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Édition du 1er au 15 octobre 2024

« Oppositions intellectuelles
à la guerre d’Algérie »,
un colloque
qui fait suite au rapport Stora

Sur les « oppositions intellectuelles à la colonisation et à la guerre d’Algérie », un colloque s'est tenu les 20, 21 et 22 janvier 2022, correspondant à l'une des préconisations du rapport remis au président de la République par Benjamin Stora. Organisé par l'historien Tramor Quemeneur et l'anthropologue Tassadit Yacine, il a été l'occasion d'interventions passionnantes et de riches débats. Ci-dessous la présentation du film qui l'a ouvert, Le soleil assassiné d'Abdelkrim Bahloul, le programme et les films des débats ainsi que les textes provisoires des interventions de Christian Phéline et Gilles Manceron. Nous y ajoutons la lettre d'Aïssa Kadri, publiée par le quotidien El Watan, qui explique les raisons pour lesquelles il a finalement choisi de ne pas y participer. Nous accueillerons volontiers la réponse des organisateurs, qui ont annoncé la publication prochaine d'un ouvrage reprenant l'ensemble de ses travaux.

Le film Le soleil assassiné d’Abdelkrim Bahloul




dvd.jpgLe film évoque la vie du poète Jean Sénac (1926-1973), né en Algérie dans une famille d’origine européenne, qui a partagé avec ses concitoyens la lutte clandestine du FLN pour l’indépendance de l’Algérie. Des années après 1962, alors qu’il continue à vivre dans son pays et publie de la poésie et du théâtre, le pouvoir et sa police politique considèrent comme dangereux cet écrivain homosexuel. Son logement et son émission de radio lui sont retirés sans explication et il est assassiné en août 1973 dans des conditions mystérieuses.


Le programme de la première journée du colloque à l’Institut du monde arabe


et bientôt le film de ses interventions et de ses débats

Le programme de la deuxième journée du colloque à la BNF et le film de ses interventions et de ses débats


De Maurice L’Admiral à Albert Smadja et Pierre Popie,

des avocats d’Algérie contre l’injustice coloniale
(1900-1962)


par Christian Phéline


Trois générations de membres des barreaux algériens se sont mobilisées contre l’injustice coloniale. Depuis les « indigénophiles » comme le Guadeloupéen Maurice L’Admiral, défenseur des révoltés de Margueritte en 1901, jusqu’aux sympathisants du PCA, Albert Smadja, Elie Guedj, Louis Grange et Auguste Thuvény et aux « libéraux » algérois, Pierre Popie, Pierre Guarrigues et Guy Fraychinaud. Tous ont combattu pour la vérité et l’indépendance de leur profession.


Les mémorialistes du combat du FLN après 1954 et ceux de la Fédération de France en particulier ont dit tout ce que la défense des militants indépendantistes et la lutte contre la guillotine doivent au « Collectif français des avocats du FLN »1.

La personnalité très médiatique de Jacques Vergès et sa théorisation d’une « défense de rupture2 », mettant en cause d’emblée la légitimité même des procédures de jugement, a cependant quelque peu minoré dans la mémoire collective l’action d’autres grands défenseurs de militants algériens et le fait que, dans la plupart des cas, ils jugeaient plus utile de « plaider le dossier » que d’engager une bataille ouvertement politique3.

Le renom de quelques « avocats militants » proches du PCF comme Nicole Dreyfus ou Joë Nordmann, ne rend pas davantage justice aux ressorts personnels différents de l’engagement d’une Gisèle Halimi4, heureusement célébrée lors de nos débats, du protestant Jean-Jacques de Félice ou d’un Pierre Stibbe5, ancien socialiste « pivertiste », ancien résistant, exclu de la SFIO en 1948 pour ses positions anticolonialistes notamment sur Madagascar, pour s’en tenir à ces trois noms.

De même, la place centrale de professionnels parisiens ne doit pas faire oublier le rôle du collectif belge, avec notamment Cécile Draps6, récemment disparue, ni, en France, celui de leurs collègues avocats lyonnais7, ou du Martiniquais Marcel Manville8 – compagnon proche de Frantz Fanon dès la Seconde Guerre mondiale et militant de tous les anticolonialismes, dont il faut rappeler qu’il mourut en 1998 au Palais de Justice de Paris où il s’apprêtait à plaider pour la reconnaissance des Algériens victimes des massacres du 17 octobre 1961.

