A Bahreïn une dizaine de défenseurs des droits de l’Homme sont derrière les barreaux pour avoir osé s’exprimer en faveur du respect des droits fondamentaux et de réformes démocratiques dans leur pays :
Le 16 août 2012, Nabeel Rajab, président du Centre bahreïni des droits de l’Homme (Bahraïn Center for Human Rights-BCHR) et du Centre du Golfe des droits de l’Homme (Gulf Centre for Human Rights – GCHR), et secrétaire général adjoint de la FIDH, a été condamné à trois ans de prison ferme. Abdulhadi Al Khawaja, ancien directeur du BCHR, purge quant à lui une peine de prison à vie1.
Le 2 août 2012, six organisations ont rendu publique une lettre ouverte adressée au président de la République, François Hollande, qui avait reçu le roi de Bahreïn quelques jours auparavant. Elles y rappelaient les revendications des Bahreïnis : «la libération des personnes emprisonnées pour l’unique exercice de leurs droits à la liberté d’expression et de rassemblement pacifique, et la traduction en justice des hauts responsables impliqués dans des cas de torture et autres graves violations des droits humains» 2.
Elles dénonçaient la «poursuite de la répression menée par la famille régnante au Bahreïn, dont les forces de sécurité ont bénéficié par le passé de formations et d’assistance de la part de la France».
La France, un des cinq premiers exportateurs mondiaux, a vendu pour plus de 26 M€ d’armes au Bahreïn en 2011, dont 16 M€ de « bombes, torpilles, grenades, pots fumigènes, mines, missiles, produits « pyrotechniques » militaires (et) cartouches », et 421 000 € d’« agents chimiques ou biologiques toxiques, “ agents antiémeutes”, substances radioactives, matériel, composants et substances connexes ».
A Bahreïn, les policiers anti-émeutes utilisent la technologie française contre les manifestants – voir le blog BugBrother …
Il existe même un …
Accord relatif à la coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme entre la France et le Bahreïn3
Extrait du compte rendu du Conseil des ministres du 1er avril 2009
La France a noué une coopération multiforme en matière de sécurité intérieure avec de nombreux pays. Elle s’efforce depuis quelques années d’harmoniser et de rendre cohérente cette coopération en négociant des accords élaborés selon un modèle unifié dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée transnationale. Cette démarche permet à la fois de donner une base juridique solide à notre coopération opérationnelle et technique et de renforcer son intensité pour les pays considérés comme importants dans ce dispositif, avec des impacts positifs accrus pour notre sécurité intérieure.
C’est dans cette optique que s’inscrivent les accords entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements de l’Albanie, de l’Arabie Saoudite, du Bahreïn, de la Grèce, de la Libye et de Maurice, relatifs à la coopération en matière de sécurité intérieure, signés au cours des deux dernières années.
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La loi n° 2010-382 du 16 avril 2010 a autorisé l’approbation de l’accord entre la France et le Bahreïn relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile4.
En septembre 2012, les Nations Unies se sont penchées sur la situation au Bahreïn :
Le Bahreïn sur la défensive après les remontrances de l’ONU
« C’était comme si les autorités du Bahreïn passaient en procès. Elles ont été mises sur le gril. » A l’évocation de la session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU consacrée à l’archipel du golfe Persique, qui s’est déroulée mercredi 19 septembre au Palais des nations, à Genève, Abdel Nabi Al-Ekry ne peut réprimer un large sourire. Pour ce vétéran de la gauche bahreïnie, la réunion des Nations unies, qui a mis en lumière le peu d’empressement de la monarchie sunnite des Khalifa à se réformer en dépit de la révolte à dominante chiite qui la secoue depuis un an et demi, pourrait amorcer un tournant.
« Nous sommes en train de voir l’impact de Genève sur les chancelleries occidentales, affirme Abdel Nabi Al-Ekry, de passage à Paris, mardi 25 septembre, avec quelques autres membres de l’opposition. Elles ont compris qu’il ne sert à rien d’appeler à un « dialogue » entre le pouvoir et l’opposition, car c’est un terme trop vague, qui permet au gouvernement de gagner du temps. Elles parlent désormais de « négociations », ce qui sous-entend un cadre de référence beaucoup plus clair. »
La session du Conseil des droits de l’homme sur le Bahreïn s’est tenue dans le cadre de la procédure dite d' »Examen périodique universel », à travers laquelle les pratiques de chacun des pays membres de l’ONU sont passées en revue, une fois tous les quatre ans. A cette occasion, les autorités de Manama ont annoncé qu’elles acceptaient « 90 % » des recommandations élaborées en mai par le Conseil des droits de l’homme.
