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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

Alain Ruscio dans « Le cours de l’histoire »: la première guerre d’Algérie, conquête et résistance

L’émission de Xavier Mauduit sur France Culture a, à l’occasion du 70e anniversaire de l’insurrection indépendantiste en Algérie, programmé une série en 4 épisodes intitulée « Algérie en résistance, une histoire coloniale ». Après le premier épisode consacré à la conquête de l’Algérie, que nous présentons ici, on peut également entendre : « La Kabylie en colère, résister dans l’Algérie coloniale », » « L’Algérie est ma patrie » : les voies du nationalisme dans l’Algérie coloniale » et « Toussaint Rouge, au commencement de la guerre d’indépendance algérienne ».

Prise de la smala d’Abdelkader par le duc d’Aumale, toile d’Horace Vernet, 1843. Paris, musée du quai Branly – Jacques Chirac. ©Getty – DeAgostini/Getty Images

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14 juin 1830. Les troupes françaises de Charles X débarquent à Sidi-Ferruch puis s’emparent d’Alger. Face au choc de la conquête française, une première forme de résistance algérienne s’organise autour de l’émir Abdelkader et ses milliers de cavaliers qui luttent pour conserver leurs terres.

À Alger, le 30 avril 1827, le consul de France, Paul Duval, est souffleté à coup d’éventail par le dey d’Alger (les puristes précisent qu’il s’agit plutôt d’un chasse-mouche en plumes de paon). C’est la grande affaire de l’éventail (qui n’en est donc pas un), un affront diplomatique et patriotique, qui serait à l’origine de la conquête de l’Algérie par la France en 1830. Il est là une justification simpliste et fausse, évidemment… à balayer d’un coup de chasse-mouche !

La prise d’Alger en 1830

Au début du 19ᵉ siècle, le territoire de l’actuelle Algérie – nom dérivé du mot El Djezaïr – est une province ottomane depuis près de trois siècles. S’il n’existe pas encore de « nation algérienne », la Régence d’Alger se structure autour d’une organisation politique propre. Le territoire est dirigé par un dey à Alger, ainsi que par trois beys à Oran, Titteri et Constantine.

De l’autre côté de la Méditerranée, la France, qui vit les derniers mois de la Restauration, s’intéresse au territoire algérien, motivée par des raisons géostratégiques – l’espace méditerranéen est sous domination anglaise –, économiques – l’Algérie est vue comme un Eldorado et une réponse aux maux sociaux –, et idéologiques – s’appuyant sur la théorie de l’inégalité des races et la notion de « mission civilisatrice » qui en découle. Selon cette notion, « l’esprit français, considéré comme supérieur, [doit être] exporté et [avoir la possibilité] d’illuminer des sociétés indigènes », rapporte l’historien Alain Ruscio, auteur de La Première Guerre d’Algérie. Une histoire de conquête et de résistance. 1830-1852 (La Découverte, 2024).

Le 14 juin 1830, une escadre française partie de Toulon débarque à Sidi-Ferruch, à 30 kilomètres à l’ouest d’Alger. Conçue au départ comme une expédition punitive contre les forces barbaresques, la prise d’Alger ouvre la voie à une politique de conquête plus vaste du territoire algérien. Les officiers français optent d’abord pour une tactique d’occupation restreinte. Les possessions françaises en territoire algérien se restreignent principalement aux villes du littoral : Alger, Oran et Bougie. Après d’intenses combats, Constantine est finalement prise en 1837. À partir de 1840, les officiers français entament une guerre totale afin de s’emparer de la quasi-entièreté du territoire.

Abdelkader, résister coûte que coûte

Dès le début de la conquête, les dirigeants et officiers français font face à une résistance accrue des populations algériennes. À partir de 1832, une figure est en particulier centrale : l’émir Abdelkader. Né en 1808 à Mascara au sein d’une tribu soufie, Abdelkader tente d’unir les tribus autour d’un seul idéal : le jihad contre le conquérant français. Accompagné de cavaliers et fantassins émérites, l’émir prône la guérilla populaire dans l’idée de harceler constamment les colonnes françaises. « Il reprend les techniques traditionnelles de la lutte du faible contre le fort, qui refuse le combat frontal, qui harcèle l’ennemi et qui tisse progressivement un réseau de soutien dans la population. Abdelkader est le précurseur […] d’une nation algérienne, alors en gestation, qui va se cristalliser autour de ses combats », remarque l’historien Alain Ruscio.

La lutte par les armes s’accompagne d’une volonté de construction politique. Dans les années 1830, Abdelkader met en place un premier noyau à vocation étatique. Il fonde une capitale, Tagdempt, crée une monnaie ainsi qu’un système juridique, administratif et fiscal. De fait, s’il n’existe pas encore de sentiment national algérien, il y a déjà la conscience parmi les populations algériennes d’appartenir à une seule entité commune, unifiée contre la présence française.

« L’armée faite féroce par l’Algérie »

« L’armée faite féroce par l’Algérie ». Tels sont les mots écrits par Victor Hugo en 1852 pour évoquer la violence de la conquête. De la région de Tlemcen jusqu’au Constantinois, on ne compte plus les razzias, décapitations de masse et enfumades pratiquées par les troupes françaises pour terroriser les populations civiles. En juin 1845, les enfumades du Dahra par le lieutenant-colonel Pélissier provoquent un tollé dans l’opinion publique française. Des protestations ont lieu et certains crimes sont dénoncés jusque dans la Chambre des députés. Pourtant, les mots ne suffisent pas à calmer la virulence de la conquête. En près de vingt ans, la population algérienne est décimée par la guerre. Plus de 400 000 algériens et algériennes périssent face aux dégâts d’une armée mieux équipée militairement. L’histoire de l’Algérie avec la France commence dans la violence. « Dès le début de la présence française, il y a la nécessité de dominer [le] territoire », explique l’historien Alain Ruscio. « La résistance algérienne est le pendant de la conquête française ».

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