L’accent mis sur les défenseurs « du FLN » pourrait semblablement laisser ignorer le rôle d’un Yves Dechezelles9 : ancien communiste issu d’une famille militante ayant des attaches en Algérie, il rejoint le barreau d’Alger fin 1940 et devient l’un des animateurs des premiers réseaux algérois de résistance ; il sera, après-guerre à Paris, de tous les combats pour la décolonisation menés par la « Nouvelle Gauche » en rupture avec la SFIO, assurant la défense de Messali Hadj face à ses nombreuses inculpations, puis menant, en liaison avec Albert Camus jusqu’en 1960, puis au-delà, une discrète mais très intense intervention en faveur de la grâce d’Algériens condamnés à mort.

Enfin il convient, et c’est l’objet de cette communication, ne pas sous-estimer l’étendue, la diversité et l’ancienneté de la mobilisation contre l’injustice coloniale de professionnels du barreau en Algérie même.

Les avocats « indigénophiles » comme Maurice L’Admiral

J’ai à cet égard rappelé dans mon ouvrage sur Les avocats « indigènes » dans l’Alger coloniale10, le pivot local indispensable qu’a constitué à partir de 1955 le « Collectif algérien des avocats du FLN » créé sous l’impulsion notamment d’Abdelkader Ougouag, Mohamed Hadj Hamou ou Amar Bentoumi11.

Il ne faut en outre pas oublier que si le recours croissant à des justices d’exception à partir de 1956 marque une intensification sans précédent de la répression, la défense des militants nationalistes avait déjà dû prendre un caractère de masse lors des grands procès qui, dès le tout début des années 1950, frappèrent les militants de l’“Organisation Spéciale” (OS), branche militaire du MTLD, issu du Parti du peuple algérien (PPA)12.
Pour être plus complet, l’on doit même remettre en perspective le rôle propre qu’ont pu jouer en défense de l’État de droit et contre l’injustice coloniale, des membres des barreaux algériens, d’une orientation que l’on a pu dire, au fil des trois générations qui vont du début du siècle à 1962, « indigénophile », « réformiste » ou « libérale ».

En en restituant la biographie, j’ai voulu souligner le rôle fondateur qui revient dès le début du siècle dernier à la figure si singulière du Martiniquais Maurice L’Admiral13. Fils d’un commerçant mulâtre aisé lui-même né batard et esclave et qui avait dû attendre l’âge adulte pour faire reconnaître son patronyme, celui-ci s’installe à Alger, après une brève expérience dans la presse républicaine de gauche en métropole, et y exercera jusqu’à l’orée de la guerre d’indépendance. Bien que citoyen français par sa naissance aux Antilles et de religion catholique, il choisit d’être élu en 1908 conseiller municipal d’Alger sur une liste du collège indigène, inspire les deux délégations d’élus musulmans qui se rendent à Paris pour présenter leurs revendications civiques à Georges Clemenceau en 1908, puis à Raymond Poincaré en 1912, tout en étant, de 1914 à 1918, coopté comme bâtonnier par un barreau à large dominante européenne. Précoce défenseur de Lalla Zineb, héritière de l’importante zaouïa d’El Hamel, il lui permet, en 1897 de faire valoir, contre ses proches et contre l’administration coloniale, ses droits à la diriger. Il accompagne pendant près d’un quart de siècle la tribu des Beni-Dergoun, près de Zemmora, dans sa résistance aux opérations successives de dépossession foncière dont elle est la victime14. Mais sa plus grande notoriété s’attache à la défense de la centaine d’inculpés de la révolte paysanne de Margueritte (1901), dont il obtient que le procès soit dépaysé en métropole et à qui il évite toute peine capitale ; retournant l’accusation en une tribune contre tous les abus de la colonisation agraire, sa plaidoirie donne un large écho jusqu’en métropole à la campagne indigénophile conduite par Victor Barrucand dans L’Akhbar et suscite le premier vrai débat parlementaire sur les méthodes de la colonisation en Algérie. En 1939 il obtiendra encore l’acquittement du cheikh Taïeb El Okbi inculpé d’avoir commandité, trois ans plus tôt, le meurtre du muphti d’Alger, Bendali Amor15.

