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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

Ces ex-terroristes décorés et indemnisés par l’Etat

Un article bienvenu du Canard nous rafraîchit la mémoire à propos des honneurs récemment rendus à un certain nombre de ceux qui ont pris les armes contre la République. Et il nous rappelle opportunément qu'en dehors de l'article 4 qui demandait aux programmes scolaires de reconnaître «le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord», la loi du 23 février 2005 comporte un autre article qui n'a pas été abrogé. En effet son article 13 prévoit l'indemnisation de civils de l'OAS qui ont fui à l’étranger et qui sont rentrés en France après les lois d’amnistie... l'un des membres de la commission d'indemnisation étant un ancien activiste de l’OAS !

Ces ex-terroristes décorés par l’Etat

par Jérôme Canard, Le Canard enchaîné du 6 juin 2012

D’anciens terroristes, ayant exercé leurs talents sur des Français et pris les armes contre la République, font l’objet d’étranges marques de reconnaissance. Ce paradoxe est dénoncé dans la lettre que vient d’adresser à la direction de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre Jean-François Gavoury, fils du premier fonctionnaire assassiné, le 31 mai 1961, par l’OAS. A cette époque, et jusqu’en juin 1962, l’Organisation armée secrète a multiplié les meurtres, ciblés ou aveugles, au nom de l’Algérie française.
Comme l’assassinat, au poignard, de Roger Gavoury, commissaire central d’Alger.

Depuis plusieurs années, écrit son fils, l’Etat pratique « une politique de mémoire extrêmement discriminatoire ». Et d’évoquer la série de décorations récemment attribuées à ces anciens extrémistes coloniaux. En 2006, « le lieutenant déserteur Michel Alibert, premier chef de l’OAS à Constantine », reçoit la Légion d’honneur. En avril 2007, la même distinction est accordée à « l’ancien sergent déserteur Gérard Baudry », jadis poursuivi par la justice pour ses exploits en Algérie.

Nouvelle décoration décernée, en mai 2011, au « sous-lieutenant déserteur Jean-François Collin, président d’une association d’anciens condamnés et détenus de l’OAS », lui aussi persécuté par les magistrats républicains. Pour sa remise de ruban, Collin avait choisi le cimetière de Marignane, où a été érigée une stèle à la mémoire des fusillés de l’Organisation. Dans son discours, le récipiendaire a dédié « cette croix à tous les combattants de l’OAS morts les armes à la main ou fusillés par le plus grand traître de l’Histoire de France »1. Un hommage respectueux à Mongénéral.

Dernier décoré, en novembre 2011, Hélie Denoix de Saint Marc. Pour Gavoury, son passé de résistant, de déporté puis de combattant en Indochine ne peut faire oublier qu’il a entraîné le régiment étranger de parachutistes dans le putsch de 19612.

Mais les bonnes manières ne s’arrêtent pas là. L’Etat a aussi permis aux anciens de l’OAS de reconstituer leur retraite pour les périodes clandestines durant les quelles ils n’avaient pu cotiser… Grâce à une loi de 2005, ils ont déposé devant la Commission de l’indemnité forfaitaire — où siège un ex-chef de l’OAS d’Oran — plusieurs centaines de dossiers. « Cette mesure, évaluée à 800 000 euros, profitera à 67 terroristes ayant dû s’exiler pour échapper à la justice, conclut Gavoury. Pour certains, la gratification atteindra le montant — non soumis à l’impôt — de 30 000 euros. »

Depuis de Gaulle, qui avait fait voter en juin 1968 une loi d’amnistie, jusqu’à Sarkozy, chaque président a participé à l’adoucissement du sort des ex-OAS : Giscard avait imposé une loi d’amnistie complémentaire ; Mitterrand avait facilité la « reconstitution de carrière » des anciens parachutistes, etc. Preuve que, même pour les anciens manieurs de bombe ou de poignard, la pénibilité du métier peut être prise en compte.

“L’OAS, bénéficiaire majoritaire de la loi française du 23 février 2005”, selon Romain Bertrand

[APS – jeudi 31 mai 2012 19:44]

ORAN – Les anciens membres de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) sont les bénéficiaires majoritaires de la loi française du 23 février 2005 glorifiant les « bienfaits » du colonialisme français, a affirmé jeudi à Oran l’historien français Romain Bertrand.

La loi en question bénéficie aux partisans de l’Algérie française, dont une grande majorité se compose d’anciens membres de l’OAS, a-t-il indiqué lors d’une conférence animée au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC).

Sa communication, intitulée « La France et son passé colonial : loi, mémoire, histoire », a été principalement axée sur le processus de fabrication de cette loi qui, avant son abrogation partielle en 2006, avait été adoptée par l’Assemblée française puis entérinée par le Sénat dont un seul membre s’y était opposé.

L’historien a rappelé dans ce cadre que si l’article 4 de cette loi faisant état du « rôle positif de la colonisation » a été abrogé en janvier 2006, en revanche l’article 13, lui, est toujours en vigueur, ouvrant droit à indemnisation aux partisans de l’Algérie française, dont les membres de l’OAS.

