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El Watan, 23 janvier 2011

Alger : manifestation pour la démocratie sévèrement réprimée par la police

La manifestation pour la démocratie à l'appel du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), interdite par les autorités algériennes, a été brutalement empêchée par la police hier dans le centre d'Alger. Saïd Sadi, président du RCD, a fait état de 42 blessés parmi ses partisans ainsi que de nombreuses interpellations. Ci-dessous l'éditorial d'El Watan de ce jour, suivi du point de la situation publié le 22 janvier à 17h07 sur le site LeMonde.fr, puis d'un commentaire de TSA1.
El Watan, 23 janvier 2011
El Watan, 23 janvier 2011

La mise à nu

El Watan, éditorial, 23 janvier 2011

Le roi est nu et il ne craint pas le pouvoir de l’image. Celles d’hier sont plus éloquentes que toutes les déclarations de protestation que ne manquera pas de susciter l’opération de répression ayant eu lieu à Alger. Des centaines de policiers entourant, bouclier au bras, le siège d’un parti d’opposition coupable de vouloir organiser une marche populaire. Les responsables et les militants du RCD qui apparaissaient, hier, au balcon du siège de leur parti, comme derrière les barreaux, étaient de fait jetés dans une prison improvisée, mis en quarantaine. L’Etat ne veut pas d’eux en dehors de leurs bureaux. Par ce déploiement irraisonné de la force publique, les autorités ont réussi à dresser le portrait, jusqu’à la caricature, d’un Etat policier dans toute sa splendeur et son diktat. L’espace public a été confisqué, la liberté de circulation abolie, le droit de manifester enterré.

Cette descente policière tentaculaire, appuyée par hélicoptère, a été mise en branle pour empêcher une marche pacifique moins d’une quinzaine de jours après les déclarations des plus hautes autorités du pays appelant les jeunes à se détourner des manifestations violentes et à s’exprimer dans un cadre organisé. Ainsi, on appelle la société à un mode d’expression organisé et on combat, au même moment, avec des moyens implacables, toutes les structures et organisations qui se risqueraient à accompagner sur le terrain les revendications sociales et politiques de la population.
Le pouvoir souffle le chaud plutôt que le froid ; il s’emploie à réunir les conditions d’une explosion sociale plutôt que de faire entrevoir des perspectives d’ouverture, de faire naître un espoir de sortir de l’ère de la glaciation et du verrouillage tous azimuts.
La main de fer d’hier, sans gant de velours, n’aura pour finalité que de convaincre les derniers sceptiques que nous ne vivons décidément pas dans un Etat de droit.

Dans l’Algérie officielle, il ne s’est rien passé hier. Le JT de 13h de la télévision nationale a ouvert sur un sujet détaillant le programme d’habitat rural dans une wilaya du Sud-Est. Le régime algérien demeure le mauvais élève de l’histoire immédiate. Chez nos voisins tunisiens, le règne de Ben Ali était un long fleuve tranquille, jusqu’au jour où un jeune marchand ambulant, persécuté par la police, concentre en lui toute la colère d’un peuple. Le pouvoir algérien n’est pas disposé à tirer les leçons de la révolte en Tunisie,
il est même tenté de relayer les méthodes de son régime déchu.

Djaffar Tamani

Algérie : malgré une manifestation avortée,

l’opposition hausse le ton

[LEMONDE.FR avec AFP 22.01.11 12h37, mis à jour à 17h07]

Plusieurs personnes ont été blessées samedi 22 janvier à Alger lors de heurts entre les forces de l’ordre et un petit nombre de partisans de l’opposition qui tentaient de se rendre à une manifestation interdite par le pouvoir.

Les partisans du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) se sont dispersés, samedi 22 janvier, après avoir été bloqués durant six heures par un cordon policier devant le siège du parti à Alger, mais le président du RCD, Saïd Sadi, a déploré 42 partisans blessés, dont le chef du groupe parlementaire du RCD, Othmane Amazouz. « Il y a eu 42 blessés, deux deux grièvement. Tous ont été hospitalisés », a déclaré M. Sadi, précisant qu' »il y a eu également de nombreuses interpellations » parmi les manifestants.

