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Édition du 1er au 15 juin 2025

Bonnes feuilles de « L’indigénat. De l’Algérie à la Nouvelle Calédonie », par Isabelle Merle et Adrian Muckle

Les bonnes feuilles d'une histoire de l’indigénat depuis ses origines dans l’Algérie de la conquête jusqu’aux héritages les plus contemporains en Nouvelle-Calédonie.

Les éditions du CNRS rééditent en 2025 l’ouvrage consacré à l’histoire de l’indigénat en 2019 par Isabelle Merle et Adrian Muckle, avec un avant-propos et une post-face évoquant les événements récents en Kanaky – Nouvelle Calédonie. Comme l’écrit l’éditeur, « ce livre offre, pour la première fois, une histoire du régime de l’indigénat sur la longue durée, depuis ses origines les plus lointaines dans l’Algérie de la conquête jusqu’aux héritages les plus contemporains en Nouvelle-Calédonie ». Nous publions ici son introduction.


Le régime de l’indigénat, connu aussi sous le nom de Code de l’indigénat ou réduit à la simple expression d’Indigénat est, parmi les dispositifs juridiques attachés à l’Empire colonial français, celui qui a probablement le plus fortement marqué la mémoire des colonisés. Aujourd’hui encore, on peut trouver, dans le discours de représentants de pays anciennement dominés par la France et aujourd’hui indépendants, l’évocation de l’Indigénat pour rappeler l’esprit et les pratiques d’une époque marquée par la violence, l’injustice, l’humiliation. C’est le cas du journal algérien El Moudjahid qui titrait le 5 juillet 2012 pour le cinquantenaire de la signature des Accords d’Evian : « La France coloniale : du Code noir au Code de l’indigénat ou l’humiliation de l’homme par l’homme[1]. »

Le message est frappant et joue sur les usages politiques du passé en renvoyant à la France l’image de son très long héritage de puissance colonisatrice, telle une piqûre de rappel dans le dialogue tendu avec l’ancienne métropole impériale. Le rappel est surtout historique, car l’Algérie, française à partir de 1830, a échappé à l’esclavage et le régime de l’indigénat qui y fut appliqué entre 1881 et 1944, semble aujourd’hui un lointain souvenir. En Algérie comme en France d’ailleurs, le rappel de ces « codes » participe d’un passé révolu à ranger avec les oripeaux du colonialisme, l’un et l’autre recouvrant des dispositifs dont on a largement oublié le contenu. Pourtant, leur évocation fait encore mouche en 2012 du point de vue de l’Algérie car il s’agit d’interpeller le passé colonial de la France et ses contradictions fondamentales : une nation démocratique qui dérogea avec persistance à ses principes, tout au long de son histoire, dés lors qu’il s’agissait de projets ou de territoires coloniaux.

En évoquant le code noir et le code de l’indigénat, le journaliste d’El Moudjahid rappelle les dispositifs juridiques d’exception mis en place pour discriminer, contrôler, réprimer et dominer les populations soumises et contredit ainsi le récit de fondation de la France, pays des droits de l’homme et du citoyen.

La mémoire de l’indigénat semble plus rarement mobilisée par les autorités politiques d’autres pays anciennement français en Afrique de l’Ouest, Madagascar ou encore au Viet Nam, Laos et Cambodge. L’indigénat est, en revanche, régulièrement évoqué et utilisé en tant que référence utile dans les débats contemporains, en Nouvelle-Calédonie où se joue, depuis 1988, un processus de décolonisation original dont l’aboutissement fut le récent référendum d’autodétermination qui s’est conduit, le 4 novembre 2018 et qui pourra se reproduire en 2020 et 2022[2].

En avril 2018, par exemple, dans la perspective de la venue du Président de la République, Emmanuel Macron, le Sénat Coutumier fustigeait l’absence de reconnaissance officielle de l’autorité coutumière et affirmait devant un journaliste que :

« Le modèle administratif privilégié ici [n’est autre qu’] « un copier-coller de l’Hexagone », où les communes, « positionnées à l’intérieur des districts », « agissent en parallèle », « sans aucune coordination » comme si « le régime de l’indigénat continuait à sévir »[3]. »

L’allusion est obscure et nous nous contenterons de remarquer que le Sénat coutumier utilise l’argument pour pointer une organisation administrative contemporaine qui se contenterait, comme sous l’indigénat, de reproduire le modèle français. Nous verrons que le sujet est autrement plus complexe mais notons que, pour les Sénateurs coutumiers, l’indigénat évoque bien plus qu’un « code » désuet et renvoie à l’histoire de l’organisation administrative et coloniale du territoire.

Lorsqu’on interroge plus largement les Kanak nés avant ou pendant la Seconde guerre mondiale, les réponses ouvrent d’autres perspectives en rappelant, l’impôt de capitation, l’interdiction de circuler, les prestations, les réquisitions, le travail forcé mais restent au demeurant très stéréotypées, ancrées surtout dans la période des années 1930-1946. Le souvenir de ce qu’ils ont subi, cependant est encore très vif et signale le poids que représente ce régime dans la mémoire kanak[4].

Rappelons qu’actuellement, parmi les derniers confettis de l’empire que sont les territoires d’outre-mer français, la Nouvelle-Calédonie est le seul qui a connu l’indigénat. La Polynésie française, Wallis et Futuna, les Antilles française, la Réunion et la Guyane y ont échappé pour des raisons historiques. Et l’indigénat y a sévit longtemps puisqu’il a été imposé en 1887, 6 ans après son inauguration en Algérie et Cochinchine. Il a été supprimé, comme dans le reste de l’Empire (à l’exception de l’Algérie) en 1946 ; soixante années d’application dont le souvenir évoque en vrac des éléments disparates, sans lien évident les uns avec les autres. Ceci doit nous alerter sur le fait que, derrière le mot indigénat, se cache un objet d’étude complexe, protéiforme et difficile à saisir à la fois dans ses dimensions impériales et localisées.

