Assez !
Nous le savons, nous l’avons suffisamment entendu : Israël a le droit de se défendre, Israël a le droit de tout faire pour libérer les soldats de l’armée (dite « armée de défense d’Israël ») pris en otages. Selon les généraux qui inspirent la politique dël – des super-stratèges -, la meilleure façon de se défendre est, bien sûr, d’attaquer.
Attaquer Gaza, arrêter des ministres et des parlementaires (ils sont du Hamas, donc des terroristes), liquider des activistes ainsi que leurs parents et leurs voisins, détruire des centrales électriques, affamer la population, rendre la vie des Gazaouis impossible (et leur apprendre par la même occasion où ça les mène d’avoir voté pour le Hamas).
Attaquer le Liban de tous les côtés et par tous les moyens, faire trembler le Pays du cèdre, faire fuir des centaines de milliers de Libanais sur des routes défoncées et des ponts détruits par les bombes, tuer des civils et des soldats – et même quelques miliciens du Hezbollah – en rasant des villages et des quartiers : à qui la faute si les terroristes se cachent au milieu de la population civile ?
Maintenant que leurs « surveillants » et « protecteurs » syriens ont pris quelque distance, c’est le rôle d’un voisin fort et sincère comme Israël de donner aux Libanais une bonne leçon de légalisme : qu’ils sachent – une fois pour toutes ? – ce qu’est la loi internationale ! Qu’ils comprennent le danger de ne pas respecter une résolution du Conseil de sécurité qui stipule le désarmement du Hezbollah. Car Israël est le meilleur exemple pour le respect des résolutions de l’ONU, pour la non-agression des pays voisins, pour un traitement humanitaire des populations en Palestine occupée (assez ingrates pourtant, puisqu’elles ne reconnaissent pas les bienfaits de la colonisation).
Bien sûr, le système électronique de surveillance installé autour de la bande de Gaza et le mur de séparation en Cisjordanie sont destinés à garantir la sécurité des Israéliens. Ils ne sont pas du tout dirigés contre les Palestiniens, mais contre les terroristes qui se dissimulent parmi eux.
Bien sûr, les bombardements quotidiens des villes, des routes et des villages libanais ne visent pas le peuple du Liban, mais les terroristes qui l’ont pris en otage et qui sont à la pointe de l’« axe du mal ». Chacun a compris que le Hezbollah et le Hamas sont les bras armés de la Syrie et de l’Iran, et qu’ils sont sans doute manipulés en sous-main par al Qaeda.
Ça vous rappelle peut-être les preuves américaines pour justifier la guerre contre l’Irak, mais ça n’a rien à voir, bien entendu…
Dans le cas d’Israël – petit pays démocratique entouré par des dizaines de millions d’Arabes -, qui pourrait s’opposer au nettoyage de ces bourbiers terroristes, en attendant la punition sévère de leurs protecteurs syriens et iraniens, même au prix de quelques destructions, même si quelques innocents – quelques centaines de milliers d’innocents – en souffrent ?
Pas les « amis américains » en tout cas. Pas les Européens qui ont souffert aussi du terrorisme arabo-islamique et qui, par ailleurs, n’ont pas oublié leur sentiment de culpabilité envers le peuple juif. À peine la France qui, à défaut d’exiger l’arrêt de l’agression israélienne – et l’arrêt simultané des attaques du Hezbollah -, essaie d’humaniser le conflit.
Reste l’opinion publique, notamment les associations, collectifs et individus qui, dans de nombreux pays, agissent depuis des années contre la guerre, contre l’occupation des territoires et pour un dialogue juste et constructif entre Israéliens et Palestiniens. Ce dialogue, maintes fois ébauché, maintes fois interrompu, constitue la meilleure chance d’une paix à construire. À l’opposé de la logique guerrière, nous pensons que des victoires militaires ne garantissent pas l’avenir d’Israël. Seuls un dialogue ouvert et la recherche patiente d’une cohabitation avec un véritable État palestinien permettraient aux Israéliens d’obtenir la paix avec leurs voisins arabes.
Mais nous sommes encore là, en plein conflit, dans le désarroi, comme des orphelins.
Nous autres, qui faisons partie du collectif Trop, c’est trop ! constitué en décembre 2001 à l’initiative de l’historienne Madeleine Rebérioux, nous crions aujourd’hui : « Assez ! »
Assez de cette folie guerrière, assez de cette agression abominable menée au nom d’Israël contre des Libanais et des Palestiniens, agression paranoïaque qui provoque en retour des tirs meurtriers contre des civils israéliens. Assez de ce comportement cynique qui utilise les trois soldats prisonniers comme prétexte pour régler leur compte aux partisans du Hamas et aux membres du Hezbollah, lesquels ne cessent en réalité de se renforcer par leur résistance aux attaques d’Israël. Assez de cette fuite en avant vers une conflagration hasardeuse où les États-Unis « défendraient » Israël en se lançant dans une nouvelle guerre aux conséquences incalculables contre la Syrie et l’Iran.
Assez de cette course effrénée vers l’abîme !
Pour le collectif Trop, c’est trop !
Étienne Balibar, Suzanne Citron, Stéphane Hessel, Alain Joxe, Henri Korn, Jacques Maillot, Gilles Manceron, Marie-José Mondzain, Giuseppina Russo, Abraham Ségal, Annie Ségal, Pierre Vidal-Naquet.