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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024
Cartographie : Le Soir

après le vote d’une résolution en faveur de la reconnaissance de l’Etat de Palestine

L'Assemblée nationale a adopté le 2 décembre 2014, à une large majorité (339 voix pour, 151 voix contre), une résolution en faveur de la reconnaissance de l'Etat palestinien. On ne peut que saluer l’initiative des députés français. Mais il faut également se poser la question avec Rony Brauman, ancien pré­sident de Médecins sans fron­tières (MSF) qui enseigne aujourd’hui à Sciences Po : pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps le vote d'une telle résolution ? Et, combien de temps faudra-t-il pour qu'elle soit mise en œuvre ?

Communiqué LDH

Paris, le 3 décembre 2014

Palestine-Israël : un pas dans la bonne direction

Le vote par l’Assemblée nationale française, à une large majorité, d’une résolution demandant au gouvernement de reconnaître un Etat palestinien dans les frontières de 1967, ayant Jérusalem comme capitale partagée avec Israël, est un pas dans la bonne direction.

La situation actuelle ne peut en effet durer tant elle conduit à l’affrontement permanent et à un véritable déni de vie au préjudice du peuple palestinien.

La LDH demande au gouvernement de respecter le vœu des députés et de mettre en œuvre sans délai la recommandation qui lui est ainsi adressée.

Rony Brauman : « La reconnaissance de la Palestine arrive vingt ans trop tard »

[entretien publié le 2 juillet 2014, sur L’Obs]

Les députés ont adopté, mardi 2 décembre, sans le soutien de l’opposition, une résolution socialiste sur la reconnaissance de l’Etat palestinien. Un texte non contraignant pour le gouvernement, mais qui a une portée hautement symbolique.

L’ancien président de Médecins sans frontières (MSF) Rony Brauman, auteur récemment de Pour les Palestiniens (éd. Autrement, septembre 2014), salue l’initiative des députés français. Mais il la juge malheureusement dépassée.

  • Le vote du par­lement français en faveur de la recon­nais­sance de l’Etat de Palestine va-??t-??il changer quelque chose ?

Cette recon­nais­sance est à la fois sou­hai­table et dépassée. Sou­hai­table car elle contribue à conférer une légi­timité poli­tique, celle d’une dignité éta­tique, aux Pales­ti­niens qui se battent depuis long­temps pour cela. Il est bon que l’Europe admette à son tour l’existence d’un Etat qui a déjà été reconnu par les deux tiers des pays du monde. Il est délirant de la part des Israé­liens de cri­tiquer une telle ini­tiative. Leur négo­ciation avec les Pales­ti­niens se limite aux fron­tières, à Jéru­salem, au sort des réfugiés et à la colo­ni­sation. Ce n’est pas à eux, mais à la com­mu­nauté inter­na­tionale, de recon­naître un Etat palestinien.

Mais cet objectif me paraît par ailleurs dépassé. Car les Israé­liens n’ont jamais cessé de colo­niser la Cis­jor­danie. Ce ter­ri­toire, qui devait per­mettre à deux Etats de coha­biter en paix, a été presque entiè­rement avalé par tous les gou­ver­ne­ments israé­liens suc­cessifs, à l’exception de celui de Yitzhak Rabin qui d’ailleurs en est mort. Il n’y a plus aujourd’hui d’espace viable pour un tel Etat.

On est face à une situation tra­gique : cette ini­tiative à laquelle on ne peut qu’adhérer arrive avec vingt ans de retard.

  • Si la solution à deux Etats n’est plus possible, quelle est l’alternative ?

L’alternative, c’est une sorte de statu quo inte­nable. C’est un Etat bina­tional d’apartheid. Les popu­la­tions qui vivent sur le ter­ri­toire de l’ancienne Palestine man­da­taire sont soumise à l’autorité poli­tique, juri­dique, poli­cière de la seule Israël qui n’a accordé aux Pales­ti­niens qu’une sorte de délé­gation de pouvoir municipal.