Un chapitre classique du droit colonial

Jusqu’à la Seconde guerre mondiale, l’étude du régime de l’indigénat constituait un chapitre classique du droit colonial et fit l’objet de plusieurs thèses dans cette branche de la discipline juridique ; branche qui tomba en désuétude avec la décolonisation[5]. Le régime de l’indigénat perdit toute actualité alors que le contexte dans lequel il faisait sens jusqu’alors, se délitait, relégué, avec l’ensemble du droit colonial, dans les arcanes d’un passé impérial dont on ne voulait plus parler[6].On chercherait en vain, dans l’historiographie des années 1960-1980, une étude consacrée spécifiquement à ce dispositif, à l’exception de l’historien nigérien A.I Asiwaju[7]. Quelques spécialistes, anthropologues, politologues ou historiens, s’intéressent, encore en ces années là, aux modalités pratiques de ce dispositif sur les terrains qu’ils étudient, observations qui restent localisées et partielles, tandis que les historiens de la France coloniale se contentent de le signaler parmi l’un des piliers essentiels de la politique indigène sans pourtant l’étudier pour lui-même et en tant que tel[8].

Le régime de l’indigénat réapparait comme objet d’étude légitime « en soi et pour soi » à la fin des années 1990 quand les études coloniales et post-coloniales prennent leur élan, aux Etats Unis, en Grande Bretagne puis en France. Plusieurs travaux lui sont consacrés adoptant essentiellement deux perspectives. La première s’inscrit dans un terrain colonial particulier pour en comprendre localement, la forme, la nature et les effets, au Dahomey[9], en Nouvelle-Calédonie[10], en Algérie[11] ou en Afrique noire[12]. La seconde entre dans le sujet par l’histoire de l’Etat, du droit et des institutions privilégiant alors une focale centrée sur la métropole, les débats parlementaires, les controverses juridiques et les aspects législatifs et réglementaires[13]. Le clivage est révélateur des difficultés que soulève l’étude d’un tel dispositif, comme le notait déjà en 2004, dans un article, Isabelle Merle, en soulignant l’importance d’articuler précisément principes et pratiques[14].

La genèse de l’indigénat est le fruit d’un processus complexe qui prend forme dans le contexte de la guerre coloniale que la France mène en Algérie entre 1830 et 1880. Plus exactement, il est l’un des instruments essentiels de ce qu’on appelle alors la pacification, doux euphémisme pour décrire le processus d’imposition d’un nouvel ordre public colonial derrière les lignes de combat dans les régions qui ont apporté leur reddition. Selon le juriste René Pommier en 1907, le régime de l’indigénat « n’est que le résidu des pouvoirs militaires dus aux nécessités de conquêtes »[15], dans une situation « qui n’est plus la guerre ouverte mais qui est loin de représenter la paix sociale »[16]. Un moyen de continuer la guerre par d’autres moyens pourrait-on dire en inversant la célèbre formule de Clausewitz[17]. Parmi les mesures préconisées : les pouvoirs spéciaux de haute police confiés aux gouverneurs — internement administratifs, séquestres de biens, amendes collectives — et les pouvoirs spéciaux confiés aux officiers ou administrateurs civils des affaires indigènes les autorisant à punir les seuls indigènes et ceux qui leurs sont assimilés pour réprimer des délits inconnus ou non prévus en France.

Au sens étroit du terme, le régime de l’indigénat est un régime juridique dérogatoire du droit commun dans le domaine du droit pénal dans la généalogie duquel on peut effectivement trouver le Code noir , l’un et l’autre incarnant la figure de l’exception juridique au sens où il s’agit « d’un ensemble de lois articulant une série de droits et de devoirs d’exception au concert général de la loi française ou, plus modestement, aux usages juridiquement retenus en métropole » selon la définition donnée par Louis Sala-Molins[18].

La complexité de la genèse de l’indigénat et plus encore les contradictions aigues que suscitent cette justice d’exception au regard des principes fondamentaux du droit français, en font un objet extrêmement intéressant à étudier en tant que révélateur des tensions liées à la fabrique conjointe d’une nation et d’un empire au xixe siècle.

Le paradoxe fondamental du colonialisme

Etudier l’indigénat, c’est travailler au plus près le paradoxe fondamental que soulève la politologue tunisienne, Hélé Béji : « Le colonialisme ne l’oublions pas a été l’œuvre de démocraties, de nations parlementaires. […] A mesure que les modernes forgeaient leurs droits politiques, ils nous les refusaient à nous, indigènes. » Et cette injustice qu’elle qualifie de métaphysique ouvre la voie à la violence, extrême ou régulière dont l’indigénat est l’un des instruments[19].

Béji fait ici implicitement le lien entre l’absence de droits politiques fondée sur l’exclusion de l’indigène de la citoyenneté — marque de fabrique caractéristique de la construction de la nationalité dans les colonies françaises qui distinguait les sujets et les citoyens — et l’imposition d’un régime répressif d’exception autorisant l’exercice d’une violence légale spécialement réservée aux indigènes. Nous verrons à quel point le statut pénal dérogatoire de l’indigénat est intimement lié à la construction du sujet indigène non citoyen, l’emboîtement de régimes spéciaux sur le plan pénal, civil et politique qualifiant finalement « la condition des indigènes en droit »[20]. Mais il faut signaler que ce différentiel dérogatoire au regard du droit commun crée tout au long de la période coloniale, débats, contestations et remises en cause qui révèlent toute la complexité de la construction de l’Etat en situation coloniale ; les colonies devant être comprises comme des zones « d’exceptionnalité » où sont mises à l’épreuve les principes fondamentaux de la nation[21].

