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Les parlementaires du Var et des Alpes-Maritimes devant la colonisation

Depuis le vote de la loi du 23 février 2005, les députés ont débattu à plusieurs reprises du retrait éventuel de l'injonction à son article 4 d'enseigner le « rôle positif » de la colonisation. Comment les élus du Var et des Alpes Maritimes ont-ils réagi lors de ces débats ? Nous nous sommes intéressés à la séance du 29 novembre 2005 où les députés ont eu à se prononcer sur l'abrogation de cet article. Voici les réponses publiées par le quotidien Var-Matin qui a demandé aux députés varois comment ils se sont situés face à l'amendement demandé. Quant aux députés UMP des Alpes-Maritimes, dont le quotidien Nice-Matin a rapporté les réponses, ils ont révélé leurs liens plus étroits étroits encore avec le « lobby algérianiste »…
[première mise en ligne, le 11 décembre 2005 ;

mise à jour, le 5 février 2006]

Les parlementaires du Var et des Alpes-Maritimes devant la colonisation

Var-Matin a demandé aux députés varois comment ils se sont situés « face à l’amendement évoquant le rôle positif de la colonisation ». Voici les réponses publiées par le quotidien le 10 décembre 2005. On remarquera que la question n’a pas été comprise de la même façon par les différents députés : certains s’expriment par rapport au vote du sous-amendement de Christian Vanneste (le 11 juin 2004) qui est à l’origine de l’article 4 de la loi du 23 février 2005, d’autres par rapport au vote de la loi (le 10 février 2005), ou par rapport à la proposition d’abrogation de l’article 4 rejetée par l’Assemblée nationale le 29 novembre dernier.

Remarquez la réponse étonnante de Jean-Pierre Giran : il déclare être contre l’amendement évoquant le rôle positif de la colonisation et il affirme que le législateur n’a pas à écrire l’histoire, alors que, lors de l’examen du projet de loi en première lecture à l’Assemblée nationale, il avait cosigné un amendement (n°36) demandant aux programmes scolaires d’accorder « à l’histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu’elle mérite. » Trois autres députés du Var avaient cosigné cet amendement : Geneviève Lévy, Jean-Michel Couve et Philippe Vitel 1.

  • Geneviève Lévy (1ère circonscription) : « Hors de son contexte »

« J’ai assisté au débat, mais je n’ai pas pris part au vote. J’estime en effet que le texte que j’avais voté le 23 février, était parfaitement équilibré et construit dans un esprit d’apaisement. Le débat politicien autour de cet amendement n’est pas conforme au travail législatif fait en amont. C’est sortir une phrase de son contexte. Et on ne revient pas comme ça sur un texte voté des mois auparavant sans que personne n’y ait trouvé à redire. »

  • Philippe Vitel (2e circonscription) : « Un faux procès »

« Je fais partie des députés qui ont voté cet amendement, et je l’assume totalement. On est entrain d’instruire un faux procès. La lecture de cet amendement ne va pas dans le sens qu’on voudrait nous faire croire. »2

  • Jean-Pierre Giran (3e circonscription) : « Place aux historiens »

« J’ai voté la loi, mais pas cet amendement qui est « passé en contrebande ». Je partage l’opinion de Dominique de Villepin ce n’est pas au législateur d’interpréter l’histoire. C’est aux historiens qu’il appartient d’éclairer notre vision des choses. De plus, pourquoi rouvrir les blessures du passé ? Certains ont voulu se rendre intéressants. Le député qui a présenté cet amendement avait déjà voulu faire reconnaître l’homosexualité comme un péché contre l’humanité3 »

  • Jean-Michel Couve (4e circonscription) : « Pourquoi battre notre coulpe ? »

« Je n’étais pas présent lors du vote de l’amendement mais j’aurais voté pour, évidemment. Des générations de Français se sont consacrées à l’œuvre de colonisation et si elle n’a pas été toujours douce, il y a eu des effets positifs. Pourquoi battre notre coulpe ? Comparé à d’autres pays colonisateurs, le nôtre n’a pas laissé d’aussi durs souvenirs. »

  • Georges Ginesta (5e circonscription) : « Etre fier de la France »

« J’ai voté pour, et je m’opposerai à tout retour en arrière. Il y a objectivement un rôle positif de la France, qui a organisé des pays. L’important, c’est qu’on cesse de faire des génuflexions permanentes, qu’on arrête avec cette propension à célébrer nos défaites plutôt que nos victoires. Les aspects négatifs ont déjà été largement dénoncés. Il faut désormais dire ce que nos ancêtres ont fait de bien, il faut être fier de la France, donc laisser ce texte en l’état. »

  • Josette Pons (6e circonscription) : « De la politique politicienne »