« D’IMPORTANTS DÉFIS PERSISTENT »
Par la bouche de son ministre des affaires étrangères, Khaled Ben Ahmed Al-Khalifa, le Bahreïn s’est engagé à mettre en œuvre 145 d’entre elles, sur un total de 176 dispositions. Treize autres recommandations ont été acceptées sous conditions et vingt ont été rejetées. « Nous avons entrepris des réformes sans précédent », a assuré le chef de la diplomatie bahreïnie, qui a notamment évoqué l’instauration d’une unité spéciale, chargée d’enquêter sur les abus perpétrés par les forces de sécurité. « D’importants défis persistent », a-t-il reconnu, tout en déplorant que « certains alimentent les flammes de l’extrémisme et de la violence ».
Une allusion au Wifaq, le mouvement islamiste chiite, à la pointe de l’opposition, qui organise chaque vendredi des marches dans les villages en lisière de Manama, la capitale, pour réclamer l’instauration d’une monarchie parlementaire. Au motif que ces manifestations ne sont pas autorisées, la police bahreïnie les disperse souvent violemment, à coups de gaz lacrymogène et de décharges de chevrotine. Cette répression a fait 80 morts, selon la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) depuis le 14 février 2011, date du début de la révolte, dont 34 depuis la publication du rapport de la commission Bassiouni, le 23 novembre 2011, qui avait dénoncé un « usage excessif et disproportionné de la force ».
La série de recommandations que ce comité d’enquête indépendant avait alors énoncé avait été officiellement acceptée par le roi Hamad Ben Issa Al-Khalifa. Mais le bilan très critique, dressé tant par le Conseil des droits de l’homme que par les principales ONG internationales comme Human Rights Watch et la FIDH (rapport intégral, en anglais) atteste du fait que la mise en œuvre du rapport Bassiouni reste très partiel.
« Plus de 85 % des recommandations de ce rapport n’ont pas été appliquées, affirme Radhi Al-Moussaoui, vice-secrétaire général du Wa’ad, un petit mouvement d’opposition, de tendance libérale. L’appel à traduire en justice les responsables de la torture n’a pas été suivi d’effet. Le gouvernement s’est contenté d’inculper quelques lampistes, qu’il n’a même pas jugé bon d’incarcérer. En revanche, notre secrétaire général, Ibrahim Cherif, a été condamné à 5 ans de prison, alors même que les autorités disent avoir renoncé à toutes les poursuites qui s’apparentent à une violation de la liberté d’expression. »
Une vingtaine de responsables politiques sont toujours incarcérés, dont Abdel Hadi Al-Khawaja et Nabil Rajab, deux figures de la communauté chiite, condamnés respectivement à la réclusion à perpétuité et à trois ans de prison.
MANAMA DURCIT SA POSITION EN INTERNE
Lors de la session de Genève, le secrétaire d’Etat adjoint pour les droits de l’homme des Etats-Unis, Michael Posner, a formulé d’inhabituelles critiques à l’encontre de Manama, pourtant un allié, qui héberge la Ve flotte américaine. « Bien plus doit être fait. Le Bahreïn est aujourd’hui à la croisée des chemins », a-t-il avancé, expliquant que le « progrès » dans la mise en œuvre des réformes « ralentit, et c’est une préoccupation ». « Si le Bahreïn avait respecté le rapport Bassiouni, il ne serait pas fait remonter les bretelles à Genève », ajoute Radhi Moussaoui. « A moins de véritables pressions internationales », cet opposant laïc s’attend à ce que la monarchie Khalifa, au pouvoir depuis deux siècles, ne respecte pas plus les recommandations du Conseil des droits de l’homme.
Sur la défensive, Manama soigne son profil à l’extérieur mais durcit sa position en interne. Début septembre, le ministère de l’intérieur a menacé de poursuivre en justice le Wifaq, qu’il accuse de subversion, en collaboration avec l’Iran.
Sur Twitter, le ministre des affaires étrangères avait laissé libre cours à son aversion pour le parti chiite. « Al-Wifaq doit respecter les lois du royaume de Bahreïn. A défaut, il devra emporter son sectarisme et son arrogance sur une autre planète », écrivait-il le 8 septembre. « Al-Wifaq veut ramener la nation toute entière au point de départ. Nous avons été patients mais il y a des limites à la patience », affirmait-il le même jour, dans un autre tweet. « Nous appelons à la réforme, pas à la révolution, précise Radhi Moussaoui. Mais au lieu de nous écouter, le gouvernement perd son sang-froid et ne cesse de nous attaquer. C’est lui qui est en train de couler le pays. »
- http://www.fidh.org/Les-defenseurs-des-ligues-membres-12407
- La lettre signée par la LDH, FIDH, Amnesty International, Acat, Human Rights Watch et Reporters sans frontières : http://www.ldh-france.org/Lettre-ouverte-adressee-au,4326.html.
- http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/accord_bahrein_defense.asp
- Référence : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MAEJ0823943L