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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

à propos du corps électoral en Nouvelle-Calédonie

LIGUE DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN DE NOUVELLE CALEDONIE

Communiqué n° 45 du 23 février 2005

Face aux déclarations qui jettent le trouble dans les esprits de nos concitoyens en confondant principes démocratiques et modalités électorales, la Ligue des Droits de l’Homme de Nouvelle-Calédonie tient à rappeler quelques principes fondateurs des Droits de l’Homme.

Le dicton « un homme, une voix » n’est pas un principe fondamental de la démocratie, mais un de ses modes d’exercices privilégié dans un pays souverain.

Dans un pays colonisé, en vertu du Protocole n°1 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme1
, le principe qui s’applique est celui du Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et seul le peuple autochtone est légitimement appelé à voter pour les consultations électorales engageant son avenir.

En 1853, la Nouvelle-Calédonie a fait l’objet d’une prise de possession unilatérale par la France, créant une situation coloniale qui a privé les Kanak de leur droit inaliénable à l’autodétermination et altéré l’exercice de la démocratie. En 1996, l’Organisation des Nations Unies a reconnu au seul Peuple Kanak, parce qu’il est le peuple indigène de ce pays, le droit à l’autodétermination en le réinscrivant, en 1986 sur la liste des pays à décoloniser.

La revendication kanak de ce droit a conduit aux événements des années 84 à 87. La paix a été rétablie grâce aux Accords de Matignon-Oudinot, complétés en 1998 par l’Accord de Nouméa. Toutes les parties ont fait des concessions. La France a reconnu le fait colonial et décidé d’y mettre fin. En contrepartie, les Kanak ont accepté que le corps électoral qui exercera son droit à l’autodétermination en 2014 soit élargi à l’ensemble des personnes inscrites sur les listes électorales en 1998. Cela fonde la légitimité historique et politique du « corps électoral figé ».

Les accords internationaux qui protègent les Droits de l’Homme accordent aux États la possibilité de restreindre un corps électoral pour des raisons légitimes, pourvu que cela permette « la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif » qui est le principe fondateur de la démocratie. Le corps électoral restreint constitue une différenciation compatible avec les Droits de l’Homme parce qu’elle repose sur des critères objectifs (années de présence pour évaluer l’intensité des liens avec le pays) et raisonnables (10 et 20 ans n’ont pas un caractère disproportionné au regard du but visé) pour une fin légitime : un processus de décolonisation et d’autodétermination. C’est pourquoi ce corps électoral figé a été approuvé par les plus hautes instances qui garantissent les Droits de l’Homme : le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies le 15 juillet 2002, et la Cour Européenne des Droits de l’Homme le 11 janvier 2005. En conséquence, il est abusif de dire du corps électoral figé qu’il est source de discrimination ou de ségrégation.

Il s’en suit que ce corps électoral figé s’impose non seulement pour le référendum de sortie, mais aussi pour les élections des assemblées de province et du Congrès qui sont indissociables, juridiquement et politiquement, du processus d’autodétermination en cours. En effet, compte tenu de ses compétences législatives et du fait qu’il engage les transferts de compétence, ce dernier joue un rôle fondamental dans l’évolution institutionnelle qui prépare le pays à son émancipation.

Les immigrants récents sont électeurs et éligibles aux élections municipales, nationales et européennes, dont on sait l’importance dans la vie quotidienne. Leur venue en Nouvelle-Calédonie relève de leur seul choix personnel. Ils ne doivent pas oublier que le pays qui les accueille n’est pas un département français mais un Pays d’Outre-Mer (P.O.M.), en voie de décolonisation de par la volonté du peuple français consulté par référendum, avec ses institutions et une citoyenneté spécifiques. Ils trouveront toute leur place dans le chantier de la construction du pays s’ils y investissent leurs talents dans le respect des institutions, de l’Histoire et des aspirations des citoyens de ce pays, et non en remettant en cause les Accords de Paix qui fondent le destin commun partagé.

Le Président Elie POIGOUNE

et le Bureau de la LDH-NC

Pour un recensement conforme aux accords de Nouméa

Communiqué LDH-NC & LDH

Nouméa, le 4 août 2004

La Ligue des Droits de l’Homme de Nouvelle Calédonie et la Ligue Française des Droits de l’Homme
constatent, qu’à l’initiative du Président de la République, le prochain recensement ignorera la répartition des habitants de Nouvelle-Calédonie en fonction de l’appartenance qu’ils revendiquent à l’une ou l’autre des populations qui vivent dans ce « Pays d’Outre-Mer », selon sa dénomination officielle.

Alors que la Nouvelle Calédonie est toujours marquée par l’empreinte du colonialisme, refuser d’appréhender la population du Territoire au travers de ses différentes composantes, c’est nier l’histoire coloniale et revenir sur la reconnaissance du peuple Kanak en tant que peuple colonisé.

C’est violer aussi l’Accord de Nouméa, validé par le Conseil Constitutionnel, qui reconnaît le fait colonial et organise l’avenir du Territoire autour de la légitimité commune du peuple colonisé et du peuple migrant présent au moment de l’Accord.

Loin de constituer une quelconque discrimination à raison de la mention de l’origine, un recensement qui prenne en compte les diverses populations qui vivent en Nouvelle Calédonie peut seul permettre la mesure de la réalité coloniale et donc des rééquilibrages nécessaires.

La LDH-NC et la LDH-France rappellent qu’il s’agit là d’une des conditions essentielles pour que se construise un avenir conforme à la lettre et à l’esprit de l’Accord de Nouméa.

Le Président de la LDH-NC – Elie Poigoune

Le Président de la LDH-France – Michel Tubiana

____________________________

Accord de Nouméa. Préambule. « … La colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu’elle a privé de son identité. Des hommes et des femmes ont perdu dans cette confrontation leur vie ou leurs raisons de vivre… Il convient de restituer au peuple kanak son identité confisquée, préalable à la fondation d’une nouvelle souveraineté, partagée dans un destin commun. »

Mais aussi : « Les communautés qui vivent sur le territoire ont acquis par leur participation à l’édification de la Nouvelle-Calédonie une légitimité à y vivre et à continuer à contribuer à son développement. »

Et enfin : « …Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage… »

Comment se reconnaître, comment assurer le rééquilibrage, sans savoir qui est qui et quelle est l’importance des communautés ?

  1. PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES, ECONOMIQUES ET SOCIAUX.

    Article premier

    1. Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.

    2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l’intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance.

    3. Les Etats parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d’administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies.

    Article deuxième

    1. Chacun des Etats parties au présent Pacte s’engage à agir, tant par son effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives.

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