Les Israé­liens dis­posent de tous les droits d’un Etat démo­cra­tique alors que les Pales­ti­niens n’en ont aucun, puisqu’ils conti­nuent de vivre, du moins en Cis­jor­danie, sous la loi mar­tiale. Cette situation d’apartheid est insup­por­table pour ceux qui en sont les vic­times. Elle pro­voque de pro­fondes ten­sions aussi bien en Israël que dans son envi­ron­nement immédiat et lointain, à cause de l’inconfort moral, des dis­so­nances cog­ni­tives qu’elle suscite.

En raison de ces dif­fé­rents fac­teurs, on va aller vers un dépas­sement de cette situation et déboucher sur une sorte de fédé­ration ou de confé­dé­ration. Ce n’est pas à moi de dire quelle forme cette entité prendra. Je constate seulement qu’un nombre croissant d’Israéliens et de Pales­ti­niens se situent dans une pers­pective post-??nationaliste. J’espère seulement que l’on par­viendra à une telle solution par des voies paci­fiques et pas au prix d’une guerre civile.

Propos recueillis par Christophe Boltanski

Cartographie : Le Soir
Cartographie : Le Soir

La Palestine, c’est quoi ?

Le Soir, jeudi 4 décembre 2014

De quoi la Palestine est-??elle le nom ? De la dépos­session, d’abord. Entre les deux guerres mon­diales, on a « vendu » aux Juifs de la dia­spora, en proie à l’antisémitisme et en quête d’un Etat, « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Sauf qu’il y avait un peuple : celui des Pales­ti­niens. Dont l’identité nationale n’était certes pas affirmée à 100 %. Le mandat bri­tan­nique (1920?1948) et l’immigration juive vont ancrer, gal­va­niser, cette identité que seuls quelques extré­mistes osent encore nier.

D’exil forcé en défaites mili­taires arabes, les Pales­ti­niens, sous l’égide de l’Organisation de libé­ration de la Palestine, ont fina­lement accepté en 1988 de ne réclamer, pour bâtir leur Etat, que 22 % de la Palestine his­to­rique, à savoir les ter­ri­toires conquis par Israël en 1967 (Jérusalem-??Est, la Cis­jor­danie et la bande de Gaza). Mais face à la toute-??puissance mili­taire et éco­no­mique d’Israël, conforté par le soutien des Etats-??Unis et la bien­veillance de l’Europe, les Pales­ti­niens en sont réduits, depuis 1991, à négocier ce qu’ils pour­raient sauver de ces 22 %. Car Israël, pour des raisons dites de sécurité, mais souvent aussi reli­gieuses, n’entend céder que le minimum dans tous les dos­siers, comme le retour des réfugiés (c’est un « niet » israélien total, mais le droit inter­na­tional dit autre chose), le partage de Jéru­salem (idem) ou les colonies (illé­gales, elles gri­gnotent et rongent les ter­ri­toires occupés, rendant l’émergence d’un Etat pales­tinien qua­siment impos­sible à l’heure actuelle).

Malgré la radi­ca­li­sation d’une partie non négli­geable du public pales­tinien, frustré, qui entend des sirènes isla­mistes parfois extré­mistes, l’ensemble de la planète Terre s’est résolu, au XXIe siècle, à sou­tenir la création d’un Etat pales­tinien. Avec l’injustice fon­da­mentale du sort des Pales­ti­niens, de plus en plus dif­ficile à cacher, les excès israé­liens sont lar­gement res­pon­sables de cette prise de conscience : des inter­ven­tions armées aux moyens dis­pro­por­tionnés ont choqué le monde au Liban en 1982, face aux inti­fadas (révoltes) des popu­la­tions occupées (celle de 1987 et celle de 2000), puis à Gaza, en 2008 et 2014.

En l’absence de pres­sions dignes de ce nom sur l’occupant israélien, la question pales­ti­nienne conti­nuera long­temps encore à hanter les esprits.

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