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Édition du 1er au 15 mai 2025

Bolloré et l’Afrique : héritage colonial, rentes, collusions et monopole médiatique, par Attac et l’Observatoire des multinationales

Dans leur rapport publié le 24 avril 2025, intitulé « Le système Bolloré, de la prédation financière à la croisade politique », Attac et l’Observatoire des multinationales exposent les origines africaines du « système Bolloré ».


« Au fil des ans, le groupe Bolloré a amassé des milliards d’euros grâce à ses activités africaines, à la fois sous forme de remontée de dividendes et grâce aux plus-values réalisées lors des cessions d’actifs. Pour une large part, ce sont ces revenus qui lui ont permis d’acheter son empire médiatique. Même après avoir revendu ses concessions portuaires et ses activités logisitiques africaines, Bolloré est loin d’avoir quitté le continent.

Une large partie de la fortune du groupe Bolloré s’est construite sur le continent africain, dans la production de tabac et de cigarettes d’abord, puis dans les plantations d’hévéas et de palmiers à huile, et surtout dans le transport, la logistique et la gestion des concessions portuaires. Combien ces affaires africaines ont-elles rapporté au fil du temps ? Difficile à dire, tant la structure du groupe est complexe et à défaut de publications financières consolidées de ces activités. Mais une chose est certaine : la fortune du groupe et de la famille Bolloré d’aujourd’hui vient, pour une bonne part, de ces rentes africaines.

À la fin des années 1990, alors que le groupe Bolloré a acquis une situation de quasi-monopole sur les marchés du tabac d’Afrique francophone, c’est cette activité qui est la « vache à lait » du groupe, selon un analyste interrogé par Les Échos : la branche pesait alors moins de 7 % du chiffre d’affaires* global d’un groupe bien plus petit qu’aujourd’hui, mais assurait plus du tiers de son résultat d’exploitation, à 46 millions d’euros 33. Et lorsqu’il cède, en avril 2001, le contrôle de ses activités dans le tabac africain au britannique Imperial Tobacco, Bolloré empoche une coquette plus-value* de près de 200 millions d’euros.

Des centaines de millions d’euros de dividendes, des milliards de plus-value. Rapidement, ce sont le transport et la logistique en Afrique qui s’imposent comme les principales sources de revenus du groupe. En 2002, Bolloré y réalise déjà 17 % de son chiffre d’affaires* mais surtout les trois quarts de son résultat d’exploitation34 . L’activité 33 « Groupe Bolloré, une galaxie résolument financière », Les Échos, 13 novembre 2000, https://www.lesechos.fr/2000/11/ groupe-bollore-une-galaxie-resolument-financiere-756501 34 Bolloré, Rapport annuel 2002, p. 55 – https://www.bollore.com/bollo-content/uploads/2018/12/ra2002.pdf. Bolloré et l’Afrique : héritage colonial, rentes, collusions et monopole médiatique 27 Le Système Bolloré va croissante, en particulier grâce aux concessions portuaires sur lesquelles Bolloré met la main : il obtient un premier contrat en mars 2004, avec la concession* du terminal d’Abidjan. Quelques mois plus tard, il remporte ceux de Tema, au Ghana, et de Douala, au Cameroun. Et la liste s’allonge, au fil des ans, avec les concessions* de Lagos Tin Can (Nigéria), d’Owendo et de Port-Gentil (Gabon), de Pointe- Noire (Congo), de Lomé (Togo), de Cotonou (Bénin), de Freetown (Sierra Leone), de Conakry (Guinée), etc. La force de l’entreprise ? Son intégration verticale et ses connexions multimodales, avec des activités qui s’étendent de la manutention portuaire au transport routier, en passant par le fret fluvial ou ferroviaire. Le réseau Bolloré irrigue le continent en profondeur et offre forme un maillage logistique sans équivalent. De 766 millions d’euros en 2002, le chiffre d’affaires* de la branche africaine grimpe à près de 2 milliards en 2010 pour culminer à 2,7 milliards en 2015. En 2021, à la veille de sa cession à l’armateur italo-suisse Mediterranean Shipping Company (MSC), la holding* Bolloré Africa Logistics générait encore près de la moitié du résultat d’exploitation* du groupe (444 millions sur 939 millions d’euros), pour un résultat net (après impôts et charges financières) de 248 millions d’euros35

Dans ce vaste ensemble de la logistique africaine, les concessions* portuaires sont de véritables pépites. En échange d’investissements et d’entretien des infrastructures, le concessionnaire perçoit les droits d’entrée et d’accostage des navires, des frais de stockage et surtout les taxes de manutention (THC – terminal handling charges) pour le chargement et déchargement des conteneurs. Entre 2015 et 2022, les onze sociétés qui gèrent les principales concessions* du groupe ont réalisé près de 2,2 milliards de bénéfice pour un peu plus de 7,5 milliards de chiffre d’affaires. Le bénéfice « part du groupe » – en proportion de la part détenue par Bolloré, qui varie dans chaque société portuaire – atteint 1,1 milliard d’euros (Tab. 1). Une véritable rente, d’autant plus profitable que ces concessions portuaires sont souvent accordées pour de très longues périodes – jusqu’à 35 ans pour celle du port de Lomé par exemple – et régulièrement prolongées à l’occasion de nouveaux programmes d’investissement.
Ces activités africaines sont donc venues enrichir le groupe Bolloré et ses actionnaires par centaines de millions d’euros. En dix ans par exemple, de 2012 à 2021, Bolloré Africa Logistics aura versé près de 614 millions de dividendes* à la maison mère, Bolloré SE. S’y ajoutent les intérêts des prêts accordés aux filiales, les redevances payées par les six filiales africaines pour l’utilisation de la marque « Bolloré Africa Logistics » – entre 7,5 et 8,5 millions d’euros par an – ou les facturations diverses entre sociétés du groupe.

Sur la dernière décennie (2014-2023), la branche agro-industrielle des plantations africaines et asiatiques – Socfina, Socfinaf et Socifasia – aura, de son côté, versé un peu plus de 103 millions d’euros de dividendes* aux différentes sociétés du groupe Bolloré qui sont ses actionnaires. »



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