L’objet « indigénat » interroge au premier chef la nation française et son histoire impériale. Mais il interroge aussi la situation coloniale au sens où l’entendait Georges Balandier en 1951 en tant qu’approche sociologique de sociétés composites créées ipso facto par le contact et la domination coloniale dans le contexte de terrains localisés et rigoureusement historicisés[22]. Car l’indigénat s’est déplacé et s’est mondialisé au fils du temps tout en se métamorphosant dans les lieux où il fut installé sous l’influence des logiques en jeu dans les contextes considérés. Le dispositif est connu par la loi votée le 28 juin 1881 pour l’Algérie limitée aux pouvoirs spéciaux des administrateurs des communes mixtes. Il est transféré et adapté en Cochinchine sous la forme d’un décret, promulgué un mois avant, le 25 mai 1881, qui opère, on le verra, une synthèse essentielle entre pouvoirs spéciaux dévolus aux gouverneurs et ceux dévolus aux agents subalternes. Une fois le régime de décret adopté, le dispositif peut voyager dans l’Empire colonial : il est appliqué en 1887 au Dahomey/Sénégal et en Nouvelle-Calédonie, en 1897 en l’Afrique occidentale française (AOF) et l’Afrique équatoriale française (AEF), au Tonkin, Annam, îles Sous-le-Vent en Polynésie, en 1898 au Cambodge. Il est adopté à Madagascar et aux Comores en 1901, à la Côte des Somalis en 1912 et enfin aux Togo et Cameroun en 1923 et 1924[23].

Dans chaque territoire, le cadre est posé : le gouverneur dispose de pouvoirs spéciaux l’autorisant à appliquer aux indigènes des peines qui entrent dans aucune catégorie légale en France (l’internement administratif, le séquestre et les amendes collectives), les administrateurs des affaires indigènes disposent de pouvoirs spéciaux les autorisant à sanctionner les manquements à la longue liste dite d’infractions spéciales dont se dote chaque colonie. Tandis que les gouverneurs agissent dans le registre de haute police, la liste d’infractions spéciales incarne une police de proximité dans les domaines les plus variés de la vie : habillements, signes ostensibles de respect aux autorités coloniales, obéissance aux ordres de réquisition ou d’obligation de travail, paiement de l’impôt, interdictions de circulation, respect des règles de prophylaxie, etc. Le régime de l’indigénat recouvre ainsi par les obligations et les interdictions qu’il impose, bien des aspects de l’ordre colonial, ce qui explique qu’en Nouvelle-Calédonie les souvenirs des « vieux » font le lien entre l’indigénat, le travail forcé, les impôts et les interdictions de mobilités. Ce qui explique aussi la difficulté de réduire l’analyse de ce régime à quelques principes fondamentaux sans étudier en détail ses modalités d’application et l’impact des règlements qu’il sous tend ou à l’inverse la complexité du contexte qui permet de comprendre l’élaboration de la liste des infractions, ses spécificités locales et ses évolutions. Celle-ci participe d’une microphysique du pouvoir et se métamorphose selon les contextes considérés. L’interdiction de la nudité sur les routes est inscrite dans la liste en Nouvelle-Calédonie quand elle n’aurait aucune pertinence en Algérie. Les réunions sans autorisation pour le pèlerinage sont condamnées en Algérie. L’omission à déclarer à la justice les cadavres découverts dans les fleuves devient une infraction en Cochinchine. Les listes fabriquées dans chaque colonie se distinguent les unes des autres par certains articles mais partagent fondamentalement les mêmes préoccupations : la défense de l’ordre public colonial qui exige le respect de l’autorité, l’obéissance aux ordres, l’obligation de travail, le paiement de l’impôt et le contrôle des circulations ; autant d’éléments qui structurent le nouvel ordre social dans lequel le régime de l’indigénat joue un rôle majeur.

Dans un article récent, Sylvie Thénault distingue trois acceptions de l’indigénat. La première, juridique, renvoie au dispositif que nous avons décrit précédemment et serait « la plus évidente » et la « plus commode » pour la recherche[24]. Les études qui s’y seraient consacrées se placeraient sur le point de vue des colonisateurs.

La seconde recouvre une « extension de la notion d’indigénat[25] » illustrée par les travaux entrepris dans les perspectives d’une historiographie de la punition et de la répression coloniale, en particulier ceux menés par Gregory Mann et par Taylor C. Sherman[26]. Fondés sur des enquêtes de terrain, ces travaux ne s’intéressent pas aux textes mais aux pratiques de l’indigénat rigoureusement situées historiquement et en contexte et révèlent la part d’arbitraire et d’illégal qui accompagnait l’exercice de la justice d’exception à l’encontre des indigènes. Les pouvoirs spéciaux confiés aux commandant de cercle en AOF ou aux administrateurs des affaires indigènes ailleurs servaient à couvrir toutes sortes de dérives jusqu’à contredire radicalement l’idée que l’empire colonial fut un « Empire du droit »[27]. Cette historiographie place sous le terme indigénat, les pratiques légales et illégales de répression qui tissent autour des indigènes les mailles d’un « réseau coercitif » pour reprendre la formule utilisée par Sherman. Elle adopterait le point de vue des colonisés.

La troisième acception de l’indigénat, enfin, élargit encore la perspective pour englober tout ce qui relève du statut indigène sur le plan pénal et civil. L’indigénat recouvrirait alors « dans un seul mouvement la totalité des dispositifs constitutifs du statut des sujets coloniaux[28] ».

Un régime juridique d’exception construit progressivement

Plutôt que d’opposer les textes et les pratiques et d’imputer à la notion d’indigénat un sens fabriqué a posteriori par le chercheur, nous préférons adopter une autre approche. L’exigence est de suivre, au plus près, la trame historique qui conduit progressivement à penser et organiser un régime juridique d’exception en Algérie, entre 1840 et 1881 en retraçant précisément les méandres des réflexions et débats, les interrogations, désaccords, avancées et reculs. Nous proposons ensuite d’emprunter ce que nous pourrions appeler les chemins de l’indigénat lorsque celui-ci est transféré en Cochinchine entre 1879 et 1881, écarté de Tahiti en 1880 lorsque l’île devient colonie, puis déployé, 6 ans plus tard, en Nouvelle-Calédonie et au Sénégal première étape d’une extension impériale qui ne cessera par la suite de s’élargir.

