Churchill, sa vie, ses crimes, par Tariq Ali
Tariq Ali est écrivain, éditeur et militant politique, membre du comité de rédaction de la New Left Review et directeur éditorial de Verso Books. Il est l’auteur d’essais et de romans. Parmi ses ouvrages traduits en français : les cinq volets du Quintet de l’islam (2007-2011), Obama s’en va-t-en guerre (2010), Berlin-Moscou (2014) et Les Dilemmes de Lénine (2017).
Présentation de l’éditeur
Tariq Ali s’attaque dans ce livre à l’image, toujours célébrée, de Churchill. Dans sa longue carrière de journaliste, d’aventurier, d’homme d’État et d’historien, l’impérialisme et l’anticommunisme constituent le fil directeur, avec des conséquences ravageuses.
Jeune homme, Churchill participe aux batailles en Afrique du Sud, au Soudan et en Inde, qui visent à maintenir l’ordre impérial. À la tête de la marine lors de la Première Guerre mondiale, il est responsable d’une série d’erreurs catastrophiques conduisant à des morts par milliers. Ses efforts pour écraser les nationalistes irlandais sont autant de plaies qui ne sont toujours pas cicatrisées. Endossant le rôle de défenseur de son pays pendant la Deuxième Guerre mondiale, la période la plus vénérée de sa carrière, il n’a pas hésité à sacrifier des populations : Tariq Ali évoque l’attaque brutale contre la résistance grecque, la famine au Bengale qui a coûté la vie à plus de 3 millions d’Indiens, l’assaut aérien contre les civils à Dresde et Hambourg, et son insistance sur l’utilisation d’armes nucléaires au Japon.
Comme leader une fois la paix revenue, alors même que l’Empire s’écroulait, Churchill n’a jamais renoncé à sa philosophie impériale empreinte de racisme et il est l’un des architectes du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. Son bilan est terrible, amplement documenté dans l’acte d’accusation de Tariq Ali qui déroule en contrechamps le récit d’un demi-siècle de résistance et de luttes pour l’émancipation.
Tariq Ali évoque « les deux Churchill »
Le Crime du Bengale, par Madhusree Mukerjee
par Naïké Desquesnes, publié dans Le Monde Diplomatique en novembre 2015.
Source
En 1943, les Indiens sont prêts à soutenir l’effort de guerre contre le nazisme, à condition qu’on leur accorde l’indépendance. Comment ? « partir à la demande de quelques macaques ? », s’offusque le premier ministre britannique Winston Churchill, qui apparaît ici d’un racisme confondant — « Je hais les Indiens. C’est un peuple bestial, avec une religion bestiale. » Il les fera donc participer de force, réquisitionnant massivement denrées et moyens de transport, particulièrement au Bengale, dans l’est du pays, que le Japon menace d’envahir. Sa priorité ? Nourrir les troupes sur les champs de bataille, ainsi que ses électeurs au Royaume-Uni. Cette politique aura des conséquences terribles : la pénurie de céréales et le retard dans l’approvisionnement promis par Churchill causeront une famine sans précédent et, selon la journaliste Madhusree Mukerjee, la mort de trois millions d’Indiens. Bien documenté, ce récit nécessaire peut être prolongé par la lecture de Poverty and Famines (Oxford University Press, 1983), de l’économiste indien Amartya Sen, qui permet de saisir pleinement les ressorts économiques de cette immense pénurie.
Lire sur notre site