Un communiqué du Remdh
ALGERIE : Multiplication des actes de harcèlement judiciaire contre les défenseurs des droits de l’Homme et les syndicalistes autonomes
[Copenhague, 12 juillet 2011] – Le REMDH condamne la recrudescence des actes de harcèlement judiciaire contre les syndicalistes et les défenseurs de droits de l’Homme en raison de leur activité militante en Algérie.
Mardi 12 juillet, Omar Farouk Slimani, étudiant et membre du bureau de la section de Laghouat de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), comparaitra devant le Tribunal de première instance de Laghouat (350km au sud d’Alger) avec vingt autres jeunes arrêtés en janvier dernier au cours de marches de protestation. L’audience a déjà été reportée trois fois1.
Ces jeunes militants sont accusés de «délit d’attroupement non armé», «agression avec violence sur les agents de la force publique» sur la base des articles 98 et 148 du Code pénal, délit passible d’une peine de 5 années de prison ferme. Lors des manifestations début janvier 2011, ils avaient été arrêtés pour un contrôle de la gendarmerie nationale et retenus 48 heures en garde à vue avant d’être présentés devant le juge d’instruction. Cette audience intervient malgré les déclarations du président de la République en février dernier concernant l’abandon des poursuites judiciaires contre les manifestants pacifiques arrêtés.
De nombreux membres de la LADDH font face à une série de poursuites judiciaires, comme Hassan Bouras, journaliste et membre du Comité directeur de la LADDH poursuivi dans plusieurs affaires depuis 2003, ou Me Naamane Daghbouche, avocat à la Cour de Oum el Bouaghi (Est de l’Algérie) et membre du conseil national de la LADDH, confronté depuis 2007 à une longue série de procès.
Si ces procès débouchent souvent sur un acquittement, ils empêchent les militants de jouer pleinement leur rôle en les contraignant à se consacrer à la préparation de leur défense. Le 31 mai dernier, Kamel Eddine Fekhar, membre du Conseil national de la LADDH et de la section de la LADDH à Ghardaïa (700 km au sud d’Alger), a été acquitté par la Cour criminelle de Ghardaïa alors qu’il était poursuivi pour «incitation à mettre le feu à une voiture de police», sur la base des articles 41, 396 et 396 bis du Code pénal et risquait une peine de réclusion à perpétuité. Cette décision est intervenue suite à la rétraction de témoins qui ont indiqué avoir subi des pressions pour déposer des témoignages à charge.
De même, Yacine Zaid, syndicaliste président du bureau de la LADDH de Laghouat basé à Hassi Messaoud (Sud de l’Algérie), licencié par son employeur après avoir créé une section syndicale, est aujourd’hui poursuivi en justice pour « diffamation et menace sur Internet » sans que des preuves concrètes ne soient présentées à sa charge.
Le REMDH a également été informé de poursuites judiciaires abusives contre des syndicalistes indépendants du Syndicat National Autonome des Personnels de la Fonction Publique (SNAPAP), ayant appelé à la grève ou à la création d’une section syndicale, comme Mohamed Hadji, licencié de l’emploi qu’il occupait à la commune de Chlef, laquelle refuse encore aujourd’hui d’appliquer la décision de justice ordonnant la réintégration à son poste, et Sadek Sadou, fonctionnaire à la wilaya de Béjaia, poursuivi dans le cadre de six affaires depuis 2007 pour «diffamation et usurpation de la qualité de syndicaliste». De même, Mourad Tchiko, secrétaire national du SNAPAP, acquitté en 2011 dans une affaire de diffamation, reste poursuivi dans cinq autres affaires pour «incitation à l’attroupement et entrave au fonctionnement de l’établissement» et «diffamation et usurpation de la qualité de syndicaliste». Du fait de ces nombreuses procédures, Mourad Tchiko n’arrive pas à obtenir un passeport, l’administration ayant refusé sa demande de renouvellement depuis aout 2010.
Le REMDH exprime sa solidarité avec les syndicalistes et défenseurs de droits de l’Homme visés par des procédures judiciaires qui semblent avoir pour objet de réduire au silence les voix critiques, et appelle les autorités algériennes à mettre en œuvre les dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme des Nations Unies (1998), notamment l’article 12 qui reconnait «le droit de participer à des activités pacifiques pour lutter contre les violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales» et qui établit pour les Etats une obligation de protéger les défenseurs de: «toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire ».
Le REMDH demande en particulier aux autorités algériennes de :
- mettre un terme aux actes de harcèlement des défenseurs de droits de l’Homme, des syndicalistes indépendants et des manifestants pacifiques, y compris par l’abandon immédiat des procédures judiciaires arbitraires engagées contre eux
- respecter le droit des citoyens algériens de se rassembler et de manifester pacifiquement
- engager un véritable processus participatif, transparent et inclusif pour des réformes démocratiques profondes avec la participation de l’ensemble des organisations indépendantes de la société civile.
Le REMDH demande par ailleurs à l’Union Européenne de :
- mettre en œuvre les Lignes directrices de l’UE sur les défenseurs des droits de l’Homme afin d’apporter un soutien urgent et visible aux défenseurs des droits de l’Homme, notamment en assistant à leurs procès
- consulter systématiquement les ONG de défense des droits de l’Homme et les syndicats autonomes afin de définir les objectifs relatifs à la promotion et à la protection des droits de l’Homme dans le cadre des relations UE-Algérie et d’évaluer la situation des droits de l’Homme en Algérie.