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Édition du 15 septembre au 1er octobre 2024
Le camp Rom de l’Arbois, déserté par ses habitants de peur d’être expulsés, détruit par les bulldozers de la municipalité. (Photo Florent Peyre)

Aix-en-Provence : le camp rom de l’Arbois n’est plus

Après l'expulsion du bidonville du plateau de l'Arbois, la Fédération des Bouches du Rhône de la Ligue des droits de l'Homme réagit1 : pourquoi ce qui est possible ailleurs ne le serait-il pas à Marseille et à Aix-en-Provence ?
Le camp Rom de l’Arbois, déserté par ses habitants de peur d’être expulsés, détruit par les bulldozers de la municipalité. (Photo Florent Peyre)
Le camp Rom de l’Arbois, déserté par ses habitants de peur d’être expulsés, détruit par les bulldozers de la municipalité. (Photo Florent Peyre)

Le campement Rom de l’Arbois n’est plus

par Euria Tabita, La Marseillaise, le 26 juillet 2012

La population Rom craignant et devançant l’expulsion, a deserté le camp de l’Arbois la nuit dernière. Les autorités n’ont alors pas hésité à enclencher aussitôt la destruction du bidonville.

Depuis lundi, la menace était lourde et planait au-dessus des Roms installés sur le plateau de l’Arbois. Et pour cause, suite à la plainte de la maire d’Aix-en-Provence Maryse Joissains, le jugement rendait l’expulsion exécutoire dès le 23 juillet. Et c’est hier matin, que les bulldozers de la mairie ont eu raison des maigres effets et installations sommaires des deux bidonvilles de l’Arbois. Mais le lieu avait déjà été déserté par la population. « Depuis lundi, les policiers sont venus plusieurs fois pour nous dire de partir, que l’expulsion allait bientôt avoir lieu » explique Silveca, une jeune maman de deux enfants qui jusqu’à mardi soir était installée à l’Arbois. En effet, c’est la peur de l’expulsion qui a poussé les familles à partir d’elles-mêmes. De son côté, le commissaire divisionnaire Jean-François Jaffuel décrit : «dès jeudi dernier, plusieurs familles avaient déjà quitté les lieux. Avant-hier, il ne restait que trente personnes». Et hier matin, alors qu’il se rend sur place, en amont de l’expulsion qui est programmé le lendemain [aujourdhui, NDLR], celui-ci de constater que le camp est désert. Dès lors, le terrain est rendu à la mairie qui y dépêche aussitôt ses bulldozers pour détruire les installations de fortune. Pour le CADDRIS, le Collectif Aixois pour les Droits et Dignités des Roms, des Immigrés et des Sans Papiers, c’est cette «présence policière massive qui a entraîné la dispersion d’une partie des populations». Et c’est cette dispersion qui préoccupe particulièrement le collectif.

«Un risque sanitaire avéré»

Aujourd’hui, outre la méthode employée par la muncipalité aixoise, «celle d’écraser toujours la misère», le collectif s’insurge contre «la totale irresponsabilité des pouvoirs publics et de la ville en l’état de l’actuel risque sanitaire avéré», pour ces personnes et pour tous les habitants du département. En effet, plusieurs cas de tuberculose ont été détecté au sein de la population Rom. Les membres du collectif et des associations qui oeuvraient sur place ont passé toute l’après-midi d’hier à tenter de retrouver les personnes qui ont fui le camp, pour leur apporter leur soutien mais aussi les aides de première nécessité. Et de conclure : «Tout le travail que l’on a mené sur place, mais aussi avec les collectivités territoriales repart à moins de zéro. Ils n’ont fait que déplacer le problème, et la situation va en s’empirant»

Communiqué de la fédération 13 de la LDH

L’expulsion comme seule politique face à la détresse, à l’urgence sanitaire et sociale !

Marseille, le 26 Juillet 2012.

L’expulsion annoncée du bidonville du plateau de l’Arbois, abritant dans des conditions particulièrement inhumaines et contraire aux droits élémentaires, des familles principalement roumaines et serbes, de culture Roms, a eu lieu au petit matin du mercredi 25 juillet.

Demain plusieurs autres lieux à Marseille et dans le département seront concernés par cette politique, qui loin de mettre un terme à la misère qui se développe et aux discriminations, renforce une idéologie sécuritaire et concourt à la désignation de bouc émissaire.