Dans cette même lignée pour la génération de l’entre-deux-guerres, je souhaiterais exhumer de l’oubli la personnalité trop discrète de Léonce Déroulède qui, tout à l’opposé de son lointain parent hyper-patriote, semble avoir été une sorte de bourgeois anticonformiste ou quelque peu libertaire. Venu en Algérie comme juge de paix à la fin des années 1890, il s’inscrit au barreau de Bougie, dont il est élu bâtonnier en 1913, puis à celui d’Alger où il exerce jusqu’à son décès en 1943. Pénaliste il plaide souvent en faveur d’accusés d’origine musulmane et s’engage précocement dans la défense des organisations politiques « indigènes » en butte aux dispositions du décret dit Régnier du 30 mars 1935 qui incriminait les « atteintes à la souveraineté française », qu’il s’agisse de Lamine Lamoudi et Pierre Juglaret (dit Mohammed Cherif), responsables de La Défense, organe francophone proche des Oulémas, souvent inculpés pour délit de presse, ou de Messali Hadj et des autres dirigeants du parti du peuple algérien (PPA) pour leur premier procès en terre algérienne après leur arrestation fin août 1937. Il est à souligner comment, dès cette époque, s’est organisée une coopération dans la défense des responsables nationalistes entre professionnels « métropolitains » (avec Jean Longuet et André Berthon) et algérois (avec, outre Déroulède et le jeune Achille Serna qui sera bâtonnier en 1958, les défenseurs d’origine musulmane Abdelkader Haddou et, à partir de 1938, Ahmed Boumendjel).

Les sympathisants du PCA, Albert Smadja, Elie Guedj, Louis Grange et Auguste Thuvény

Parmi la vague de jeunes défenseurs qui entrent dans la carrière dans les années 1940-1950, une place à part doit être faite, à Alger, à Albert Smadja et Élie Guedj, à Oran, à Paul Bouaziz, que rapprochent tant leur origine juive que leur engagement au Parti Communiste Algérien (PCA). Smadja et Guedj, ainsi que Louis Grange, autre avocat communiste dans le cabinet duquel s’était tenue en avril 1955 la première réunion du collectif algérois des avocats du FLN, font l’objet d’une arrestation extra-judiciaire le 13 février 1957 et sont « hébergés » au camp de Lodi16 où, malgré de multiples démarches, ils resteront détenus jusqu’en janvier suivant. Leur arrestation intervient quatre jours après celle de leur collègue Ali Boumendjel17, dont l’assassinat par les parachutistes est travesti en suicide, et le surlendemain de l’exécution de Fernand Iveton à la défense duquel Smadja, encore avocat débutant, avait été commis d’office au côté du vétéran Charles Laînné, dans un procès d’un jour où la condamnation par l’autorité militaire était acquise d’avance.

Enfin je voudrais tout particulièrement saluer le tribut sanglant qu’une dernière phalange de jeunes avocats a payé aux assassinats organisés par les ultras de l’Algérie française, pour avoir simplement accepté de défendre des détenus politiques algériens. Le premier est Auguste Thuveny, ancien défenseur d’Ahmed Ben Bella dans l’affaire de la poste d’Oran, arrêté en 1957, puis expulsé en France, avant d’être tué à Rabat où il était devenu magistrat, le 28 novembre 1958, dans sa voiture piégée par la Main rouge. S’y ajoutent, parmi les professionnels d’origine musulmane, les exécutions, le 5 novembre 1958 à Bonn, d’Ameziane Aït Ahcène, du barreau de Constantine ; le 29 mai 1959, d’Amokrane Ould Aoudia18, communiste issu d’une famille de kabyles christianisé, et membre du collectif parisien, tué par balles devant son cabinet parisien sur ordre du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) ; le 14 décembre 1961 à Oran, de M’hamed Abed.