L’enjeu de cet ouvrage n’est pas de couvrir l’histoire de cette extension mais de resserrer peu à peu l’enquête.

Celle-ci s’ouvre, dans une première partie, sur l’étude des principes juridiques et leur genèse en Algérie et Cochinchine, pour amener ensuite le lecteur dans un voyage en Océanie où l’application du régime de l’indigénat a connu toutes sortes de variations en Polynésie française, aux Marquises et jusqu’en Nouvelle-Calédonie où il est pleinement et durablement installé à partir de 1887.

La deuxième partie de l’enquête rétrécit la focale sur le cas précis de la Nouvelle-Calédonie où le régime sera étudié sous toutes ses facettes en articulant précisément textes et pratiques. Ne seront jamais perdus de vue les débats juridiques, controverses ou tentatives de réformes menés au loin, en France ou dans les colonies dont les échos parviennent jusque dans les fonds de vallées calédoniennes où ils sont souvent détournés ou ignorés au prétexte de la spécificité du contexte local. L’analyse précise de ce contexte ainsi que des positions et actions des acteurs qui ordonnent, utilisent ou subissent le régime de l’indigénat, a pour but de révéler en finesse sa forme, sa nature, son fonctionnement, ses aléas, sa puissance et la limite de sa puissance sur un terrain singulier dont l’histoire est néanmoins emboitée dans les dynamiques plus larges d’une histoire impériale et métropolitaine. Autour de l’objet « indigénat » se pressent une multitude d’acteurs, ministres, inspecteurs des colonies, gouverneurs, chefs du service des affaires indigènes, gendarmes/syndic, colons, missionnaires, chefs kanak, sujets, et assimilés. L’enjeu n’est pas de distinguer le point de vue des colonisateurs ou des colonisés mais de comprendre le sens de la conversation, des interactions,des projets et des actes qui ont contribuer à la fabrique de l’indigénat en ce territoire précis pour le mettre en œuvre, l’accompagner, le défendre ou le dénoncer, s’y soumettre, le contourner ou lui résister.

La troisième partie de l’enquête, enfin, traitera de la période de l’entre-deux-guerres et des années de guerre et d’après guerre au cours desquelles l’indigénat est discuté, contesté puis condamné. On verra ce qu’il en est en Nouvelle-Calédonie en analysant en pratique la sortie de l’indigénat, les résistances qu’elle suscite autant que les espoirs qu’elle soulève. Un épilogue conclusif ouvrira une réflexion sur les effets d’héritage et la mémoire vive d’un régime qui aujourd’hui encore constitue une référence inconsciente ou consciente mais toujours active.

Plusieurs raisons nous invitent à offrir en 2018 un ouvrage consacré à l’histoire du régime de l’indigénat en Nouvelle-Calédonie.

La première des raisons que nous pourrions invoquer tient à notre compétence et spécialité. Tous deux historiens, nous menons depuis plus de vingt ans des enquêtes sur l’histoire de la Nouvelle-Calédonie qui nous ont permis d’acquérir une grande familiarité avec le pays, ses habitants, son passé et ses archives. L’étude d’un régime répressif tel que l’indigénat, ses modalités d’application et ses effets est le fruit d’un long travail d’investigation dans un corpus documentaire parcellaire, éparpillé et souvent incomplet dont le regroupement et recoupement exigeaient une connaissance approfondie des fonds et du contexte[29]. Nous avons bien sûr bénéficié, de l’apport de recherches antérieures qui ont été menées sur le sujet sous un angle ou sous un autre[30]. Il convient cependant de constater qu’aucune n’a eu jusqu’ici l’ambition que soutient cet ouvrage, celle de couvrir l’histoire du régime de l’indigénat et de son application en Nouvelle-Calédonie sur la longue durée. L’indigénat occupe une place essentielle dans ce pays, tant sur le plan historique que dans les mémoires et les débats contemporains. Il convenait de combler cette lacune et d’offrir au lecteur un travail approfondi et rigoureux rendant justice à l’histoire, à ses acteurs et aux victimes.

La seconde raison est le caractère central qu’a pris dans ce pays, le régime de l’indigénat dans la définition du statut de l’indigène et dans l’organisation de sa vie sociale sous l’emprise coloniale. On peut faire ici l’hypothèse que l’indigénat n’a pas pesé de la même façon dans tous les territoires où il a été appliqué et qu’il a pesé particulièrement en Nouvelle-Calédonie en cherchant à organiser la société indigène et le quotidien des individus dans les registres les plus divers, politiques, économiques, sociaux ou culturels ainsi que sur le plan territorial et foncier[31].

Le décret d’application en 1887 ne se contente pas de légaliser les pouvoirs spéciaux dont sont dotés les gouverneurs et les syndics des affaires indigènes, comme c’est le cas en Cochinchine et au Sénégal. Il affirme une volonté de reformater l’espace et la société kanak par la délimitation de territoires dits de tribu — notion éminemment coloniale qui n’a pas d’existence sociologique dans le monde kanak ancien — qui seront nommés et à la tête desquels on désignera un « chef » — au sens colonial du terme — dont les attributions seront définies ultérieurement. La volonté d’imposer une nouvelle organisation territoriale ainsi que de nouvelles figures de pouvoir est constitutive du régime de l’indigénat en Nouvelle-Calédonie. Dix ans plus tard, le décret est prorogé et l’organisation administrative indigène précisée avec la création de districts et de grands chefs qui recouvriront des tribus et des petits chefs relégués sur des réserves indigènes, les sujets ne pourront sortir de leurs districts qu’avec l’autorisation du grand chef.

