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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

Annulation de l’exposition Albert Camus à Aix-en-Provence

2013, année de la capitale européenne de la culture et année du centenaire de la naissance d'Albert Camus... Hélas, Mediapart nous révèle que l'exposition Albert Camus, l'étranger qui nous ressemble qui aurait pu être un événement marquant de Marseille Provence 2013 (MP2013) vient d'être annulée. La fille de l'écrivain qui gère son oeuvre d'une part, MP2013 et la mairie d'Aix-en-Provence - qui devait accueillir l'événement à la Cité du livre - d'autre part, nient toute considération politique, évoquant des difficultés autour du fonds d'archives. Mais du côté de l'opposition de la maire UMP, comme François-Xavier de Peretti (Modem), on note que "ce n’était pas le Camus qui plaît aux nostalgiques de l’OAS (Organisation armée secrète) et à la frange dure de l’électorat pieds-noirs qui vote Maryse Joissains". D'autant plus que l'organisation en était confiée à l'historien Benjamin Stora, spécialiste reconnu de l'histoire de l'Algérie contemporaine, mais fréquemment critiqué par les nostalgiques de l'“Algérie française”, noyau dur de l'électorat de la maire d'Aix-en-Provence. Quoi qu'il en soit, comme l'explique Louise Fessard dans l'article ci-dessous, on ne peut que regretter cette annulation qui prive Marseille Provence 2013 d'un « projet conçu comme un signal fort vers l’autre bord de la Méditerranée» et vers la jeunesse d'origine algérienne de Marseille.

L’exposition Albert Camus à Aix-en-Provence annulée
un cas de censure ?

par Louise Fessard, Mediapart (abonnés), le 11 mai 2012

La grande exposition Albert Camus, l’étranger qui nous ressemble qui devait se dérouler à Aix-en-Provence à l’automne 2013 pour le centenaire de la naissance de l’écrivain, vient d’être annulée. Conçue par l’historien Benjamin Stora et le documentariste Jean-Baptiste Péretié, ce devait pourtant être l’une des expositions phare de la capitale européenne de la culture Marseille Provence 2013. En janvier dernier encore, l’avant-programme de MP2013 présenté en grande pompe à Marseille, annonçait une exposition visant « à faire découvrir l’écrivain et à approfondir la connaissance de l’homme […] romancier, dramaturge, essayiste, journaliste ».

Censure envers un historien, né à Constantine, qui a consacré tout son travail à l’Algérie, aux guerres de décolonisation et à l’immigration maghrébine ? L’association Marseille Provence 2013, qui a pris la décision, il y a quelques jours, d’annuler l’exposition, et la Ville d’Aix-en-Provence, qui devait l’accueillir dans sa Cité du livre, pointent au contraire une fin de non-recevoir de Catherine Camus, qui gère l’œuvre et les archives de son père depuis 1980. « C’est une position personnelle de sa part, affirme-t-on à la direction de la culture d’Aix-en-Provence. Le scénario de l’exposition était écrit en se basant sur des pièces du fonds Albert Camus, dont Catherine Camus détient les droits moraux. À partir du moment où elle ne met pas à disposition ces pièces, l’exposition ne peut avoir lieu. »

Contactée, Catherine Camus, qui avait validé en 2011 le scénario très détaillé de l’exposition, leur renvoie la balle. « C’est faux, répond-t-elle. J’étais dans une difficulté insurmontable, ça fait un an que j’attends pour avoir au moins un axe de direction de l’exposition et savoir ce dont je peux disposer ou non dans le fonds pour pouvoir répondre aux autres demandes reçues. » Catherine Camus affirme n’avoir reçu que fin avril 2012 la liste exhaustive des pièces demandées par MP2013 pour l’exposition. « C’était beaucoup trop large, sans axe directeur, dit-elle. Cela équivalait à transformer le fonds d’archives en un supermarché, entièrement à leur disposition. Donc je leur ai dit que je ne pouvais plus continuer comme ça, et leur réponse a été d’annuler. » L’exposition de Benjamin Stora tombée à l’eau, aucune autre n’est pourtant prévue au plan national pour le centenaire de la naissance d’Albert Camus.

François-Xavier de Peretti, ancien adjoint à la culture de la députée-maire d’Aix-en-Provence Maryse Joissains (UMP), passé à l’opposition, n’est pas vraiment surpris. Selon lui, dès le dépôt, en septembre 2010, des 54 pages scénario de l’exposition, l’équipe municipale « n’avait pas eu l’air d’accrocher ». « Le projet de l’exposition montrait entre autres l’engagement d’Albert Camus contre le régime franquiste, dans la résistance, contre la peine de mort, lors de la Guerre d’Algérie, autant de thèmes pas du tout dans la ligne politique de la Ville, explique cet élu MoDem. Ce n’était pas le Camus qui plaît aux nostalgiques de l’OAS (Organisation armée secrète) et à la frange dure de l’électorat pieds-noirs qui vote Maryse Joissains. »

La députée-maire, qui s’est encore récemment illustrée par sa sortie sur l’illégitimité de François Hollande à la présidence de la République, n’a jamais caché sa sympathie pour les nostalgiques de l’Algérie française. Comme le rappelait le mensuel satirique le Ravi dans un récent dossier sur la Nostalgérie, Aix-en-Provence accueille la plus grande maison des rapatriés de la région Provence Alpes Côtes d’Azur, la Maison Maréchal-Juin. Ce sympathique équipement municipal héberge de nombreuses associations proches de l’extrême droite, dont les pro-OAS de l’Adimad (Association pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus de l’Algérie française). C’est d’ailleurs à la Maison Maréchal-Juin, à l’occasion des vœux au Collectif aixois des Rapatriés, que Maryse Joissains avait déclaré en janvier 2012 que « les Accords d’Evian ont été une véritable honte ». Quelques mois auparavant, elle comparait le général de Gaulle à Pétain, « deux héros nationaux qui auraient ensuite suivi le même destin de traîtres à la patrie ».

De son côté, Catherine Camus dément toute pression de l’équipe municipale. « Ça n’a rien de politique », affirme-t-elle. Même discours du côté de la mairie. « Nous avons travaillé sur cette exposition, nous ne nous amuserions pas à perdre du temps ainsi ! », explique-t-on à la direction de la culture d’Aix-en-Provence. Pour François-Xavier de Peretti, cette annulation est en tout cas « une catastrophe pour la Ville, qui ne tient pas du tout l’engagement intellectuel et moral qui avait été le sien à l’égard de l’écrivain ». En 2000, le maire socialiste de l’époque, Jean-François Picheral, avait signé une convention de dépôt des archives d’Albert Camus,« plus de 100 cartons d’archives et 1 200 imprimés », selon le site du centre Albert Camus, hébergés à la Cité du livre.

Dommage aussi pour Marseille Provence 2013, dont l’un des grands axes porte sur le « dialogue des cultures entre l’Europe et la Méditerranée ». La capitale européenne de la culture vient de perdre un projet conçu comme un signal fort vers l’autre bord de la Méditerranée et les Algériens de Marseille. Et ces projets n’étaient pas si nombreux…

Louise Fessard

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