Communiqué de la Fidh
Les condamnations de défenseurs des droits de l’Homme à des peines de prison avec sursis se multiplient1
Le 10 octobre 2012
Paris-Genève, 10 octobre 2012 – L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), saluent la libération de M. Yacine Zaïd mais s’inquiètent de sa condamnation à une peine de prison avec sursis prononcée sur la base d’accusations infondées. Nous appelons une fois de plus les autorités algériennes à mettre un terme au harcèlement judiciaire des défenseurs des droits de l’Homme.
Le 8 octobre 2012, le Tribunal de Ouargla a libéré M. Yacine Zaïd, syndicaliste, blogueur et président de la section de Laghouat de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH), après l’avoir condamné à six mois de prison avec sursis et à une amende de 10 000 dinars (environ 95 euros) pour « outrage et agression contre agent de la force publique » (articles 144 et 148 du Code pénal). M. Yacine Zaïd aura ainsi passé une semaine en détention provisoire.
M. Yacine Zaïd, qui se trouvait alors dans un bus, avait été arrêté le 1er octobre lors d’un contrôle d’identité effectué à une dizaine de kilomètres de l’entrée de la ville de Hassi Messaoud (à 800 km au sud d’Alger). Conduit à l’intérieur d’un poste de police, les policiers lui auraient affirmé qu’il était recherché, avant de le malmener, menacer, insulter et gifler. M. Yacine Zaïd a ensuite été accusé d’avoir voulu frapper un des policiers.
Les avocats de M. Zaïd vont faire appel de ce jugement et se pourvoir en cassation devant la Cour suprême dans le cas où la peine serait confirmée, afin d’empêcher que cette condamnation ne devienne définitive et ne soit exécutée.
L’Observatoire dénonce vivement le caractère arbitraire de l’arrestation, la détention préventive et la condamnation de M. Zaïd, en ce qu’elles ne visent qu’à l’intimider et le punir en raison de ses activités de défense des droits de l’Homme. L’Observatoire s’inquiète de la multiplication de tels actes de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme en Algérie. Ainsi, par exemple, un autre défenseur des droits de l’homme, M. Abdelkader Kherba, membre du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC) et de la LADDH, avait, lui aussi, été condamné le 3 mai dernier à un an de prison avec sursis sur la base d’accusations fallacieuses.
« L’arrestation, détention préventive et condamnation à une peine de prison avec sursis démontrent l’existence d’une politique de répression qui tend à se systématiser à l’encontre des défenseurs », a souligné Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.
« Il est inacceptable que les autorités algériennes bafouent de manière si flagrante les droits élémentaires des défenseurs des droits de l’Homme. Leur harcèlement sous toutes ses formes doit cesser », a également rappelé Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT.
Pour plus d’information, contacter :
– FIDH : Arthur Manet / Audrey Couprie : + 33 (0) 1 43 55 25 18
– OMCT : Isabelle Scherer : +41 (0) 22 809 49 39
Militants des droits de l’homme en Algérie : la rafle du pouvoir
Ils s’appellent Yacine Zaïd, Abdelkader Kherba, Belkacem Rachedi, Abdallah Benaoum, Mohamed Smaïn, Djamal Affar, Nassima Guettal, Malika Fallil, Tahar Belabbes. Membres d’associations des droits de l’homme dans différentes régions du pays, ils ont été victimes, certains plus que d’autres, de harcèlements policiers, de cabales judiciaires et d’emprisonnement arbitraire. Cette rafle a été menée tout au long de l’année des réformes du Chef de l’Etat, de la tenue des législatives et des nouvelles mesures socio-économiques prônées par le gouvernement Sellal.
Mohamed Smaïn, harcelé par la justice pour avoir révélé à la presse le massacre de Relizane en 1997
La machine répressive du pouvoir s’est donc mise en branle pour bâillonner toute revendication des libertés citoyennes, des chômeurs, de la liberté de la presse et d’opinion au moment où les autorités algériennes multiplient des discours dithyrambiques sur les droits de l’homme dont il a fait le slogan de la campagne des législatives de 10 mai. Pas moins d’une dizaine de militants d’associations des droits de l’homme, notamment de la Ligue algérienne de la défense des droits de l’homme (LADDH) ont été harcelés, arrêtés dans la rue, emmenés vers des destinations inconnues, condamnés par la justice et jetés en prison pour leur activité au sein des associations de la société civile.
Un rappel des faits s’impose pour mesurer la teneur de la répression policière qui s’est abattue sur ces militantes et militants et menée coup sur coup, dans la plus complète impunité, derrière la façade enjolivée des mesures politiques du chef de l’Etat.