L’indigénat joue un rôle central en Nouvelle-Calédonie

Le régime de l’indigénat, en cela est au principe d’une organisation spatiale et sociale maintenue entre les deux guerres et après la seconde guerre mondiale et qui perdure encore aujourd’hui. Cette organisation spatiale et sociale, héritage essentiel de la période coloniale, qu’évoque le Sénat Coutumier encore en 2018, est un enjeu central depuis 1946 dans les débats portant sur le devenir de la société kanak en contexte post-colonial à l’intérieur du monde kanak mais aussi dans la société calédonienne en son ensemble.

Contrairement au cas d’autres territoires coloniaux, l’indigénat joue, en Nouvelle-Calédonie, un rôle central dans la définition juridique de l’indigène pendant toute la période coloniale comme si, il était seul à même de définir l’indigène en tant que sujet de droit. La première définition de ce qu’est un indigène en droit dans cette colonie est posée très tardivement en 1915, à l’intérieur même de l’arrêté qui renouvelle la liste des infractions spéciales à l’indigénat. L’intense travail juridique autour des statuts indigènes et de la codification des coutumes auquel on assiste à la fin du xixe siècle jusqu’à la Première Guerre Mondiale en Algérie, en Afrique française et en Indochine n’a pas eu lieu en Nouvelle-Calédonie malgré quelques tentatives en 1913 et dans les années 1920 vite abandonnées. Cette lacune du droit interpelle les juristes dans les années 1930 et provoque des effets paradoxaux. L’indigénat, seul cadre par lequel est défini l’indigène en Nouvelle-Calédonie, met en lumière les négligences du droit colonial de l’époque à l’encontre du sujet kanak, dont la prise en considération est si faible qu’on ne se soucie guère d’en faire un sujet de droit colonial à part entière (dans les normes de l’époque) en cherchant à donner du contenu à son statut personnel par exemple[32]. A l’extérieur des réserves, l’indigène est défini par l’indigénat, à l’intérieur, il devient un impensé juridique qui permet aux Kanak de trouver dans la réserve indigène un lieu de préservation de pratiques, de sociabilités et de coutumes à l’abri du regard européen et de l’imposition de normes juridiques exogènes.

Or la volonté de refondation d’un droit coutumier, y compris la reconnaissance des chefs, soutenue aujourd’hui par le Sénat Coutumier et un certains nombres de juristes métropolitains[33], est intimement lié à cet héritage et ne peut être compris et interprété sans une connaissance approfondie d’une histoire au croisement des univers sociaux et politiques kanak et du droit colonial français. Les « impensés juridiques » d’antan sont aujourd’hui des enjeux dont il faut rappeler précisément la genèse pour éclairer les débats contemporains.

Concernant les aspects strictement répressifs, on peut affirmer que le régime de l’indigénat en Nouvelle-Calédonie illustre parfaitement la notion de « réseau coercitif », pesant dans tous les domaines de la vie quotidienne des indigènes et assimilés. Ces derniers nous rappellent que le régime de l’indigénat n’a pas concerné les seuls Kanak mais aussi les travailleurs sous contrat, Océaniens ou Asiatiques, que l’on a fait venir pour travailler sur les propriétés et dans les mines dès les années 1860 et jusqu’entre les deux guerres. Dès 1887, la liste des infractions spéciales énonce qu’outre le respect des règles de soumission et de l’obéissance aux ordres, Kanak et assimilés ne pourront circuler librement et seront interdits dans les cabarets européens ou sur leurs propriétés et dans les centres de colonisation après 8h du soir. Ils devront s’habiller décemment (selon le point de vue européen), ne porter aucune arme traditionnelle ou pratiquer la sorcellerie. La liste ne cesse de s’allonger par la suite, augmentant d’autant les attributions des chefs chargés de contrôler leurs sujets et de répondre aux injonctions des autorités coloniales, dans les domaines aussi divers que le travail, l’impôt, l’habitat, la santé, les déplacements, d’accueil, les fêtes, l’utilisation des animaux, la consommation d’alcool, l’usage du feu, etc. On comprend alors pourquoi le gendarme/syndic en charge du bon fonctionnement du régime est devenu dans ce pays non seulement un interlocuteur privilégié des chefs mais surtout une figure essentielle du paysage colonial.

L’indigénat est l’arme de la coercition par excellence venant s’immiscer jusque dans l’intimité des corps. Il formate le quotidien de la société indigène, participe à la ségrégation des espaces territoriaux, cherche à contrôler les inter-relations que ceux-ci peuvent avoir avec les autres communautés et en cela formate aussi l’ensemble de la société coloniale. Car, si l’indigénat a pesé sur ceux qui l’ont subis, il a aussi, à l’inverse, fortement conditionné les actions et comportements des Européens ou étrangers qui pouvaient en bénéficier activement ou passivement. En cela, la Nouvelle-Calédonie, colonie dite de peuplement, composée de colonisés et colons dont la démographie est quasi équilibrée dans les années 1950, illustre l’idée que soutenaient les intellectuels du temps tels qu’Albert Memmi, Jean-Paul Sartre ou encore Balandier : la situation coloniale fabrique l’indigène tout autant que le colon et oblige l’un comme l’autre à répondre aux jeux de miroir qu’elle impose[34].