Pierre Popie, Pierre Guarrigues et Guy Fraychinaud

À Alger, le 25 janvier 1961, à quelques jours de la création officielle de l’OAS, c’est le chrétien de gauche Pierre Popie qui est achevé de quatorze coups de poignard dans son cabinet de la rue de l’Abreuvoir19. Venu de la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC), Popie fut, en juillet 1953, l’un des fondateurs de l’Association de la jeunesse algérienne pour l’action sociale (AJAAS) où se retrouvèrent aussi bien musulmans que juifs, catholiques ou protestants, et rejoignit après le vote des pouvoirs spéciaux en mars 1956 les libéraux qui à travers L’Espoir Algérie militèrent pour des négociations avec les indépendantistes. L’année suivante, il inspira au général Billotte, gaulliste de gauche, plusieurs tribunes contre la torture publiées dans Le Monde et La Croix. Il fut, en mai 1960, exclu du Mouvement républicain populaire (MRP) où il tentait d’organiser l’opposition à la ligne Algérie française. Il est assassiné alors qu’il s’apprête à témoigner contre Pierre Lagaillarde au procès des Barricades. Après la condamnation de deux comparses, ses deux meurtriers ne passeront aux Assises qu’en 1963 et bénéficieront, cinq ans plus tard, d’une libération anticipée ; quant aux commanditaires du crime ils ne seront jamais identifiés…

Un plan systématique d’exécutions de membres du barreau se met encore en place alors que, début 1962, l’indépendance prend un tour irréversible. Dans une stratégie de la “terre brulée” visant à empêcher toute chance de dialogue entre hommes de bonne volonté il frappe tant des Algériens liés à la culture française comme Mohand Aberkane, tué le 2 février, ou Abderrahmane Zizine, le 13 avril, que des Européens ouverts à la légitimité de la revendication nationale algérienne, tels le gaulliste Pierre Lemas, qui survivra aux blessures par balles reçues le 26 février ; Pierre Garrigues, assassiné au revolver le 1er mars dans le cabinet où il avait pris la suite de Popie ; Guy Fraychinaud, lui aussi tué par balles dans son cabinet, rue du Colonel-Colonna-d’Ornano (aujourd’hui Ali-Boumendjel), le 15 mars – à quatre jours du Cessez-le-feu (de même que Mouloud Feraoun et de cinq autres dirigeants des Centres sociaux, dont Salah Henri Ould Aoudia, cousin de l’avocat parisien assassiné en 1959 et neveu de Me Boudjemâ Benjamin Ould Aoudia, élu démissionnaire du « second collège », lui-même victime de deux attentats manqués20).

Sur l’une et l’autre des rives de la Méditerranée, la force du combat pour la justice mené sur six décennies par toutes celles et tous ceux que nous avons voulu évoquer ici ne s’arrête ni à 1962 ni à la disparition progressive de la plupart d’entre eux. Comme le symbolise le nom de Popie donné à l’une des rues bordant le vieux Palais de Justice d’Alger, à travers les compagnonnages d’antan et la transmission d’une génération à l’autre des principes qui honorent la profession, la lutte se poursuit pour l’indépendance tant de la défense que de la magistrature comme composante essentielle d’un État de droit. Et qu’il s’agisse des massacres, des exécutions sommaires ou des disparitions, l’expérience des juristes et du combat pour les drois de l’homme reste indispensable aux mobilisations plus que jamais d’actualité pour l’établissement de la vérité historique sur les aspects les plus sombres de la période de guerre.


La Ligue des droits de l’homme
entre anticolonialisme et réformisme colonial


par Gilles Manceron


Dès sa fondation en 1898, la LDH a été confrontée au fait colonial. C’est le rejet de l’antisémitisme qui l’a fondée, dans une perspective universaliste mais sans mettre la question coloniale en position centrale. Sur celle-ci, deux positions ont existé en son sein, le courant résolument anticolonialiste restant minoritaire dans les années 1930. Mais autour de 1958, soixante ans après sa fondation, elle a connu dans le refus de la guerre d’Algérie le second élan politique de son histoire.

Dès ses débuts en 1898, la Ligue des droits de l’homme s’attache à « la protection et la défense des indigènes » et dénonce les « abus » et les « crimes » commis aux colonies, mais elle est partagée entre une position réformiste et une critique radicale de la colonisation.