Des heurts ont opposé devant le siège de cette formation quelque 300 personnes à plusieurs dizaines de policiers équipés de matraques, grenades lacrymogènes et boucliers en plexiglas. Sept policiers ont par ailleurs été blessés, dont deux sont dans un état grave, selon l’agence de presse APS.La police a pour sa part annoncé cinq interpellations.

Le quotidien arabophone Ennahar a par ailleurs affirmé que son photographe chargé de couvrir la manifestation avait « été grièvement blessé à la tête et à l’épaule (…) après avoir reçu une chaise lancé par un partisan du RCD depuis une fenêtre du premier étage du siège de ce parti ».

Contre-manifestation

« On a décidé de lever la protestation et se préparer pour les prochaines manifestations. De plus le pouvoir a envoyé des provocateurs qui scandaient le nom de Bouteflika », a expliqué Mohamed Khendek, député RCD. Peu avant la fin de la manifestation, une trentaine de jeunes ont en effet improvisé une contre-manifestation en face du siège du RCD en criant « Bouteflika, Bouteflika » et en scandant des slogans hostiles au président de ce parti, Saïd Sadi. Ces manifestants ont été dipersés par les brigades anti-émeutes de la police qui ont également allégé le dispositif policier autour du siège du RCD.

Les autorités d’Alger avaient interdit cette « manifestation pour la démocratie », en vertu de l’état d’urgence en vigueur depuis 1992, mais le RCD l’avait maintenue. Ses partisans devaient partir de la Place de la Concorde, ex-place du 1er-Mai, vers le siège de l’Assemblée nationale populaire.

Risques d’explosion sociale

« Le fait d’interdire des marches pacifiques encadrés par des partis et la société civile, c’est pousser à une explosion », a averti samedi le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), Mostefa Bouchachi. « Il y a trois semaines, les autorités disaient que les jeunes émeutiers pouvaient revendiquer de manière pacifique et lorsqu’un parti politique veut faire une marche on la lui interdit », s’est insurgé M. Bouchachi. Les émeutes du 4 au 9 janvier, essentiellement menées par des jeunes contre la cherté de la vie, ont fait cinq morts, plus de 800 blessés et d’importants dégâts matériels dans plusieurs villes du pays.

Vendredi, la LADDH, quatre syndicats autonomes, le RCD et l’autre parti d’opposition Front des forces socialistes (FFS de Hocine Aït Ahmed), avaient annoncé la création d' »une coordination nationale pour la démocratie ». Ouverte à d’autres personnalités, elle devrait se réunir à nouveau vendredi prochain pour discuter de la « préparation de la marche du 9 février », date anniversaire de la proclamation de l’état d’urgence en Algérie en 1992, afin d’en demander la levée, a indiqué M. Bouchachi. Selon un communiqué envoyé samedi après-midi, le FFS ne devrait toutefois pas s’associer à cette marche.

La marche du RCD s’est transformée en rassemblement

Un échec et des interrogations

La marche du RCD à Alger n’a pas eu lieu. Les militants et sympathisants du parti de Said Sadi ont été forcés à tenir un rassemblement devant le siège du RCD, rue Didouche Mourad, au centre?ville de la capitale. La police antiémeute, fortement présente, a empêché les manifestants de rejoindre la place du 1er Mai, d’où la marche devait commencer. Les tentatives, par des groupes de jeunes, de percer le dispositif de sécurité mis en place dès les premières heures de la matinée ont été repoussées par les policiers.

Les affrontements ont fait 42 blessés parmi les manifestants. La police a fait usage de matraques et de boucliers pour contenir la petite foule –environ 500 manifestants– qui a répondu à l’appel du RCD. On s’attendait au déferlement de milliers de personnes dans les rues d’Alger, on a eu des centaines de militants incapables de quitter le siège du parti. Le dispositif de sécurité mis en place n’explique pas à lui seul l’échec de cette marche. Il était prévisible que la police soit présente en force dans la capitale parce que la marche n’était pas autorisée.

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Hamid Guemache, TSA

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