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Le rapport Brazza (1905-1907)

Pierre Savorgnan de Brazza fut explorateur en Afrique. Il a signé un traité avec Illoy 1er, qui est fondateur de la présence française dans la région. Il a donné son nom à Brazzaville. En 1885, il est commissaire général du Congo. En 1905, à la suite du scandale de l’affaire Toqué-Gaud, il est envoyé à nouveau au Congo pour inspecter les conditions de vie dans les colonies. Au retour de sa mission, atteint de fortes fièvres, il est contraint de débarquer à Dakar, et meurt le 14 septembre 1905. Les informations qu'il avait rassemblées au cours de cette dernière mission sont restées jusqu'à présent inédites car jugées explosives. Elles font l'objet d'une publication sous la direction de Catherine Coquery-Vidrovitch. Catherine Coquery-Vidrovitch est professeure émérite de l’université Paris-Diderot, historienne de l’Afrique et de la colonisation. Elle a publié récemment Etre esclave aux éditions La Découverte.

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Le Rapport Brazza . Mission d’enquête du Congo : rapport et documents (1905-1907)., Mission Pierre Savorgnan de Brazza / Commission Lanessan.

Préface de Catherine Coquery-Vidrovitch, postface de Patrick Farbiaz,
mars 2014, éd. Le passager clandestin, 320 pages, 19 €.1

Les éditions Le passager clandestin publient un document exceptionnel dans la collection Les Transparents : le rapport inédit établi entre 1905 et 1907 par le ministère des Colonies, à partir des informations rassemblées par la dernière mission de Pierre Savorgnan de Brazza au Congo, entre juin et septembre 1905. Ce document présenté par Catherine Coquery-Vidrovitch est accompagné de nombreuses autres archives inédites. Un document fondamental pour appréhender l’histoire coloniale européenne au tournant du XXe siècle, ses enjeux, ses pratiques et ses effets.

En 1903, le journaliste britannique Edmund Morel entreprend de lancer une campagne européenne contre les abus du « caoutchouc rouge » (sanglant) de l’État indépendant du Congo, le futur Congo belge, alors soumis au pouvoir discrétionnaire de Léopold II, roi des Belges. Côté Congo français, les abus sont réputés moins criants. Néanmoins ils sont assez réels pour provoquer quelques remous dans la presse et au parlement au cours de l’année 1904-1905.
En 1905, pour tenter de faire taire les rumeurs et calmer l’impatience des autres puissances coloniales de la région, les autorités françaises se sentent tenues de dépêcher sur place une mission d’inspection.

Telle est l’origine de la dernière mission en Afrique de Pierre Savorgnan de Brazza, partie le 5 avril 1905 de Marseille, qui entraîna la mort de l’explorateur, le 14 septembre 1905, à l’escale du retour à Dakar. Le rapport qui fut rédigé par le ministère à partir des archives de la mission, jugé explosif, ne fut jamais publié 2. Il fut oublié et on le crut perdu…

Le rapport Brazza met en lumière un système inefficace, coûteux pour l’État et surtout à l’origine d’abus massifs et intolérables. Il montre le poids exercé par les intérêts privés sur la politique coloniale. Il prouve que l’administration française ne pouvait ignorer ces dérives, qu’elle les tolérait et que, dans une certaine mesure, elle les couvrait.

À travers cette histoire singulière c’est la question même de la mémoire et de l’écriture de l’histoire coloniale française et européenne qui est posée à nouveaux frais, comme l’explique Catherine Coquery-Vidrovitch, seule historienne française à avoir eu connaissance du rapport, dès 1965 :

Un extrait de la préface

« Tout se passe comme si on avait affaire à un cas d’amnésie collective, ou plutôt à une volonté collective de ne pas savoir, de ne pas se souvenir. Pendant des décennies, ce n’est pas qu’on oubliât Pierre Savorgnan de Brazza lui-même – on le célèbre encore aujourd’hui –, mais on ne s’intéressa pas à son ultime rapport. Pire, on se convainquit qu’il était désormais impossible d’en prendre connaissance. Lorsqu’il était cité, c’était bien souvent pour en déplorer l’absence ou la disparition. On supposa en outre qu’il ne présentait pas d’intérêt, puisqu’il avait été établi par une commission coloniale peu transparente. En définitive, personne ne semble avoir eu l’idée toute simple d’aller le chercher là où d’évidence il se trouvait : dans les archives du ministère des Colonies d’une part, ouvertes jusqu’en 1920 dès la deuxième moitié du XXe siècle, et dans celles du Quai d’Orsay d’autre part.

Ce manque de curiosité, ou plutôt ce désir, inconscient ou non, de ne pas inventorier le passé colonial, dure encore aujourd’hui. La raison d’être de la présente édition est, sur des faits précis, d’établir aussi fidèlement que possible le savoir tel que nous l’ont transmis des documents originaux, inédits, abondants et librement consultables, seule façon de prendre sereinement connaissance de la totalité de notre passé ».

Catherine Coquery-Vidrovitch

  1. L’ouvrage est disponible dès maintenant sur le site Internet de l’éditeur : http://lepassagerclandestin.fr/catalogue/les-transparents/le-rapport-brazza.html.

    Il sera disponible en librairie à partir du 20 mars 2014.
  2. « Pour rendre [ce rapport] inoffensif, de telles coupures seraient nécessaires qu’en fin de compte il n’existerait plus » (Note au sujet de la publication du rapport, 1906).
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