Dans la casemate de la nostalgérie
A la « maison des rapatriés » à Aix-en-Provence, l’extrême-droite nostalgique de l’Algérie française est chez elle. Avec la bénédiction de la mairie UMP.
Une immense croix de Lorraine, symbole inconditionnel du gaullisme, est dynamitée depuis son socle. Au milieu d’étincelles lumineuses, le logo du «Comité Véritas » brille de mille feux. Dans ce bulletin d’adhésion 2010 de l’association de nostalgériques ultras, son ancien président, feu Joseph Hattab-Pacha1, n’y va pas de main morte : « Charles de Gaulle mérite d’être poursuivi et condamné comme l’ont été les artisans et les complices de l’holocauste juif ! » Posé parmi d’autres, le tract de cette officine révisionniste proche du Front National se trouve au premier étage de la « Maison du Maréchal Juin », située 29 avenue de Tübingen à Aix-en-Provence. Équipement municipal créé par le maire socialiste Jean-François Picheral, il s’agit de la plus grande maison des rapatriés de la région (voir le Ravi n°12).
“De Gaulle doit être condamné”
Ici, de nombreuses associations sont hébergées et composent le Collectif aixois des rapatriés (CAR), subventionné par la mairie d’Aix-en-Provence à hauteur de 78 686 euros en 2008, et 43 086 euros en 2009. On y retrouve le Cercle algérianiste d’Aix-en-Provence (6 000 euros de subvention annuelle) ; le Centre de documentation historique sur l’Algérie (15 245 euros), mais également les pro-OAS de l’Adimad (Association pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus de l’Algérie française, voir le Ravi n° 55 et 58) ou le Comité Véritas, précédemment cité.
Est-ce la présence de ces associations d’extrême-droite et de leurs documentations qui ont mené René Andrès, président du CAR et taulier de la maison, à refuser de répondre à nos questions ? Toujours est-il que le Ravi n’est pas le seul à être tenu à distance par cette « maison des rapatriés ». Jacques Pradel préside l’Association nationale des Pieds-Noirs progressistes et leurs amis, une association qui, entre autres choses, « condamne sans réserve le système colonial qui a été imposé par l’état français, avec à l’époque un large consensus national, aux populations d’Algérie ». Il explique : «J’ai cherché à plusieurs reprises à joindre René Andrès pour connaître les modalités de fonctionnement de cette « maison des rapatriés ». Je n’y suis jamais parvenu. »
Dans ce véritable lieu de contre-culture, un début d’explication se trouve sur les panneaux de photographies affichées au premier étage. L’un d’entre eux présente des clichés de la maire, Maryse Joissains, lors de sa grande messe du Pasino « La mémoire qui saigne »2 durant laquelle Jean-Pax Méfret, le chanteur d’extrême-droite que la mairesse affectionne, avait revisité des chapitres entiers de la guerre d’Algérie. À côté de ces photos, d’autres représentent une messe donnée dans l’église Lefebvriste Saint-Nicolas du Chardonnet, à Paris. Là encore, un site emblématique de l’extrême-droite française. Autre fait marquant : en 2003, le théoricien de la guerre révolutionnaire Charles Lacheroy3, qui fut condamné à mort par contumace en 1961 pour ses manoeuvres avec l’OAS, dédicaçait ses livres… dans cette « maison des rapatriés », colonisée par des nostalgériques ultras, et financée par la République.
« Dans la gueule de l’extrême droite »
L’article précédent est extrait de l’enquête « Dans la gueule de l’extrême droite » publiée en décembre 2010 dans le mensuel le Ravi (n°80). Au sommaire 4 :
– Page 6 ? Frères ennemis ? Entretien : Avec Olivier Le Cour Grandmaison, historien
– Page 7 ? Dans le foyer « identitaire » ? Dans la casemate de la nostalgérie ? Bataille fronto-frontiste
– Page 8 ? Strip : je ne suis pas raciste mais… ? Tribune : A Marignane, la droite poursuit l’œuvre…
– Page 9 ? Vaucluse : la féérie de l’extrême droite municipale
Rencontre à Toulon
A l’occasion de la parution de ce dossier, la rédaction du Ravi propose une rencontre :
Samedi 11 décembre à 17 h.
Librairie La Nerthe – 17 rue Paul Lendrin, Toulon
avec la participation de François Nadiras, de la LDH de Toulon.
« Un journal libre ne se consomme pas, il se lit. On ne l’achète pas, on finance son indépendance. »
- Hattab-Pacha est décédé en 2009 ; sa mort a été honorée d’un faire-part dans National 13, le journal interne du Front national des Bouches-du-Rhône.
Le bulletin d’adhésion au Comité Véritas est téléchargeable sur son site internet : http://www.comite-veritas.com/z_4647/index.asp?page=3
- Lire dans le Ravi n°74, «L’UMP colonise l’extrême droite».
- Lacheroy est mort à l’âge de 99 ans en 2005. Lire Escadrons de la mort, l’école française de Marie-Monique Robin (La Découverte), pour comprendre son rôle dans l’usage de la torture en Algérie et dans les dictatures sud-américaines.
- http://www.leravi.org/spip.php?article1067