Nous sommes loin, avec cette politique de l’expulsion engagée par les gouvernements précédents, des engagements pris par François Hollande alors candidat, qui, répondant à l’interpellation de la Ligue des Droits de l’Homme, déclarait s’opposer aux expulsions sans solution alternative.

Tout en reconnaissant la complexité des questions posées par la présence dans notre département de nombreuses familles espérant trouver ici des conditions d’existence moins défavorables que dans leur pays d’origine et un accueil à la hauteur de notre pays, berceau des Droits de l’Homme, nous ne pouvons que nous interroger sur la duplicité des déclarations des élus rencontrés pendant et après la table ronde organisée en Préfecture le 10 juillet.

Si tous s’accordaient à évoquer la situation d’urgence sanitaire, évoquant même un « dispositif de crise », force est de constater que les actes ne suivent pas « les bonnes intentions ».

La Mairie d’Aix-en-Provence, nous avait explicitement laissé espérer deux mois de répit avant de demander le concours de la force publique suite à la décision de justice.

Le Conseil Général qui s’était clairement exprimé pour un moratoire sur les expulsions a assigné à son tour des familles installées sur le site de Château Gombert à Marseille.

La Ville de Marseille engage de son côté de nouvelles procédures à l’encontre des familles regroupées en désespoir de cause devant l’unité d’hébergement d’urgence.

Il est temps que cesse ce « jeu » de la patate chaude, des expulsions et des déplacements de populations de trottoirs en trottoirs et que l’on s’interroge avec le minimum d’honnêteté intellectuelle sur la réalité d’un prétendu problème « Roms », qui n’est que le reflet de notre propre intolérance, de nos peurs ancestrales et l’absence de volonté politique à apporter des réponses pérennes, à l’instar d’autres villes et départements de France, et respectueuses des Droits de l’Homme.

Marseille : L’unité d’hébergement d’urgence fermera ses portes le 1er août

par Agathe Westendorp, La Provence, le 25 juillet 2012 à 18h08

L’Armée du Salut ne peut plus gérer les Roms.

Officiellement la volonté est de fermer en journée les portes de l’Unité d’hébergement d’urgence aux familles roms. Dès le 1er août. Une décision prise conjointement par la Ville, la préfecture et l’Armée du Salut qui gère l’UHU avec quelque 40 salariés.

Un service saturé et un budget inadapté selon la municipalité

Motif : « Depuis 18 mois, l’UHU de la Madrague gère des familles roms, ce qui n’est pas dans le cahier des charges, pour un budget supplémentaire d’environ 300 000 € (en plus des 3 millions de budget initial État-Ville). La structure devrait être ouverte de 17 h à 9 h pour les SDF et les grands marginaux et elle se retrouve à gérer jour et nuit, en plus, vingt familles roms ! », explique le Dr Michel Bourgat adjoint en charge de la lutte contre l’exclusion, l’UHU et le Samu Social. « On est obligé d’intervenir. On s’est fait rouler ! Par l’inertie administrative, notre bon coeur, l’Office français de l’immigration qui n’a pas fait de turnover. On avait accepté d’accueillir il y a un an la communauté Rom à l’UHU de manière temporaire. Mais le temporaire a duré », explique l’élu.

« Le travail doit être fait avec l’argent de l’Europe »

Effectivement le dossier n’a pas bougé depuis un an et a même suscité il y a quelques jours un courrier des prêtres militant contre l’expulsion des Roms – voir cette page. En attendant, une décision radicale a été prise : « Et l’UHU n’accueillera plus de nouveaux Roms. Ainsi les autres familles agglutinées devant vont s’en aller. Cela cause des problèmes de sécurité, entre les SDF et les enfants Roms par exemple, ou pour le personnel sur place ». Pour Michel Bourgat, la solution n’est pas du tout locale : « l’expulsion mécaniquement juridique ne sert à rien. Même si les campements, comme à l’Arbois par exemple, ce n’est plus tenable. Nous, en local, on est juste au bout de la chaîne. Le travail doit être fait avec l’argent de l’Europe. J’aimerais que nos députés européens fassent le travail pour mettre en oeuvre des moyens. Il faut préparer les départs car on ne peut pas tout absorber 1 200 Roms sur Marseille et quelque 2 000 sur le département même avec de petites unités d’accueil dans plusieurs secteurs de la ville. C’est un travail beaucoup plus complexe que ce que pensent les gens ».