En dépit d’une large mobilisation sur les réseaux sociaux et de sit-in pour dénoncer l’arbitraire dont il a été victime, le militant des droits de l’Homme, Yacine Zaïd, accusé d' »outrage à des agents de police », a été condamné lundi dernier à six mois de prison avec sursis, par un tribunal de Ouargla (800 km au sud d’Alger).
Abdelakder Kherba, militant de la LADDH, arrêté en avril dernier lors d’une manifestation de greffiers devant le palais de justice à Alger, a été jugé pour «incitation à l’attroupement» et condamné à un an de prison avec sursis. L’affaire de Belkacem Rachedi, membre actif du Collectif des familles de disparus fait grand bruit à Relizane. Les faits pour lesquels il a été accusé, emprisonné, blanchi et condamné une nouvelle fois, relèvent d’un traquenard policier. Blanchi le 10 juillet dernier par le tribunal de Relizane de l’accusation dans une affaire de délit de fuite dont les preuves se révèleront par la suite fausses, de l’aveu même de la vctime percutée par une voiture dont le conducteur a pris la fuite. Abdelkader Kherba a comparu ce lundi devant la cour de justice de Relizane, suite à l’appel interjeté par le parquet suite à son acqittement le 10 juillet dernier. Le Collectif des familles de disparus d’Algérie (CFDA) a réagi au nouveau procès intenté à Rachedi. Il considère que “Rachedi est victime d’une machination visant à sanctionner son rôle de défenseur des droits de l’Homme. Il a été à tort accusé d’avoir commis un délit de fuite sur la base d’une source non crédible tandis que la victime même nie son implication. Confronté à un dossier judiciaire contenant de nombreuses contradictions et n’incluant aucune preuve matérielle, le tribunal de Relizane a acquitté Belkacem Rachedi le 10 juillet 2012”, mais “le procureur a décidé de faire appel de ce jugement, obligeant M. Rachedi à comparaître devant la cour d’appel de Relizane ce dimanche 7 octobre”. La cour de Relizane n’a pas encore statué sur son sort.
Un autre militant de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (Laddh) et membre du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC), Abdelkader Kherba, a été acquitté par le tribunal de Ksar El Boukhari après une cabale judiciaire. Le 4 septembre dernier, le procureur de la République près le tribunal de Ksar El Boukhari avait requis une année de prison. Ce dernier a été arrêté le 20 août dernier par la police à Ksar El Boukhari, dans la wilaya de Médéa, lors d’une manifestation contre les coupures d’eau. Abdelkader Kherba avait immédiatement entamé une grève de la faim pour protester contre sa détention.
A Oued Rhiou (wilaya de Relizane) début juin 2012, dès après la tenue des élections législatives, Abdallah Benaoum a été arrêté par la police à l’intérieur du tribunal de Oued Rhiou ou il assistait au procès des jeunes de la ville, eux mêmes arrêtés quelques jours plus tôt pour un rassemblement pacifique dans leur ville pour protester contre le chômage. Présent lors de ce rassemblement, Abdallah Benaoum a filmé la protesta en donnant la parole aux manifestants. Il avait ensuite mis la vidéo sur Internet et est intervenu sur la chaîne de télévision Almagharibya pour commenter ce rassemblement.
Le cas de Mohamed Smaïn, défenseur des droits de l’Homme et ancien responsable de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) à Relizane a été la victime emblématique de la concorde civile qui a imposé l’ormeta sur les massacres du terrorisme islamiste. Son drame est d’avoir alerté la presse sur les massacres de Had Chekala perpétré en 1997 ayant fait un millier de morts et dont les charniers ont été révélés par les inondations occasionnées par des pluies diluviennnes. Du 3 février 2001 au 19 juin 2012, soit onze années, M. Mohamed Smaïn a subi toutes les pressions, les affronts et les affres des « geôles d’Alger » avant d’être grâcié par le président de la République.
A l’issue de sa visite en septembre dernier en Algérie le Haut commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Navy Pillay, avait fait état de « certaines restrictions » imposées à des organisations de la société civile, afin d’éviter les manifestations. « Certains membres de la société civile sont aussi fréquemment harcelés, intimidés et arrêtés arbitrairement par les forces de sécurité et ne bénéficient pas d’une protection suffisante contre ces pratiques abusives », avait-elle dit.
Récemment, lors du débat parlementaire du plan d’action du gouvernement Sellal, Farouk Ksentini, le président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l’homme (CNCPPDH), a déclaré que les droits de l’homme en Algérie « s’améliorent chaque année » !