La mémoire de l’indigénat symbolise les inégalités et injustices passées et interpellent l’ensemble des Calédoniens d’aujourd’hui, engagés sur le chemin d’une citoyenneté particulière et dans un projet, qui quelque soit l’issue du référendum, affirmera la volonté d’un destin commun. Derrière ce mot « indigénat » ne se cache pas seulement la souffrance des victimes mais aussi la responsabilité de ceux, calédoniens ou métropolitains, qui l’appliquèrent et le défendirent pendant toute la première moitié du xxe siècle contre les velléités de réformes et contre ceux, qui dans le pays ou en France, voulaient soutenir d’autres valeurs que coloniales, nourries des principes de l’Etat de droit ou de l’humanisme. Il faut aujourd’hui se souvenir que le régime de l’indigénat qui a, par ailleurs connu de nombreuses critiques en son temps, n’a jamais été véritablement réformé en Nouvelle-Calédonie jusqu’en 1946, du fait essentiellement des résistances d’une partie des représentants du colonat. Et en 1947 encore, d’aucuns souhaitaient le rétablir pour revenir à ce qu’on pourrait appeler « la Nouvelle-Calédonie de Papa ». Mais celle-ci était en train de se déliter et de nouvelles perspectives de société s’ouvraient auxquelles une majorité a finalement adhérée portée par le slogan généreux d’un nouveau parti politique créé en 1953, l’Union calédonienne : « deux couleurs, un seul peuple ».

Le régime de l’indigénat est au cœur d’une histoire passée sur laquelle les descendants de colon ont, à l’évidence, aujourd’hui encore, du mal à revenir tandis qu’il sert d’argument repoussoir pour la communauté kanak. Pourtant on ne peut nier qu’il agit comme un référentiel actif, conscient ou inconscient, pour tous, dans les évocations parfois nostalgiques qu’on trouve ici ou là, d’un « ordre ancien », de la « Calédonie des Vieux ». Du côté kanak, on vante le souvenir de jeunes respectant leurs aînés, de chefs se faisant obéir de leurs sujets tandis que du côté européen, on imagine un territoire bien français où la délinquance n’existe pas, où le modèle métropolitain s’impose et avec lui l’implicite supériorité du mode de vie français et valeurs occidentales.

Nous voulions ouvrir cette boîte de Pandore pour contribuer à l’effort de connaissance et d’objectivation qui est au cœur du métier de l’historien. Nous voulions aussi rendre aux acteurs du passé, justice et responsabilité, pour que leurs descendants puissent soutenir leur histoire en conscience, sans peine, amertume ou culpabilité.

Tout au contraire, le travail que nous avons engagé espère nourrir les débats et aider à comprendre le passé pour mieux le dépasser.


[1] Cherfi A., « La France coloniale : du Code noir au Code de l’indigénat ou l’humiliation de l’homme par l’homme », El Moudjahid, 5 juillet 2012, http://www.elmoudjahid.com/fr/actualites/30046

[2] Conformément à l’accord de Nouméa signé le 5 mai 1998.

[3] Demain en Nouvelle-Calédonie, 19 avril 2018, http://www.dnc.nc/visite-presidentielle-le-senat-coutumier-veut-un-pardon-de-letat-et-la-reconnaissance-de-lautorite-des-chefferies/.

[4] On se reportera aux entretiens suivants : « Wakolo Pouyé : de l’enseignant à l’homme politique », Mwà Véé : revue culturelle kanak, no15, 1997, p. 23-27 ; « Avec Pierre Ataba : l’indigénat vu de Moindou », Mwà Véé : revue culturelle kanak, no15, 1997, p. 33-36 ; « Ambroise Wimbé : mes parents craignaient que l’histoire se répète… », Mwà Véé : revue culturelle kanak, no16, 1997, p. 16-22 ; « Entretien avec monseigneur Michel Kohu, de Nakéty (Canala) », Mwà Véé : revue culturelle kanak, no57, 2007, p. 16-20.

[5] Rinn L., Régime pénal de l’indigénat en Algérie. Les Commissions disciplinaires, Alger, A. Jourdan, 1885 ; Régime pénal de l’indigénat en Algérie. Le séquestre et la responsabilité collective, Alger, A. Jourdan, 1890 ; Carlotti A.L., De l’application faite en Cochinchine du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires : décrets sur l’indigénat,Paris, A. Chevalier-Marescq, 1903 ; Aumont-Thiéville J., Du régime de l’indigénat en Algérie, Thèse de doctorat, Paris, 1906 ; Pommier R., Le régime de l’indigénat en Indochine,Paris, Michallon, 1907 ; Ruyssen R., Le Code de l’indigénat en Algérie,Alger, Imprimerie Administrative Victor Heintz, 1908 ; Marneur F., L’indigénat en Algérie, Considérations sur le régime actuel, critique, projets de réformes, Paris, Recueil Sirey, 1914 ; Spas L., Etude sur l’organisation de Madagascar : justice indigène, indigénat, conseils d’arbitrage, Paris, M. Giard & É. Brière, 1912 ; Larcher E., Traité élémentaire de législation algérienne,2 tomes, Paris, A. Rousseau, 1923 ; Dareste P., Traité de droit colonial,2 tomes, Paris, 1931 ; Girault A., Principes de colonisation et de législation coloniale. Les colonies françaises avant et depuis 1815, notions historiques, administratives, juridiques, économiques et financières Paris, Sirey, 1843,[1ère éd.1894].

[6] Rivet D., « Le Fait colonial et nous. Histoire d’un éloignement », Vingtième Siècle, revue d’histoire,no33, 1992, p. 127.

[7]Asiwaju A.I., « Control through coercion: a study of the Indigenat Regime in French West African Administration, l887-l946 », Journal of the Historical Society of Nigeria, vol. 9, no1, 1978, p. 91-124.

[8] Ageron C.R., Les Algériens musulmans et la France (1871-1919), t. 1, Paris, Bouchène, 2005[1er ed. 1968] ; Suret-Canale J., Afrique Noire. L’ère coloniale,Paris, Éditions sociales, 1964 ; Guillaume P., Le Monde Colonial, XIXe-XXe siècle,Paris, Armand Colin, 1994 [1er éd. 1974] ; Collot C., Les institutions de l’Algérie durant la période coloniale (1830-1962), Paris, Éditions du CNRS, 1987 ; Fall B., Le travail forcé en Afrique Occidentale Française (1900-1945),Paris, Karthala, 1993 ; Bernault F. (dir.), Enfermement, Prison et Châtiments en Afrique. Du 19e siècle à nos jours, Paris, Karthala, 1999.

