Discours de François Hollande (1e partie)
Monsieur le Président du Conseil de la Nation,
Monsieur le Président de l’Assemblée populaire nationale,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires.
Vous me faites grand honneur en me recevant ici, en m’accueillant, comme le peuple algérien l’a fait hier. Je mesure l’importance de l’événement, mais aussi la grandeur de l’enjeu ouvrir un nouvel âge dans la relation entre la France et l’Algérie. Ma visite vient dans un moment chargé de sens et de symboles, il y a cinquante ans, l’Algérie accédait à l’indépendance, elle s’arrachait à la France, après une guerre longue de huit ans.
Elle devenait la République algérienne libre et souveraine. Elle conquérait ce droit, ce droit inaliénable, ce droit de pouvoir disposer pour un peuple de lui-même. Cinquante ans, c’est court à l’échelle de l’histoire, et pourtant, quel chemin a été parcouru par l’Algérie depuis 1962. L’Algérie est aujourd’hui un pays respecté sur la scène internationale, qui compte, qui pèse, l’Algérie est un pays dynamique, dont les ressources sont considérables, dont l’économie est en développement, et je mesure ces étapes chaque fois que je viens en Algérie, depuis 1978, lorsque jeune fonctionnaire français, j’étais pour huit mois à l’ambassade de France à Alger.
L’Algérie est un pays jeune, dont la moitié de la population a moins de 26 ans, et donc plein de promesses, l’Algérie est un pays courageux, il l’a prouvé dans son histoire, il l’a prouvé encore plus récemment face à l’épreuve terroriste qu’il a traversée – ce pays – avec dignité et unité. A cette Algérie, fière de son passé, consciente de ses forces, la France, à travers moi, adresse des vœux de prospérité et de réussite.
Mais la question qui est posée à nos deux pays, l’Algérie et la France, elle est simple, elle est grave : sommes-nous capables d’écrire ensemble une nouvelle page de notre histoire ? Je le crois. Je le souhaite. Je le veux. Nous ne partons pas d’ailleurs de rien, puisque nous pouvons nous appuyer sur les liens humains que vous avez rappelés, Monsieur le Président, linguistiques, je parle une langue, le français, que vous connaissez et que vous parlez, des liens économiques, qui unissent aussi nos deux pays.
Mais cette amitié, pour vivre, pour se développer, elle doit s’appuyer sur un socle, ce socle, c’est la vérité. Cette vérité, nous la devons à tous ceux qui par leur histoire, par leur histoire douloureuse, blessés, veulent ouvrir une nouvelle page. Nous la devons à la jeunesse, à toutes les jeunesses, qui veulent avoir foi en leur avenir, et donc qui veulent savoir d’où elles viennent. Rien ne se construit dans la dissimulation, dans l’oubli, et encore moins dans le déni. La vérité, elle n’abîme pas, elle répare, la vérité, elle ne divise pas, elle rassemble.
Alors, l’histoire, même quand elle est tragique, même quand elle est douloureuse pour nos deux pays, elle doit être dite. Et la vérité je vais la dire ici, devant vous. Pendant 132 ans, l’Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal, ce système a un nom, c’est la colonisation, et je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien. Parmi ces souffrances, il y a eu les massacres de Sétif, de Guelma, de Kherrata, qui, je sais, demeurent ancrés dans la conscience des Algériens, mais aussi des Français. Parce qu’à Sétif, le 8 mai 1945, le jour même où le monde triomphait de la barbarie, la France manquait à ses valeurs universelles.
La vérité, elle doit être dite aussi sur les circonstances dans lesquelles l’Algérie s’est délivrée du système colonial, sur cette guerre qui, longtemps, n’a pas dit son nom en France, la guerre d’Algérie. Voilà, nous avons le respect de la mémoire, de toutes les mémoires. Nous avons ce devoir de vérité sur la violence, sur les injustices, sur les massacres, sur la torture. Connaître, établir la vérité, c’est une obligation, et elle lie les Algériens et les Français. Et c’est pourquoi il est nécessaire que les historiens aient accès aux archives, et qu’une coopération dans ce domaine puisse être engagée, poursuivie, et que progressivement, cette vérité puisse être connue de tous.
La paix des mémoires, à laquelle j’aspire, repose sur la connaissance et la divulgation de l’histoire. Mais la nôtre est aussi une histoire humaine, car au-delà des blessures, au-delà des deuils, demeure la relation exceptionnelle nouée entre les Français et les Algériens ; les Français d’Algérie, instituteurs, médecins, architectes, professeurs, artistes, commerçants, agriculteurs qui, avec le peuple algérien, avaient su nouer, dans des conditions difficiles, intolérables parfois, des relations tellement humaines.
Je me rendrai à Tlemcen, la ville de Messali HADJ, l’un des fondateurs du nationalisme algérien, qui évoque lui-même, dans ses mémoires, les Français d’Algérie, en rappelant l’amitié et la confiance, en évoquant ses relations simples, quotidiennes, naturelles dont le souvenir nous appartient. Je n’oublie pas non plus tous ces coopérants qui étaient venus après l’indépendance de l’Algérie, à la fois par conviction, et par souci de promotion du savoir et de la connaissance, et qui voulaient rendre service à la République, la jeune République algérienne.
