Communiqué LDH
Côte d’Ivoire : la seule victoire doit être celle du respect des droits
L’arrestation de Laurent Gbagbo marque sans aucun doute un tournant dans une situation chaotique qui s’est dramatiquement aggravée depuis cinq mois.
La LDH, en Côte d’Ivoire comme partout ailleurs, considère que la garantie des droits fondamentaux et le respect de la démocratie sont les seules garanties réelles d’un avenir humain pour les personnes comme pour les peuples.
Il est à cet égard essentiel qu’au moment où un nouveau pouvoir, issu du suffrage universel puis imposé par la force, va se mettre en place à Abidjan, aucune violation massive des droits, aucun crime de guerre d’où qu’il vienne, ne reste impuni. Aucune réconciliation, aucun retour à la paix civile n’est possible sans qu’un processus d’établissement des faits, de recherche des responsabilités et de jugement des coupables soit rapidement enclenché dans des conditions d’impartialité incontestables.
Cette rupture avec le passé des uns et des autres ne sera pas chose facile, compte tenu des convoitises, des pressions extérieures et des tentations de règlements de compte. Mais c’est dans cette seule voie que la Ligue des droits de l’Homme entend affirmer sa solidarité avec le peuple ivoirien, en se plaçant dans un seul camp : celui du droit et de la justice.
Paris, le 11 avril 2011.
Communiqué de la FIDH
12 avril 2011
Côte d’Ivoire : Dignité, justice et réconciliation doivent prévaloir
après l’arrestation de Laurent Gbagbo
Paris, Abidjan, Nairobi, le 12 avril 2011 – La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et ses organisations membres en Côte d’Ivoire, la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (LIDHO) et le Mouvement ivoirien des droits Humains (MIDH) appellent le président Alassane Ouattara à traiter dignement et équitablement l’ancien président Laurent Gbagbo ; au jugement impartial de tous les auteurs des crimes perpétrés en Côte d’Ivoire ; et à mener, comme il l’a annoncé, la réconciliation de tous les ivoiriens.
Le refus du candidat Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir en dépit des résultats du vote des ivoiriens au second tour de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010 a plongé le pays dans une grave crise politique transformée ces dernières semaines en guerre civile.
Le bilan des affrontements qui ont mené à l’arrestation, le 11 avril 2011, de Laurent Gbagbo, des membres de sa famille et de son entourage, est lourd. Plus d’un millier de personnes ont été sommairement exécutés. Des civils ont
été tués par des bombardements et des tirs indiscriminés des belligérants. La population a vécu dans la peur subissant des actes de pillages, la pénurie en vivres, en médicaments et le déplacement forcé pour des centaines de
milliers d’entre eux. Ces graves violations des droits de l’Homme ont été le fait des éléments armés des deux camps en conflit et leur responsabilité devra être établi.
Le président Outtara a annoncé l’ouverture d’une procédure judiciaire contre Laurent Gbagbo, des membres de sa famille et de son entourage. Selon la FIDH, la LIDHO et le MIDH, ces procédures devront être exemplaires,
conformes au droit à un procès équitable garanti par les instruments internationaux de protection des droits de l’Homme ratifiés par la Côte d’ivoire.
Pour nos organisations, l’indépendance de la justice ivoirienne sera également jugée à l’aune des poursuites qu’elle engagera aussi à l’encontre des éléments des forces armées pro Ouattara suspectées des crimes les plus graves.
Elle pourra notamment se baser sur les faits établis par la Commission nationale d’enquête et la Commission internationale d’enquête du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies qui doivent engager leurs travaux dans
les plus brefs délais. En cas d’absence de volonté des autorités judiciaires ivoiriennes de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves, la Cour pénale internationale (CPI) aura à se prononcer sur l’ouverture d’une enquête.
« C’est en premier lieu à la justice nationale ivoirienne de juger les auteurs des crimes commis en Côte d’Ivoire, pour autant, le président Ouattara devrait ratifier le statut de la CPI comme une garantie pour le présent et pour l’avenir » a déclaré Sidiki KABA, président d’honneur de la FIDH.
A la lutte contre l’impunité, essentielle pour la construction d’une paix durable dans le pays, les autorités élues de Côte d’Ivoire devront s’atteler à la réconciliation d’un pays déchiré par dix années d’instabilité politique et militaire aux relents ethniques et religieux. L’appel au calme, à la retenue, à l’absence de vengeance et la mise en place d’une commission vérité et réconciliation annoncés par le président Ouattara constituent des signes encourageant mais
devront être suivis par des actes concrets. La protection des droits de l’Homme et le développement économique auxquels les populations ivoiriennes aspirent, participeront également à la réunion du peuple ivoirien.
Enfin, la FIDH, le MIDH et la LIDHO estiment que les graves violations des droits humains commises ces derniers mois doivent faire réfléchir les instances intergouvernementales régionales et internationales, telles l’Union africaine
et l’ONU, incapables de trouver une issue négociée à la crise en Côte d’Ivoire et de protéger la population civile.
L’opération des Nations unies en Côte d’Ivoire aurait dû avoir les moyens de son mandat évitant ainsi l’intervention supplétive de la Force Licorne et son corolaire de ressentiments contre l’ancienne puissance coloniale.
« Les droits de l’Homme pour tous doivent être le sens de la politique menée par les autorités ivoiriennes sous peine de voir ce pays replonger dans la douleur », a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.