[9] Manière L., « Le code de l’indigénat en Afrique occidentale et son application : le cas du Dahomey (1887-1946) », Thèse de doctorat, Université Paris VII, 2007.

[10] Merle I., Expériences coloniales. La Nouvelle-Calédonie, 1853-1920,Paris, Belin, 1995 ; « Le régime de l’Indigénat et l’impôt de capitation en Nouvelle-Calédonie. De la force et du droit : la genèse d’une législation d’exception ou les principes fondateurs d’un Ordre colonial »,dans Saussol A. et Zitomersky J. (éd.), Colonies, Territoires, Sociétés. L’enjeu français, L’Harmattan, 1996, p. 223-241 ; « L’état français, le droit et la violence coloniale : le régime de l’indigénat en question » dansChatriot A. et Gosewinkel D. (éd.), Les figures de l’État en Allemagne et en France, 1870-1945 ; Figurationen des Staates in Deutschland und Frankreich, 1870-1945,Oldenbourg, Wissenschaftsverlag, 2006, p. 97-116 ; « Du sujet à l’autochthone en passant par le citoyen. Les méandres, enjeux et ambiguïtés de la définition du statut des personnes en situation coloniale et postcoloniale. Pour exemple, la Nouvelle-Calédonie » dans Isabelle Merle et Else Faugère (ed.), La Nouvelle-Calédonie, vers un destin commun ? Paris, Editions Karthala, 2010, p. 19-37 ; Muckle A., « Troublesome chiefs and disorderly subjects: the indigénat and the internment of Kanak in New Caledonia (1887-1928) », French Colonial History, vol. 11, 2010, p. 131-160 ; « “Natives”, “immigrants” and “libérés” : the colonial regulation of mobility in New Caledonia », Law Text Culture, vol. 15, 2011, p. 135-161 ; « The Presumption of Indigeneity: Colonial administration, the “community of race” and the category of indigène in New Caledonia, 1887-1946 », Journal of Pacific History, vol. 47, no3, 2012, p. 309–328 ; «Putting Kanak to Work: Kanak and the colonial labor system in New Caledonia », Pacific Studies, vol. 38, no3, 2015, p. 345-372 ; Violences réelles et violences imaginées dans un contexte colonial : Nouvelle-Calédonie, 1917, Philippe Boisserand (trad.), Nouméa, Presses universitaires de la Nouvelle-Calédonie, 2018.

[11] Benhaddou-Bouzelat S., « Le code de l’indigénat. Entre lois et réalités », Mémoire de maitrise d’histoire sous la direction d’Omar Carlier, Université Paris I, 1999-2000 ; Guignard D., L’abus de pouvoir dans l’Algérie coloniale (1880-1914). Singularités et visibilités, Nanterre, Presses universitaires de Paris Ouest, 2010 ; Thénault S., Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale. Camps, internements, assignations à résidence,Paris, Odile Jacob, 2012.

[12] Mann G., « What was the Indigénat ? The Empire of Law in French West Africa », Journal of African History, vol. 50, 2009, p. 331-53.

[13] Héricord-Gorre A., « Eléments pour une histoire de l’administration des colonisés de l’Empire français. Le ‘régime de l’indigénat’ et son fonctionnement depuis sa matrice algérienne (1881-c.1920) », Thèse de l’institut européen de Florence, 2008 ; Saada E., « « La question des métis » dans les colonies françaises : socio-histoire d’une catégorie juridique (Indochine française et autres territoires de l’Empire français, années 1890-années 1950) », Thèse de doctorat, EHESS, Paris, 2001 ; Le Cour Grandmaison O., De l’indigénat. Anatomie d’un monstre juridique. Le droit colonial en Algérie et dans l’Empire français,Paris, La Découverte, 2010.

[14] Merle I., « De la légalisation de la violence en contexte colonial. Le régime de l’indigénat en question », Politix, vol. 17, n°66, 2004, p. 137-162.

[15] Pommier, Le régime de l’indigénat en Indochine,p. 17. La formule serait d’Emile Larcher.

[16] Cité dans Saada E., « La question des métis », p. 359.

[17] Ibid.

[18] Sala-Molins L., Le Code Noir ou le calvaire de Canaan,Paris, Puf, 1987, p. 73.

[19] Béji H., Nous, décolonisés,Paris, Arléa, 2008, p. 23.

[20] Pour reprendre le titre du célèbre traité du juriste Henry Solus, Traité de la condition des indigènes en droit privé : colonies et pays de protectorat et pays sous mandat Sirey, Paris, 1927.

[21] On soulignera ici l’apport des recherches la question relative à la nature de l’Etat colonial, les modes de « gouvernementalité » et les articulations entre nation et empire. Voir à titre indicatif : Cooper F. et Stoler A. (dir.), Tensions of Empire, Colonial Cultures in a Bourgeois World, Berkeley, University of California Press, 1997 ; Scott D., « Colonial Governmentality », Social Text,43, 1995, p. 191-220 ; Mamdani M., Citizen and Subject, Contemporary Africa and the Legacy of the Late Colonialism,Princeton, Princeton University Press, 1996 ; Cohn B. et Dirks N., « Beyond the Fringe : The Nation State, Colonialism, and the Technologies of Power », Journal of Historical Sociology, vol., 1, no2, 1988, p. 224-229. Dans le domaine français, cf. : Saada E., Les enfants de la colonie. Les métis de l’Empire français. Entre sujétion et citoyenneté,Paris,La Découverte, 2007 ;Blévis L., « Sociologie d’un droit colonial : citoyenneté et nationalité en Algérie (1865-1947) : une exception républicaine ? », Thèse de doctorat, Aix-Marseille, 2004.