Notre histoire, cette histoire, c’est aussi celle de grandes consciences françaises, qui ont su s’élever contre l’injustice de l’ordre colonial, Georges CLEMENCEAU, dès 1885, trouvât les mots pour dénoncer l’abus pur et simple de la force pour s’approprier l’homme et ses richesses. André MANDOUZE, moins connu, et pourtant, tellement militant, qui, toute sa vie, fut fidèle à ses valeurs dans la résistance, mais également dans la conscience de l’indépendance algérienne. Germaine TILLION, qui fut la militante inlassable du dialogue entre les hommes et les femmes, entre les peuples, l’écrivain François MAURIAC, qui sut rappeler dans les moments difficiles la véritable grandeur d’un peuple qui ne repose pas sur sa force brutale, mais sur la puissance de son message universel.
Et puis, notre histoire, l’histoire de la France, c’est aussi Alger, qui fut la capitale dans les moments les plus sombres de la France libre, parce que c’est ici que s’était réfugié l’honneur de la France, à Alger, avec le Général De GAULLE à sa tête.
Voilà tout ce qui nous rassemble, nous réunit et nous permet après avoir regardé l’histoire, le passé, de pouvoir construire l’avenir. Je n’ai pas d’autres mots que ceux qu’employaient le président BOUTEFLIKA le 8 mai dernier à Sétif, qui appelait à une lecture objective de l’histoire loin des guerres de mémoires et des enjeux conjoncturels afin d’aider les deux parties à transcender les séquelles du passé et d’aller vers un avenir où puisse régner confiance, compréhension, respect mutuel, partenariat. Eh bien ces mots-là sont les miens encore aujourd’hui.
La proximité entre l’Algérie et la France n’est pas une incantation prononcée à chaque voyage d’un président de la République française en Algérie, la proximité dont je parle n’est pas une abstraction, n’est pas une construction elle est une réalité. Elle se fonde sur des liens intimes, profonds, uniques pour la France comme pour l’Algérie. Sur 900.000 Algériens qui résident à l’étrangers, 700.000 vivent en France et je ne peux pas compter tous ces Algériens venus à travers plusieurs générations donne leur force de travail pour permettre à la France d’être ce qu’elle est aujourd’hui.
Je pense aussi à ces jeunes Français nés de parents algériens qui sont pleinement Français, qui doivent être regardés toujours comme tels et qui en même temps sont en famille ici, chez vous en Algérie. Ces jeunes Français se sont engagés dans tous les domaines de l’économie, de la culture, du cinéma, de la littérature, du théâtre, du sport et même de la politique. Et nous avons attendu d’ailleurs trop longtemps ce moment, enfin les assemblées parlementaires françaises comptes désormais des élus d’origine algérienne.
Il y a aussi tous ces Français nés en Algérie et qui sont partis dans les conditions que chacun connait et avec le déchirement dont ils ne se sont pas remis mais qui portent toujours je vous l’assure, l’Algérie dans leur cœur. Je ne vais pas faire de comptabilité mais il y a des millions de mes concitoyens en France qui ont vis-à-vis de l’Algérie un fonds commun de références, de passion, d’émotions et qui loin d’affaiblir la France, renforce encore cette passion d’être ce qu’elle est aujourd’hui.
Voilà pourquoi nous sommes liés les uns aux autres mais la géographie aussi nous rapproche, la mer Méditerranée ne nous sépare pas elle nous unit mais elle nous confère aussi des responsabilités communes et exceptionnelles.
[…] La fin du discours de François Hollande : sur le site de l’Élysée.
Facilitation des demandes de visas
François Hollande a en outre promis d’«accueillir mieux» les Algériens demandant des visas pour se rendre en France, et de faire en sorte que les consulats français délivrent plus vite les documents. Dans l’intérêt des deux pays, a dit le président français, «nous devons maîtriser les flux migratoires», mais aussi permettre aux jeunes Algériens de circuler. «Nous ne devons pas faire de la demande d’un visa un parcours d’obstacles, ou pire encore une humiliation, au contraire nous avons besoin que se poursuivent et même s’amplifient les allers-retours des étudiants, des entrepreneurs, des artistes, des familles, bref tous ceux qui animent la relation» entre la France et l’Algérie.
«Nous allons rester dans l’accord de 1968, mais nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour accueillir mieux les demandeurs de visa et pour que les documents soient délivrés plus vite par nos consulats. C’est une affaire de respect et d’intérêt mutuel», a souligné François Hollande, rappelant que «près de 200 000 Algériens reçoivent chaque année un visa dans nos consulats».
«Dans le même temps, a encore dit le président français, nous attendons de l’Algérie qu’elle ouvre plus largement ses portes aux Français qui souhaitent se rendre sur votre territoire parce qu’ils y ont des souvenirs, des attaches familiales, affectives ou des projets professionnels ou personnels à réaliser». Mercredi, au premier jour de sa visite d’Etat en Algérie, François Hollande avait indiqué que l’accord de 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour des Algériens en France ne serait pas révisé mais que sa mise en œuvre serait «améliorée» pour répondre aux principes de «dignité et de considération».
«Le réviser pour être plus restrictif, ce n’est pas la position de l’Algérie. Le réviser pour être plus ouvert, ce n’était pas forcément la position de la France», avait-il précisé. Avant de faire part de la décision des deux ministres de l’Intérieur d’«aller plus vite, être plus respectueux, traiter avec toute la diligence nécessaire sur le plan administratif dans les consulats les demandes de visas». «Ce qui est insupportable, c’est d’attendre trop longtemps ou ne pas pouvoir, pour de brefs séjours, avoir le visa qui permet juste de faire un spectacle, un film ou une recherche de stage», avait-il dit aussi.
(AFP)