« Cela va contre la devise Secourir, accompagner, reconstruire »

L’Armée du Salut n’a pas souhaité répondre à nos questions. Pourtant au sein des associations sur le terrain, de plus en plus de travailleurs montrent leur désaccord. Même au sein de la fondation. Une salariée de l’Armée du Salut, qui suit les familles au quotidien, a voulu témoigner anonymement. Accompagnement à la PMI, soins à l’hôpital, scolarisation des enfants, contraception, les travailleurs sont toujours présents : « C’est scandaleux. C’est aussi un an de travail qui part en fumée. On va juste rajouter des tentes aux bidonvilles. Cela me pose problème en tant que Marseillaise et maman. Cela va contre la devise Secourir, accompagner, reconstruire. »

Pour Fatima Jung, du Réseau éducation sans frontière et éducatrice spécialisée au Hameau (dispositif dédié aux grands marginaux géré par l’Armée du Salut), c’est le choc. Elle qui connaît bien ces familles à qui elle amène régulièrement de la nourriture : « Tout le travail va être balayé d’un revers de main. Sachant que le mois d’août, c’est pire qu’un mois d’hiver. Cette façon de traiter des citoyens européens, c’est de la discrimination ».

Communiqué du CADDRIS

(Collectif Aixois pour les Droits et la Dignité des Roms, des Immigrés et des Sans-Papiers.)

Expulsion : pas de sursis pour les Roms de l’Arbois !

A Aix-en Provence, c’est toujours la misère qu’on écrase !

Non seulement c’est la misère qu’on écrase mais les pouvoirs publics, comme la ville, font preuve d’une totale irresponsabilité en l’état de risque sanitaire avéré. En effet les autorités publiques avaient été alertées sur plusieurs cas de tuberculose au sein de la population Rom de l’Arbois. Cinq personnes ont été transportées d’urgence sur les hôpitaux d’Aix-en-Provence et de Marseille et mises à l’isolement.

La présence policière massive, dès lundi matin, a entraîné la dispersion d’une partie des populations. Cette dissémination incontrôlée d’une population fragile, sans aucun encadrement sanitaire, fait courir des risques évidents, non seulement à ces personnes, mais aussi à tous les habitants du département. Faut-il rappeler que les épidémies ne connaissent ni nationalité, ni frontière ?

Cela démontre une fois de plus que les expulsions systématiques, sans traitement sur le fond, est non seulement inhumain mais contraire à une bonne gestion du bien public.

La commune d’Aix-en-Provence semblait pourtant avoir pris la mesure de cette situation. Elle aurait annoncé, au cours d’une réunion tenue la semaine dernière, sa volonté de surseoir au recours à la force publique. On ne peut donc que se désoler et dénoncer l’attitude irresponsable de la commune, comme de l’Etat. De surcroit les services de la Préfecture ont été saisis de demandes d’hébergement d’urgence. Les tribunaux ont récemment rappelé que l’hébergement d’urgence fait partie des libertés fondamentales. Comment la Préfecture peut-elle accepter le recours à la force publique alors qu’elle ne remplit pas ses obligations ?

Plus que jamais le CADDRIS demande des solutions d’accueil dignes et humaines. Oui une table ronde qui réunisse l’État, les collectivités locales et territoriales, les associations qui œuvrent au quotidien et les Roms eux-mêmes est réellement nécessaire. Elle permettrait, dans un premier temps, de gérer l’urgence, et préparerait parallèlement la mobilisation des aides financières européennes prévues pour l’accueil et l’insertion des Roms en vue de solutions à moyen et long terme.

Pourquoi ce qui est possible à Lyon, Nantes, Lille ne le serait-il pas dans cette Provence qui a su accueillir tant de populations venues d’ailleurs et qui ont aussi fait la richesse de cette terre ?

Aix-en-Provence, le 25 Juillet 2012

Pour le Collectif Aixois pour les Droits et la Dignité des Roms, des Immigrés et des Sans-Papiers (CADDRIS) –
Claudie Hubert – Philippe Chouard – Hervé Guerrera – Philippe Sénégas – Marc Durand

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