[22] Balandier G., « La situation coloniale. Approche théorique », Cahiers internationaux de sociologie, vol. 11, 1951, p. 44-79, p. 76. Cf. Merle I., « « La situation coloniale » chez Georges Balandier. Relecture historienne », Monde(s),vol. 2, n°4, 2013, p. 211-232.

[23] Dareste P., Traité de droit colonial,t.2, p. 502-512.

[24] Thénault S., « L’indigénat dans l’Empire français : Algérie/Cochinchine, une double matrice », Monde(s), vol. 12, no2, 2017, p. 23.

[25] Ibid., p. 23-24.

[26] Mann G., « What was the Indigénat ? » ; Sherman T.C., « Tensions of Colonial Punishment : Perspectives on Recent Developments in the Study of Coercive Networks in Asia, Africa and the Carribean », History Compass, vol. 7, no3, 2009, p. 659-677.

[27] Notion développée par Saada dans « The Empire of Law : Dignity, Prestige, and Domination in the « Colonial Situation » », French Politics, Culture and Society, vol. 20, no2, 2002, p. 98-120.

[28] Thénault S., « L’indigénat dans l’Empire français », p. 25.

[29] Ceci est surtout le cas en Nouvelle-Calédonie où les archives du Service des affaires indigènes ont été disloquées ou perdues soit presque totalement (notamment pour la période avant 1930) ou en partie (pour la période après). Donc en matière de statistiques, par exemple, on ne dispose pas du même niveau de détail ou organisation dans les fonds que les chercheurs en AOF ou Algérie.

[30] Nous citons ici les travaux directement centrés sur l’histoire de l’indigénat en Nouvelle-Calédonie : Corre B., « Histoire du service des affaires indigènes de Nouvelle-Calédonie. Affaires indigènes, Indigénat et politiques indigènes de 1856 à 1954, assimilation ou ségrégation ? », Mémoire de DEA, Université française du Pacifique, 1997 ; Lambert J-M., La nouvelle politique indigène en Nouvelle-Calédonie. Le capitaine Meunier et ses gendarmes, 1918-1954,Paris, L’Harmattan, 1999 ; Kurtovitch I., La vie politique en Nouvelle-Calédonie : 1940-1953, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2000 ; « Sortir de l’indigénat : Cinquantième anniversaire du régime de l’indigénat en Nouvelle-Calédonie », Journal de la Société des Océanistes,n°105, 1997-2, p. 117-139. Voir aussi dans la revue culturelle kanak Mwà Véé : « Dossier : L’indigénat 1887-1946 », Mwà Véé,n°15, 1997, p. 6-36 ; « Dossier : Indigénat II » Mwà Véé,n°16, 1997, p. 16-22 ; Les Kanak à l’heure de la « nouvelle politique indigène », Mwà Véé,n°57, 2007.

[31] Notre recherche est complémentaire des travaux des recherches historiques portant sur les politiques indigènes et l’expérience des colonisés. Nous citerons ici : Saussol A., L’Héritage. Essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie, Paris, Musée de l’Homme, 1979 ; Dauphine J., Les spoliations foncières en Nouvelle-Calédonie, 1853-1913, Paris, L’Harmattan, 1989 ; Bensa A. et Goromido A., Histoire d’une chefferie kanak (1740-1878). Le pays de Koohnê – 1 (Nouvelle-Calédonie), Paris, Karthala (avec la Province Nord de Nouvelle-Calédonie), 2005 ; Jaumouillie A.-L., « Entre « sagaïes » et médailles : Processus colonial de reconnaissance des chefs kanak en Nouvelle-Calédonie (1878-1946) », Thèse de doctorat, Université de la Rochelle, 2007 ; Naepels M., « Le devenir colonial d’une chefferie kanake (Houaïlou, Nouvelle-Calédonie) », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 65e année, no4, 2010, p. 913-943; Salaün M., L’école indigène. Nouvelle-Calédonie. 1885-1945, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005 ; Trépied B., Une mairie dans la France coloniale. Koné, Nouvelle-Calédonie, Paris, Karthala, 2010 ; Shineberg D., The People Trade. Pacific Island Laborers and New Caledonia, 1865-1930, Honolulu, University of Hawai‘i Press, 1999 ; Adi C., Orang kontrak. Les engagés originaires de Java venus sous contrat en Nouvelle-Calédonie, 1896-1955,Koné, Editions de la Province Nord, 2014.

[32] Henry Solus doute en 1927 qu’on ait reconnu aux Kanak un statut personnel (la reconnaissance de leurs coutumes en matière de filiation, mariage, héritage et succession sur terres de réserve). « Nous ne connaissons point de textes qui l’ait formellement proclamé » affirme-t-il dans son Traité de la condition indigène en droit privé, Paris,Recueil Sirey 1927, p. 151. Son collègue Dareste déplore le caractère embryonnaire de ce statut en 1920. Dareste P., Recueil de législation, de doctrine et jurisprudence coloniales, t. XXIII, 1920, Jurisprudence coloniale, p. 96-97.

[33] Voir en particulier : Lafargue R. La coutume face à son destin. Réflexions sur la coutume judiciaire en Nouvelle-Calédonie et la résilience des ordres juridiques infra-étatiques, Paris, LGDJ, 2010. Cf. Demmer C. et Trépied B. (dir.), La coutume kanak dans l’Etat : perspectives coloniales et postcoloniales sur la Nouvelle-Calédonie, Paris, L’Harmattan, 2017.

[34] Memmi A., Portrait du colonisé, précédé de Portrait du colonisateur,Paris, Buchet/Chastel, 1957 ; Sartre J.-P., « Le colonialisme est un système », Situations, t. V : Colonialisme et Néo-Colonialisme,Paris, Gallimard, 1964 ; Balandier G., « La situation coloniale. Approche théorique ».


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