NON À UN HOMMAGE OFFICIEL AU GÉNÉRAL BIGEARD
De son vivant, le général Bigeard a toujours bénéficié de l’admiration des forces politiques les plus réactionnaires et de leur soutien actif. Et voici qu’une année après sa mort, il est de nouveau utilisé pour une manœuvre politicienne, orchestrée par le ministre de la Défense, dont le passé d’extrême droite est connu : le transfert aux Invalides de ses cendres.
Cette initiative est doublement pernicieuse.
D’une part, il y a une certaine indécence à mettre Bigeard au rang d’autres grands militaires qui y reposent, parfois depuis des siècles. On peut avoir des analyses critiques sur tel ou tel d’entre eux, mais beaucoup mirent leur génie au service de la défense du territoire français.
D’autre part, et surtout, une telle initiative serait une insulte à divers peuples qui acquirent au prix fort, naguère, leur indépendance. Ces pays sont libres depuis des décennies, ils ont le plus souvent des relations cordiales avec le nôtre. A-t-on pensé un instant quel signal le gouvernement français s’apprête à leur envoyer ? Est-ce du mépris à l’état pur ou de l’inconscience ?
On nous présente cet officier comme un héros des temps modernes, un modèle d’abnégation et de courage. Or, il a été un acteur de premier plan des guerres coloniales, un « baroudeur » sans principes, utilisant des méthodes souvent ignobles. En Indochine et en Algérie, il a laissé aux peuples, aux patriotes qu’il a combattus, aux prisonniers qu’il a « interrogés », de douloureux souvenirs. Aujourd’hui encore, dans bien des familles vietnamiennes et algériennes, qui pleurent toujours leurs morts, ou dont certains membres portent encore dans leur chair les plaies du passé, le nom de Bigeard sonne comme synonyme des pratiques les plus détestables de l’armée française.
Nous n’acceptons pas que la notion d’héroïsme soit liée à l’histoire de cet homme. Lors des guerres coloniales conduites par la France, les vrais héros étaient ceux qui, dans les pays colonisés, luttaient pour la liberté et l’indépendance de leurs peuples, ceux qui, en métropole, ont eu la lucidité de dénoncer ces conflits, si manifestement contraires au droit international, au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à l’intérêt même de la nation française.
L’objectif aurait été de réveiller les guerres mémorielles que les manipulateurs à l’origine de cette initiative ne s’y seraient pas pris autrement.
Nous exigeons que le gouvernement français renonce à cette initiative historiquement infondée, politiquement dangereuse et humainement scandaleuse.
Premiers signataires :
Salah AMOKRANE (Militant associatif),
Mouloud AOUNIT (Président d’honneur du mrap),
Raymond AUBRAC,
Josette AUDIN,
Sami BOUMENDJEL,
Patrick CHAMOISEAU (Écrivain),
Didier DEANINCKX (Écrivain),
François GÈZE (Éditeur),
Mohammed HARBI (Historien),
Pierre LAURENT (Secrétaire national du pcf),
Anicet LE PORS (Ancien ministre),
Alban LIECHTI (Soldat du refus),
Noël MAMÈRE (Député europe Écologie les verts),
Rosa MOUSSAOUI (Journaliste),
André NOUSCHI (historien, Professeur honoraire de l’université),
André ROCH (Officier d’active en retraite),
Alain RUSCIO (Historien),
Pierre TARTAKOWSKY (Président de la ldh),
Sylvie THÉNAULT (Historienne),
Raphaël VAHÉ (Président de l’arac),
Françoise VERGÈS (Politologue)