Mise à jour de restes humains dans la grotte de Nekmaria
Arrivé au fond de la grotte, à plus de 3 m de profondeur, le groupe, composé de jeunes, d’adultes et même d’enfants, tous fils de la région, met alors à jour des ossements humains ainsi que des reliques.
Pour la première fois depuis 166 ans, la grotte de Nekmaria, connue sous le nom de Ghar El Frachih, 80 km à l’est de Mostaganem, en plein massif du Dahra occidental, livre ses secrets. Aidé par des habitants de Nekmaria et du douar El Frachih, un universitaire de Mostaganem, qui accompagnait une équipe de l’ENTV venue couvrir la commémoration des enfumades du Dahra, organisée sous l’égide de l’université de Mostaganem, est descendu au fond de la grotte à travers un étroit passage. Arrivé au fond de la grotte, à plus de 3 m de profondeur, le groupe, composé de jeunes, d’adultes et même d’enfants, tous fils de la région, met alors à jour des ossements humains ainsi que des reliques.
L’exploration n’a été possible que grâce à l’utilisation de lampes torches rudimentaires. Elle a duré près de 30 longues minutes, un temps qui a paru immensément long eut égard à la sacralité de l’endroit et aussi à la présence avérée de restes humains qui gisent sous terre depuis exactement 166 ans. En effet, c’est ce même jour de juin 1845 que Pélissier et ses soldats entreprirent de mettre le feu aux entrées des grottes où s’étaient réfugiés les Ouled Ryah. L’exploration a vite permis de mettre à jour quelques objets ayant appartenu aux Ouled Ryah, notamment un bâton taillé dans du thuya et qui sert à maintenir les tentes des nomades; il sert également à entraver les chèvres et les brebis.
Dans leur tâtonnement sous les pierres et dans un épais manteau de poussière, les explorateurs sont parvenus à extraire des os humains, dont un péroné en parfait état de conservation, une omoplate ainsi que plusieurs vertèbres cervicales.
Preuve irréfutable
Cette grotte est connue pour avoir été le théâtre d’une terrible enfumade fomentée par le colonel Pélissier les 18 et 19 juin 1845. Connu pour être l’un des pires massacres commis par l’armée française d’occupation, cette enfumade avait entraîné la mort, après de terribles et interminables souffrances, de plus de 1200 personnes, dont des vieillards, des femmes et des enfants appartenant tous à la tribu des Ouled Ryah, de fiers montagnards du Dahra qui ont été pourchassés jusque dans ce refuge par une colonne de 2500 hommes sous les ordres du colonel Pélissier. Ce dernier avait fait amasser des fascines avant d’y mettre le feu que la troupe entretiendra deux nuits durant, asphyxiant hommes et bêtes.
Cette mise à jour d’ossements humains intervient quelques jours à peine après la visite d’Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères qui n’a pas hésité à balayer d’un revers de la main toute forme de reconnaissance des crimes et massacres coloniaux commis à l’encontre du peuple algérien par l’armée française d’occupation et, ce, durant 132 ans. Ce péroné, cette omoplate et ces vertèbres, remontés par les descendants des Ouled Ryah, en ce jour anniversaire des enfumades, sont la preuve irréfutable des horreurs commises sur des innocents. Elles sont une preuve éclatante que, malgré les reniements et les escapades de l’ancienne puissance coloniale, ces ossements, qui ressurgissent plus d’un siècle et demi après avoir été ensevelis, rappellent combien l’histoire coloniale a été injuste et sanguinaire. Cette découverte, qui intervient 166 ans, jour pour jour, après ces massacres, démontre que l’histoire des massacres coloniaux reste à écrire.
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Pour en savoir plus, voir le blog de Aziz Mouats, chercheur à l’Université de Mostaganem : http://boussayar.blogspot.com