« Je n’étais pas présente lors du vote de l’amendement, mais je l’aurais voté. Même si, au terme « rôle positif », j’aurais préféré celui de « l’aspect positif » de la colonisation. Je comprends mal cet acharnement contre cet amendement, ça devient de la politique politicienne. Certes, il faut laisser les historiens écrire l’histoire mais dans les manuels scolaires, il faut être équitable. La colonisation a certainement eu des aspects négatifs mais elle en a aussi eu des positifs. Il faut que ce soit dit. »

  • Jean-Sébastien Vialatte (7e circonscription) : « Des effets positifs indéniables »

« J’ai voté pour et je reste en phase avec cette décision. Cette repentance permanente, ça commence à bien faire, et on ne peut pas espérer que les jeunes des cités aient envie de respecter la France si les autorités politiques passent leur temps à demander pardon. On connaît les aspects détestables de la colonisation qui sont décrits dans tous les manuels d’histoire. Mais on ne peut en nier les effets bénéfiques en matière de santé, alphabétisation, économie… »

PROPOS RECUEILLIS PAR M. M.

  • Christiane Hummel, sénateur-maire de La-Valette-du-Var, a déclaré lors de l’AG de l’Amicale des Philippevillois et Constantinois[L’Amicale compte plus de 300 adhérents. [Var-Matin, 19 janvier 2006].]] :

« Les députés ont voté l’amendement de la colonisation. Elle a eu des effets positifs. Le sénateur que je suis ne reviendra pas sur cette loi. Vous avez eu un rôle extrêmement bénéfique. On n’a pas à rougir de nos écoles, nos routes, nos hôpitaux, de tout ce qui a été fait. Je ne sais ce qui va se passer dans l’avenir, je vous dis que nous tiendrons bon. Il y a un passé, il faut l’assumer les uns et les autres. Les historiens font leur travail d’historiens, laissons les faire. »

C. R.

Du côté des Alpes-Maritimes

Dans les Alpes-Maritimes, l’éloquence des députés UMP atteint des sommets – sans doute les liens sont-ils encore plus étroits étroits avec le « lobby algérianiste »…

Voici comment Nice-Matin a rendu compte le 30 novembre de « la « positive attitude des députés azuréens »…

« Pas moins de quatre députés UMP des Alpes Maritimes sont montés à la tribune de l’Assemblée nationale, hier, afin de prendre part au débat sur l’article 4 de la loi portant, en résumé, sur le rôle positif de la France en Algérie pendant quelque 132 ans de présence de l’autre côté de la Méditerranée.

En résumé, les parlementaires ont primé l’action, condamné la désinformation, appelé à l’équilibre.[…] »

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Le Monde du 10 décembre évoque la « course à l’échalote » à laquelle se sont livrés les députés chiraquiens et sarkozystes qui voulaient soigner un électorat de rapatriés, notamment dans les Alpes-Maritimes et l’Hérault.

Le journal L’Humanité du 30 novembe 2005 est plus précis :

Flirt avec l’extrême droite

La députée UMP Michèle Tabarot s’est ainsi lancée dans une violente diatribe contre « les enseignants qui font tous les jours, devant leurs élèves, le procès de la colonisation », avant de louer les bienfaits de cette France coloniale qui « a permis l’éradication des épidémies grâce aux médecins militaires » et « transformé des marécages en terres fertiles ». « Notre pays est épuisé par la repentance et l’autoflagellation ! » a lâché Jean-Claude Guibal (UMP), en fustigeant « le terrorisme des nostalgiques du tiers-mondisme ». Et le député des Alpes-Maritimes de conclure : « L’histoire officielle est écrite par les vainqueurs. Dans le cas de l’Algérie, c’est une évidence. » Plus explicite encore, Paul-Henri Cugnenc (UMP, Hérault) s’en est pris à « ceux qui insufflent partout le soupçon du néocolonialisme », avant d’expliquer que « la France ne doit pas se laisser dicter son histoire depuis l’étranger ». Mais la palme du ridicule, de la surenchère et du flirt avec l’extrême droite revient sans doute à Lionel Luca (UMP, Alpes-Maritimes), qui, brandissant un manuel d’histoire, a donné lecture de ce bref extrait : « La France a subi une gifle à Diên Biên Phu », avant de s’indigner de l’absence d’hommage, dans le livre scolaire, aux combattants français mis en déroute. Puis, au nom de la rupture avec « la bien-pensance anti-occidentale » évoquée quelques instants plus tôt par son collègue Christian Vanneste (UMP, Nord, à l’origine de l’article 4) : « Vous n’y trouverez pas un mot sur les Français déportés par le Viêt-minh, et dont le taux de mortalité était supérieur à ceux des camps de concentration ! »

  1. Source : le cahier des amendements déposés.
  2. Philippe Vitel a participé au grand meeting UMP du 3 février à Saint Laurent du Var.
  3. Allusion au député Christian Vanneste.
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