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Édition du 15 septembre au 1er octobre 2024

Parution d’un
« Dictionnaire de la guerre d’Algérie »

La collection « Bouquins » a publié en mars 2023 un volumineux Dictionnaire de la guerre d'Algérie, sous la direction de Tramor Quemeneur, Ouanassa Siari Tengour et Sylvie Thénault. Près de 1 500 pages de notices qui ambitionnent de rendre compte de tous les aspects de la guerre d'indépendance algérienne. Dans sa recension de l'ouvrage dans Le Monde, que nous reproduisons ici, l'historien André Loez souligne la grande pluralité des sensibilités des historiens et historiennes mobilisés. Selon lui, « au-delà de son caractère désormais indispensable pour qui s’intéresse à la période, ce dictionnaire réaffirme de manière exemplaire la capacité de l’histoire à établir des vérités partagées, sur les terrains les plus controversés ».

Dictionnaire de la guerre d’Algérie



Sous la direction de Tramor Quemeneur, Ouanassa Siari Tengour et Sylvie Thénault

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« Dictionnaire de la guerre d’Algérie », sous la direction de Tramor Quemeneur, Ouanassa Siari Tengour et Sylvie Thénault, Bouquins, « La collection », 1 472 p., 35 €, numérique 23 €.

Présentation de l’éditeur



Soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, les enjeux mémoriels liés à l’histoire de ce conflit ont alimenté autant de débats que de controverses. La recherche historique n’a cessé de progresser durant cette période. Mais il manquait un ouvrage d’une ampleur suffisante pour permettre, dans un contexte resté passionnel, de traiter du sujet sous tous ses angles, en puisant dans une bibliographie désormais abondante et en se fondant sur les acquis de la recherche, avec le souci d’objectivité et d’exigence intellectuelle qui seul peut aider à faire progresser la connaissance.

Cet ouvrage, le voici. Le fruit d’un long travail qui réussit à embrasser sans tabou l’ensemble des thèmes et des données à la fois militaires, politiques, sociologiques et intellectuels liés au dernier épisode de la période coloniale. L’un des mérites de ses maîtres d’œuvre, Sylvie Thénault, Ouanassa Siari Tengour et Tramor Quemeneur, est d’avoir su regrouper autour d’eux des historiens et chercheurs de provenances multiples, de convictions diverses et parfois opposées. Là où les mythes l’emportent encore trop souvent sur la vérité des faits, cette pluralité des approches était non seulement nécessaire mais indispensable au crédit d’une telle entreprise.

Événement éditorial, ce Dictionnaire, par son ambition et sa richesse exceptionnelles, répondra aux légitimes attentes de tous ceux qui, sur les deux rives de la Méditerranée, n’aspirent qu’à mieux comprendre l’histoire complexe de cette guerre.



Les historiens de la guerre d’Algérie
font la paix – le temps d’un livre collectif



par André Loez, publié dans Le Monde le 25 mars 2023.
Source

Le Dictionnaire de la guerre d’Algérie tient le pari de la rigueur historienne, qui, à défaut de calmer les passions, établit des faits. Remarquable.

En parcourant les tables d’une ­librairie au rayon histoire, on ne peut manquer d’être intrigué par la couverture du Dictionnaire de la guerre ­d’Algérie. Une image confuse, difficilement lisible ; à y regarder de plus près, c’est une superposition d’affiches lacérées, où se devinent à peine un visage ­grimaçant et un slogan « pour la paix en Algérie ». Ce détail d’une œuvre du plasticien Jacques Villeglé, le collage « 14 juillet 1960 », suggère magnifiquement les déchirures historiques et historiographiques que cet ouvrage appelé à faire référence restitue et contribue à résoudre.

Car les conflits multiples et brûlants des années 1954-1962 – entre les insurgés et l’armée, mais aussi au sein des sociétés ­algérienne et française elles-mêmes – ont laissé des traces encore à vif, qui n’épargnent pas l’histoire universitaire. En effet, les chercheurs font face à des injonctions souvent contradictoires : évoquer ce passé pour « réconcilier les mémoires » mais aussi pour « dénoncer les crimes » de la période ; travailler de façon « apaisée », mais sans avoir toujours accès aux archives, d’un côté comme de l’autre de la Méditerranée. Surtout, les sensibilités historiennes varient fortement, comme le suggèrent les objets de recherche : c’est un gouffre poli­tique a priori infranchissable qui sépare, d’un côté, le regard porté par Malika Rahal sur la liesse de l’indépendance, en 1962, et les travaux d’Olivier Dard sur les membres de l’OAS. Et même la position en apparence médiane de Benjamin Stora, auteur de nombreux livres sur cette période et d’un rapport remis au président de la République, en janvier 2021, ne fait pas l’unanimité, au vu des critiques publiques émises alors – pour des raisons différentes – par des collègues comme Guy Pervillé et Sylvie Thénault.

Et pourtant, tous les cinq ont signé des notices dans ce dictionnaire, avec une cinquantaine d’autres chercheuses et chercheurs, dont plusieurs d’Algérie. Sans excès ni biais. C’est ce qui rend l’entreprise collective remarquable : elle tient le pari de la rigueur historienne, qui, à défaut de calmer les passions, établit des faits. Biographies et opérations militaires, négociations et manifestations, cinéma et journaux, tout y figure, références à l’appui. Les articles consacrés aux archives, à la torture, aux camps de regroupement, parmi tant d’autres, sont des modèles de clarté. Le livre permet même de saisir comment ce passé fut étudié, avec des ­notices consacrées à des historiens marquants comme Mohammed Harbi ou ­Gilbert Meynier. Au-delà de son caractère désormais indispensable pour qui s’intéresse à la période, ce dictionnaire réaffirme de manière exemplaire la capacité de l’histoire à établir des vérités partagées, sur les terrains les plus controversés.

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