M. Bertrand a fait savoir que ses investigations lui ont permis d’apprendre qu’environ 500 demandes d’indemnisation ont été déposées auprès des instances compétentes chargées de la mise en œuvre de l’article 13 de la loi du 23 février 2005. […]

L’historien a rappelé que l’article 13 concerne précisément « les personnes de nationalité française ayant fait l’objet, pendant la période du 31 octobre 1954 au 3 juillet 1962, de condamnations ou de sanctions amnistiées, de mesures administratives d’expulsion, d’internement ou d’assignation à résidence, ayant de ce fait dû cesser leur activité professionnelle ».

La mise en place d’un tel dispositif qui permet aux anciens membres de l’OAS de faire valoir leurs droits à l’indemnisation s’apparente à une « réhabilitation de la mémoire des militants terroristes », a déploré M. Bertrand en insistant sur la gravité des exactions de cette organisation terroriste tant en Algérie qu’en France où « 74 morts furent enregistrés suite à des attentats perpétrés en l’espace de 18 mois ».

Il a observé à cet égard que « l’adoption de la loi glorifiant le colonialisme, qui aurait été impensable trente ans auparavant » a été révélatrice, selon lui de « profonds changements politiques motivés plus par le marchandage électoral que par les organisations (anciens rapatriés) qui la réclamaient, sachant que celles-ci constituent des acteurs extrêmement minoritaires de la scène politique ».

« La demande d’indemnisation a vu sa nature de requête transformée en article de loi par un groupe de députés élus pour la première fois à l’Assemblée nationale française (en 2002) et qui avaient de ce fait, une faible expérience du débat parlementaire », a indiqué M. Bertrand en relevant que « l’âge moyen de ces députés ne dépassait pas 12 ans le jour de l’indépendance algérienne, le 5 juillet 1962 ».

A l’occasion de sa conférence, l’historien n’a pas manqué de rendre hommage aux voix qui se sont élevées pour dénoncer la loi en question, même si leurs efforts, dit-il, ont abouti à l’abrogation d’un seul article (4) après avoir gagné l’adhésion de certains députés.


Directeur de recherches à « Sciences Po », structure rattachée au Centre d’études et de recherches internationales (CERI) de Paris, Romain Bertrand a écrit plusieurs ouvrages autour des dominations coloniales européennes, dont Mémoires d’empire : la controverse autour du fait colonial, édité en 2006 et dans lequel il revient sur la loi du 23 février 2005.

Indemnisation des ex-membres de l’OAS

Question écrite n° 03809 de M. Guy Fischer (Rhône – CRC)

publiée dans le JO Sénat du 27/03/2008 – page 599

M. Guy Fischer appelle l’attention de M. le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants sur l’article 13 de la loi n° 2005-158 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés dont l’article 13 autorise le versement d’une indemnisation forfaitaire à ceux des anciens activistes de l’OAS (Organisation Armée Secrète) qui, condamnés en raison de leurs forfaits et privés de leur emploi salarié civil durant leur période d’emprisonnement ou d’exil volontaire, n’avaient pu cotiser pour leur retraite.

Les droits à cette gratification, qui peut atteindre 1 259 euros par trimestre d’inactivité, ont été examinés en 2006 par une commission administrative.
Or, depuis, aucune information officielle n’a été communiquée sur le nombre des ayants droit, qui avait été estimé, dans un rapport parlementaire, à quelque soixante à quatre-vingt personnes.

S’agissant de sommes importantes servies aux frais du contribuable et non soumises à l’impôt, il lui paraît important que le bilan de cette bien contestable mesure soit communiqué à la représentation parlementaire. Il lui demande donc de bien vouloir lui faire connaître le nombre des ayants droit et le montant total de l’indemnisation servie.

Réponse du Premier ministre

publiée dans le JO Sénat du 17/07/2008 – page 1453

L’article 13 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 a pour objet de supprimer une iniquité existant, depuis la loi du 3 décembre 1982, entre les fonctionnaires civils et militaires, et les personnes du secteur privé qui avaient dû s’exiler pour éviter des condamnations ou des sanctions en raison d’activités illégales lors des événements d’Algérie du 31 octobre 1954 au 3 juillet 1962. En effet, la loi du 3 décembre 1982 avait permis aux anciens fonctionnaires, militaires et magistrats radiés des cadres à la suite de condamnations ou de sanctions amnistiées de voir réparer les préjudices subis dans leurs carrières. Elle prévoyait la prise en compte pour sa durée effective dans la pension civile ou militaire de retraite des annuités correspondant à la période comprise entre la radiation des cadres et la limite d’âge.

L’article 13 de la loi du 23 février 2005 prévoit le versement d’une indemnité forfaitaire pour les personnes de nationalité française mais qui n’étaient ni fonctionnaires, ni militaires ni magistrats mais qui avaient fait l’objet de condamnations ou de sanctions amnistiées, en relation directe avec les événements d’Algérie pendant la période du 31 octobre 1954 au 3 juillet 1962, de mesures administratives d’expulsion, d’internement ou d’assignation à résidence et, de ce fait, avaient dû cesser leur activité professionnelle dans le secteur privé. Cette indemnité, dont le montant représente trois quarts du minimum vieillesse, ne permet de compenser annuellement que partiellement des périodes non susceptibles d’être rémunérées par une pension ou une allocation.

La commission chargée d’examiner les demandes, constituée par arrêté du 29 décembre 2005, s’est réunie neuf fois jusqu’au 26 juin 2007 et a procédé à l’examen des 424 demandes qui avaient été déposées. Parmi celles-ci, 67 ont été déclarées recevables.

  1. Voir : 4697.
  2. Voir 1977.
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