gavoury , autre victime de l’OAS, à l’audience du tribunal de grande instance d’Aix, qui doit juger la plainte déposée contre les responsables de l’ADIMAD pour apologie du crime.

Parallèlement à ce combat pour une mémoire qui soit fidèle à l’histoire, l’association poursuit l’oeuvre humaine des six inspecteurs des Centres sociaux. Forte de ses 200 adhérents, avec l’aide du FASILD et du ministère de l’éducation nationale. Par des colloques, des conférences, des voyages, des publications, elle oeuvre à la compréhension réciproque et au rapprochement des hommes et des femmes de bonne volonté qui de part et d’autre de la Méditerranée aspirent à se retrouver dans le respect, la paix et la fraternité.

« Ces nobles êtres abattus à El Biar ne sont pas morts pour l’Algérie française mais pour la France et pour l’Algérie réconciliées » Cette phrase arrachée au bloc-notes de François Mauriac montrait la voie tracée par Max Marchand et ses compagnons.

Puissions nous en ces instants de souvenir et de recueillement trouver la force de poursuivre leur mission.

MICHEL LEVALLOIS

Association des Amis de Max Marchand , de Mouloud Feraoun
et de leurs Compagnons

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