Le rédacteur de ses premiers statuts, le juriste catholique Paul Viollet, s’écrie, en 1905 : « Ah ! si les vaillants Amis des Noirs, qui, à la fin du règne de Louis XVI, préparaient la libération des esclaves, pouvaient revenir parmi nous, quel ne serait point leur étonnement, quelle ne serait point leur indignation ! Quand je songe aux crimes effroyables commis en Indochine […] aux crimes qui, sur certains trajets de la malheureuse Afrique, sont l’affreux accompagnement du portage. »

Francis de Pressensé, son président de 1904 à 1914, accompagne l’évolution de Jaurès « vers l’anticolonialisme »21. Victor Basch, qui la préside après 1924 accepte de soutenir la fondation à Bruxelles, le 10 février 1927, de la Ligue contre l’impérialisme et l’oppression coloniale.

Mais si la LDH s’oppose aux injustices les plus flagrantes du système colonial, seule une minorité en son sein demande qu’on renonce à l’illusion d’une « colonisation démocratique » et condamne fermement le principe même de la colonisation. Les critiques les plus radicales de ce système sont formulées ailleurs que dans ses rangs.

L’anticolonialisme explicite

C’est, sans conteste, dans les colonnes de l’hebdomadaire antimilitariste La Guerre sociale, fondé en décembre 1906 par Gustave Hervé, que l’on trouve sa dénonciation la plus véhémente. Ainsi, dès que s’amorce, en 1907, l’intervention française au Maroc, il appelle à la défaite des troupes françaises et lance : « Le Maroc aux Marocains ! » Il demande : « Y a-t-il ou non un parti socialiste en France ? S’il y en a un, qu’attend-il pour intervenir violemment en faveur des Marocains qu’on assassine là-bas en attendant qu’on les dépouille ? » Et aussi : « Hardi les Marocains ! […] faites payer cher à tous nos tartuffes patriotes, chrétiens ou républicains, leur hypocrisie et leur ignominie. Allez-y ! Ne les ménagez pas ! Allah est avec vous, et nous aussi ! »

Paul Vigné – Vigné d’Octon de son nom de plume –, devient, en 1906 l’un des principaux chroniqueurs de La Guerre sociale sur ces sujets. En accompagnant, comme jeune médecin de marine, dans les années 1883-1886, l’infanterie de marine et les tirailleurs dans leurs expéditions punitives au Sénégal et en Guinée, il avait découvert les atrocités commises par les troupes coloniales. Démissionnaire de la marine en 1889, il s’était lancé dans la politique en même temps que dans la littérature, avec des livres qui comportent tous de violentes critiques de la colonisation22. Dans L’Aurore de Clemenceau, il dénonce la conquête de l’Afrique et de Madagascar. Élu député de l’Hérault de 1893 à 1906, il polémique durement à la Chambre, en 1900, à propos de l’affaire Voulet-Chanoine, avant de s’en prendre à la répression brutale de Galliéni à Madagascar.

Sous le titre Les crimes coloniaux de la IIIe République. La Sueur du burnous, il publie en 1911 dans La Guerre sociale les articles vengeurs qu’il ramène d’une mission d’enquête, de 1907 à 1909, en Afrique du Nord. Un court texte ouvre le livre : « J’ai fait ce rêve : il y avait enfin sur la terre une Justice pour les races et les peuples vaincus. Fatigués d’être spoliés, pillés, refoulés, massacrés, les Arabes et les Berbères chassaient leurs dominateurs du nord de l’Afrique, les Noirs faisaient de même pour le reste de ce continent, et les Jaunes pour le sol asiatique. Ayant ainsi reconquis par la violence et par la force les droits imprescriptibles et sacrés qui, par la force et la violence leur furent ravis, chacune de ces familles humaines poursuivaient la route de sa destinée un instant interrompue. En oubliant que j’étais français — ce qui est tout —, je sentais dans la profondeur de mon être une indicible jubilation. »

