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Édition du 1er au 15 octobre 2025

Au Salon du livre 2006, quand Gilles Manceron répliquait à Pierre Nora chez Alain Finkielkraut

Pierre Nora, historien et éditeur, est mort à Paris le 2 juin 2025 à l’âge de 93 ans. Professeur au lycée Lamoricière à Oran durant la guerre d’Algérie jusqu’en 1960, il a écrit un essai intitulé Les Français d’Algérie, publié en 1961 aux éditions Julliard, un mois avant le putsch des généraux en Algérie, où il insistait sur les responsabilités des Français d’Algérie dans la poursuite de la situation coloniale. Notre site a rendu compte de sa nouvelle édition en 2012, chez Christian Bourgois, accompagnée d’une préface de l’auteur intitulée « Cinquante ans après », et suivie d’une lettre critique de Jacques Derrida, « Mon cher Nora », prenant la défense des « libéraux » parmi les Français d’Algérie.

En 2005, Pierre Nora s’est opposé à la loi du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur de Français rapatriés » en cosignant une pétition dans le quotidien Libération intitulée « Liberté pour l’histoire » et en présidant une association éponyme aux objectifs différents d’une autre association fondée au même moment, le Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH). Ces deux associations s’accordaient pour refuser cette loi, dont l’alinéa 2 de l’article 4 – qui a été finalement abrogé le 15 février 2006 – établissait que les programmes scolaires devaient accorder plus d’importance à la place de la présence française outre-mer et en reconnaître le rôle positif, mais sans formuler le même type de critiques.

Lors du Salon du livre de 2006, a été enregistrée en public, le samedi 18 mars, l’émission d’Alain Finkielkraut, « Répliques », sur France culture, avec pour invités Pierre Nora et Gilles Manceron. Ce dernier était membre du CVUH dès sa fondation et avait publié en 2003 Marianne et les colonies. Une introduction à l’histoire coloniale de la France (La Découverte).

Contrairement à d’autres émissions de « Répliques », le film de cette émission n’est pas accessible sur le site de France culture. Ci-dessous, une photo prise lors de sa diffusion ainsi que son enregistrement sonore.

L’association « Liberté pour l’Histoire », qui a notamment lancé le 10 octobre 2008, au moment des Rendez-vous de l’histoire, un appel de Blois, a persisté dans une conception différente de celle de l’histoire critique défendue par le CVUH. Les divergences ont persisté entre elles. En 2008, à la suite d’une tribune de Pierre Nora, président de Liberté pour l’Histoire, dans Le Monde du 11 octobre 2008, Gilles Manceron s’est joint à Catherine Coquery-Vidrovitch et Gérard Noiriel, membres fondateurs du CVUH (CVUH), pour y répondre dans Le Monde du 8 novembre 2008. Dans cette tribune intitulée « Les historiens n’ont pas le monopole de la mémoire », ils expliquent qu’ils n’acceptent pas que Liberté pour l’Histoire mette sur le même plan qu’une loi faisant l’apologie de la colonisation, la « loi Gayssot » (pénalisant les propos contestant l’existence des crimes contre l’humanité), la « loi Taubira » (reconnaissant la traite et l’esclavage en tant que « crimes contre l’humanité » et la loi portant sur la reconnaissance du génocide arménien de 1915. Cela au nom de la « liberté de l’historien » qui serait gravement menacée par cette accumulation de « lois mémorielles » (voir ci-dessous).

La tribune qui leur répondait affirme : « En agitant le spectre d’une “victimisation généralisée du passé”, l’appel de Blois occulte le véritable risque qui guette les historiens, celui de mal répondre aux enjeux de leur époque et de ne pas réagir avec suffisamment de force aux instrumentalisations du passé. Nous déplorons également la croisade que ce texte mène contre un ennemi imaginaire, les “Repentants”, qui seraient obsédés par la “mise en accusation et la disqualification radicale de la France” ». Liberté pour l’histoire reprenait ainsi le thème du « refus de la repentance » dont le président Nicolas Sarkozy faisait alors l’un de ses thèmes favoris. Cette association a fini par disparaître. A la différence du CVUH qui va marquer par un colloque à la Sorbonne, les 3 et 4 octobre 2025, son vingtième anniversaire.


Vers le site de l’émission…

…où elle ne peut être écoutée…

© A. Brunel / Radio France


Lire aussi sur notre site

• le 7 novembre 2008 : Débat entre le Comité de vigilance sur les usages publics de l’histoire et Liberté pour l’Histoire

Les historiens Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilles Manceron et Gérard Noiriel, membres du Comité de vigilance sur les usages publics de l’histoire (CVUH), ont répondu dans Le Monde du 8 novembre 2008 à une tribune de l’historien Pierre Nora, président de l’association Liberté pour l’Histoire, parue dans Le Monde du 11 octobre 2008. Nous reproduisons ci-dessous ces deux textes.

• le 19 décembre 2012 : Pierre Nora, « Les Français d’Algérie » 

Pierre Nora, né en 1931, agrégé d’histoire, éditeur, directeur notamment des « Lieux de mémoire » et académicien français, a enseigné à Oran de 1958 à 1960. Dans son premier livre, Les Français d’Algérie, publié en 1961, un mois avant le putsch des généraux en Algérie, il insistait sur les contradictions et les responsabilités des Français d’Algérie. La réédition de cet ouvrage est accompagnée d’une préface de l’auteur, ainsi que de plusieurs documents de l’époque, dont une « réponse » de Germaine Tillion et une longue lettre inédite du philosophe Jacques Derrida, dans laquelle le jeune pied-noir prenait la défense de ceux que l’on nommait alors les « libéraux ». Ci-dessous : un extrait de la préface de la réédition, un enregistrement vidéo de l’entretien accordé à France-Culture le 19 décembre 2012, et un entretien donné au Nouvel Observateur.


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