Déclaration commune de l’archevêque de Strasbourg et du président de l’Église luthérienne1
Le président du directoire de l’Église de la confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine (ECAAL) et l’archevêque de Strasbourg tiennent à faire part de leur étonnement attristé et de leur indignation devant les propos récemment tenus en Alsace par un général français. Des conventions internationales relatives à la guerre excluent expressément l’usage de la torture. Il n’est pas admissible de voir justifié après coup ce qui s’est passé, à cet égard, durant la guerre d’Algérie. Au moment où le travail de mémoire de cette période douloureuse de notre histoire est engagé, il conviendrait plutôt d’admettre que l’usage de la torture fut une faute. En le reconnaissant aujourd’hui, notre pays montrerait qu’il entend rester fidèle aux droits de l’homme qu’il a toujours proclamés.
Strasbourg, en la veille du 14 juillet 2000.
Fréjus, ultime refuge de Marcel Bigeard
Après deux ans de bataille, les cendres du général reposeront enfin au Mémorial des guerres en Indochine, à Fréjus.
MÉMOIRE Ce devrait être l’ultime combat, post mortem, de ce gladiateur de la République. Au terme de vives polémiques, les cendres du général Marcel Bigeard, disparu le 18 juin 2010, devraient finalement trouver demeure au Mémorial des guerres en Indochine de Fréjus (Var). Le 20 novembre prochain à la demande de la famille de celui qui fut l’un des militaires les plus décorés de France, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, y présidera une cérémonie d’hommage pendant laquelle sera dévoilée une stèle.
Sans attendre, une pétition circule sur Internet pour dénoncer les honneurs rendus à ce « baroudeur sans principes, utilisant des méthodes souvent ignobles ». Emmenés par l’écrivain Patrick Chamoiseau, le sénateur communiste du Rhône Guy Fischer ou encore Louisette Ighilahriz, présentée comme « patriote algérienne, torturée à l’état-major de la 10e division parachutiste », les pétitionnaires soutiennent que « le nom de Bigeard sonne comme synonyme des pratiques les plus détestables de l’armée française». Avant de considérer « qu’un gouvernement élu par le « peuple de gauche » persiste dans ce projet laisse à penser que l’intervention citoyenne est plus que jamais nécessaire ».
De son côté, la section de Toulon de la Ligue des droits de l’homme (LDH) considère qu’« un tel hommage passe sous silence le rôle funeste joué par le général Bigeard en Algérie – à propos duquel, contrairement au général Massu, il n’a exprimé aucun regret ». « Si le ministre de la Défense s’exprimait dans le même sens le 20 novembre, cela reviendrait à élever la torture au rang de haut fait d’armes méritant les honneurs de la nation », s’indigne la LDH.
Jouant la carte de l’apaisement, l’entourage de Jean-Yves Lé Drian rappelle que la cérémonie programmée constitue « la meilleure formule qui respecte à la fois la volonté de la famille, l’engagement militaire du général et la mémoire des 50 000 Français engagés en Indochine dans les années 1950 ». Depuis plus de deux ans, la destination des cendres de l’ex-grand résistant, dont le nom restera à jamais lié à l’Indochine, a connu des fortunes diverses. Dans un premier temps, elles devaient être répandues dans la cuvette de Diên Biên Phu où l’ancien secrétaire d’État à la Défense de Valéry Giscard d’Estaing s’était illustré.
« Il s’agissait d’exécuter ses dernières volontés, rappelle son éditeur René Guiton. Les services de l’État ont participé aux négociations mais les autorités de Hanoï nous ont signifié une fin de non-recevoir. » Outre d’évidentes raisons politiques, les Vietnamiens se seraient retranchés derrière une raison culturelle, l’incinération n’étant guère dans les coutumes locales.
«Une solution de compromis»
L’ex-locataire de la rue Saint-Dominique, Gérard Longuet, avait alors défendu l’idée d’organiser un transfert des cendres aux Invalides, lors d’une cérémonie nationale. Elle devait être prévue à l’origine le 14 février dernier, pour commémorer le jour de naissance du futur héros, en 1916. Mais l’initiative avait déclenché une singulière bronca et une première pétition avait déjà réuni près de 10 000 protestataires. Devant cette levée de boucliers, le ministre avait repoussé la date de cette célébration au 29 septembre dernier, jour de la Saint-Michel, patron des parachutistes.
Le projet a fait long feu avec l’alternance politique de mai dernier. « Nous comprenons certes la polémique, confiait-on mercredi au cabinet du ministre de la Défense, mais il nous fallait trouver une solution de compromis. » Les cendres de Marcel Bigeard rejoindront donc le jardin des souvenirs du Mémorial de Fréjus, où reposent déjà par milliers ses compagnons d’armes.