Manifestation à Béziers pour conserver la rue du 19 mars 1962
Des manifestants du Mouvement de la paix ont installé ce matin une plaque dans la rue du 19 mars à Béziers pour protester contre la volonté de la mairie de rebaptiser cette rue Commandant Hélie-de-Saint-Marc du nom d’un officier parachutiste de la guerre d’Algérie.
Elle s’appelait rue du 19 mars 1962, date des accords d’Evian marquant le cessez-le-feu de la guerre d’Algérie. Robert Ménard maire de Béziers a décidé de la transformer en rue du commandant Hélie-de-Saint-Marc du nom d’un officier putchiste. Et depuis la polémique enfle.
Une manifestation de protestation sera organisée sur place samedi 14 mars à l’appel de la Ligue des droits de l’Homme et dès ce matin une trentaine de manifestants ont remis une plaque.
Et ce matin une trentaine de membres du mouvement de la paix ont décidé de reposer la plaque du 19 mars. Une pétition circule contre ce que ces opposants appelle une nostalgie de l’OAS et du colonialisme.
Qui est Hélie Denoix de St Marc ?
Robert Ménard parle avec beaucoup d’émotion de l’action de son père pendant la guerre d’Algérie. Le maire de Béziers parle de « rendre hommage à un héros » quand il évoque en conseil municipal le changement de nom de la rue du 19 mars.
Pendant la bataille d’Alger, en 1957, le capitaine Denoix de Saint-Marc a été chef de cabinet du général Massu, qui, à la tête de la 10e division parachutiste, s’était vu confier les pouvoirs de police sur le Grand Alger. Hélie Denoix de St Marc est-il un héros français ? demande l’historien Gilles Manceron dans sa chronique publiée dans Médiapart 1.
En 1961, il avait désobéi en participant au putsch des généraux à la tête du 1er REP (Régiment étranger de parachutiste). L’opération échouera et il se constituera prisonnier. Il sera condamné à dix ans de réclusion et effectuera cinq ans de prison avant d’être gracié par le général De Gaulle.
Le tribunal administratif de Montpellier a été saisi par le conseiller municipal PCF Aimé Couquet pour un recours en « excès de pouvoir »et doit rendre sa décision d’ici deux mois.
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Béziers : une action symbolique pour annoncer un samedi brûlant
Initiative surprise avant les manifestations du 14 mars, des signataires de « Sauvons le nom de la rue du 19-Mars-1962 » à Béziers
« On a rétabli l’honneur de cette ville. » Le temps de descendre de l’échelle où il a fébrilement remis la plaque de la rue du 19-Mars-1962 (qui ne s’y trouve bizarrement pas), Raymond Cubells lance : « Cette date correspond aux Accords d’Evian, ces accords de paix furent le compromis choisi. Elle clôturait la guerre. Cependant, ces accords sont fragiles et le présent nous montre qu’il faut toujours rester sur ses gardes. Le maire, Robert Ménard veut nous renvoyer 50 ans en arrière à la période coloniale. » À quatre jours de la renomination par le premier magistrat de Béziers de la rue en Commandant-Hélie-de-Saint-Marc, c’est un geste symbolique qui a été accompli, lundi 10 mars au matin par les membres des associations, syndicats et partis politiques signataires de l’appel « Sauvons le nom de la rue du 19-Mars-1962 »
La rue du 19-Mars-1962 se nomme ainsi depuis 1979
« On ne peut pas laisser le maire appuyer sur les plaies encore ouvertes de la guerre d’Algérie », a plaidé le conseiller municipal et communautaire (PCF) Aimé Couquet. « Renommer cette rue Commandant-Hélie-de-Saint-Marc est une véritable provocation. Il nous le présente comme une personnalité d’exception aux hautes valeurs morales et au sens de l’honneur. Il faut savoir qu’après avoir été résistant et déporté à Buchenwald, il a été un croisé de la colonisation au Vietnam puis en Algérie. Il a participé au putsch des généraux du 21 avril 1961… » Il ajoute : « Cette rue est nommée ainsi depuis 1979 et aucune des municipalités qui se sont succédées à Béziers depuis [six au total] n’a remis en cause ce choix qui a été, je le rappelle, confirmé par la loi républicaine du 6 décembre 2012. »
L’air de rien les participants de la contre-manifestation ont réalisé un joli coup marketing pour annoncer qu’ils seront bien présents, ce samedi 14 mars à Béziers. Le rendez-vous est donné à 14h, soit une demi-heure avant celle de Robert Ménard. Ce dernier a l’objectif affiché de gommer une date qui « honore le cruel abandon de l’Algérie française et des populations qui lui ont été fidèles, pieds-noirs et harkis » et d’effacer « l’anomalie qu’est celle de voir la France célébrer une défaite ».
« Au vu de ses déclarations et de bien d’autres, on voit bien que le maire compte en faire un grand rassemblement, constate Aimé Couquet. Eh bien de notre côté aussi, nous souhaitons en faire un pour dire « non » au négationnisme et non à l’utilisation du nom d’un putschiste »… Autant dire que le face-à-face de samedi risque pour le moins d’être tendu…
- La chronique de GillesManceron : Hélie Denoix de Saint-Marc est-il un «héros français» ?