Comme Francis de Pressensé, l’un des fondateurs de la Ligue des droits de l’Homme, Anatole France, tient des propos résolument anticolonialistes, en 1906, lors d’un meeting de protestation « contre la barbarie coloniale » : « Impérieusement et sans nous lasser, nous réclamerons la répression des crimes et la réforme d’un régime qui les a favorisés ou permis […], nous demanderons pour les Jaunes ou les Noirs de notre empire colonial le respect des droits de l’homme. Nous demanderons justice pour l’humanité que l’on n’outrage pas en vain ; au nom de la patrie dont on sert mal les intérêts par cette barbarie coloniale. »

L’exposition de Vincennes

Mais après la Grande guerre, ce qui domine de la part de la LDH, c’est l’approbation du principe colonial assorti d’une demande qu’on respecte les droits des indigènes. En avril 1925, elle vote un ordre du jour qui reprend la position de l’Internationale socialiste et de la SFIO demandant de « régler les questions coloniales » par la généralisation du « système des mandats accordés par la Société des nations [ …], le principe colonial étant admis ». En juillet de la même année, son comité central met en garde, à la fois, « contre les dangereuses tentatives d’envahir le Rif ou d’évacuer le Maroc. Ni l’une ni l’autre de ces solutions ne donneraient la paix immédiate qu’on promet ».

Cependant une minorité en son sein demande une dénonciation nette de la colonisation. En 1931, l’année de la grande exposition coloniale de Vincennes, alors que la question coloniale est l’un des thèmes de son congrès, deux positions s’affrontent et la bataille se solde par une défaite, honorable mais nette, pour les adversaires du principe des colonies. Une défaite qui s’explique par la force des mythes installés en France par un demi-siècle de propagande coloniale républicaine23

Hors de la LDH, l’Exposition coloniale de Vincennes coïncide avec les premières contestations de la colonisation : la revue La Race Nègre soutient la pétition présentée à la Société des nations, au nom des Douala du Cameroun opposés à la colonisation française, par le Guyanais Vincent Ganty, qui vient d’être expulsé de ce territoire. Paraît aussi le manifeste des intellectuels surréalistes proches du parti communiste intitulé « Ne visitez pas l’Exposition coloniale », bientôt prolongé par l’ouverture de la contre-exposition « La Vérité sur les colonies ».

Andrée Viollis

C’est le moment où se font entendre les protestations contre la révolte de Yen-Bai au Vietnam, portées en particulier par le livre d’Andrée Viollis, Indochine SOS, qui siègera au comité central de la LDH de 1937 à 1947. Cette journaliste qui a effectué des reportages en Inde, en Afghanistan, au Japon, en Chine et au Maghreb, est en mène temps une militante de l’Association pour la défense et l’émancipation des peuples colonisés et du Comité d’amnistie aux Indochinois. Paru chez Gallimard, avec une préface d’André Malraux, SOS Indochine est un ensemble de témoignages accablant sur la répression de Yen Bai, du 13 septembre 1930. C’est le premier dossier sur une répression coloniale à avoir cette diffusion.

« Nous filons entre les champs boueux. Mon compagnon d’auto, un administrateur de la région, m’explique, un peu trop confusément, les troubles graves de l’an dernier […], il m’indique quelques énormes tombes qui bossuent la rivière : — Elles datent du 13 septembre de l’an dernier, me dit-il. Ce matin-là, on vit soudain une énorme troupe de 5 000 à 6 000 individus qui marchaient en rang serré sur Vinh… — Ils étaient armés ? — Ma foi, je n’en sais trop rien. Ils venaient soi-disant porter à la résidence leurs doléances contre les impôts qu’ils jugent excessifs. […] Il fallut envoyer des avions avec des bombes. Il tomba 100 à 120 hommes [157 en réalité]. Les autres s’enfuirent comme des lapins ». Andrée Viollis recueille ensuite le récit du vieux révolutionnaire Phan Boi Chau qui lui confirme que les manifestants qui venaient demander justice étaient sans armes.

Le combat de la minorité

Lors du congrès de la LDH de mai 1931, les débats sont vifs. Dans cette association alors forte de près de 170 000 adhérents et qui jouera bientôt un rôle décisif dans la constitution du Front populaire, la majorité veut croire à la possibilité d’une colonisation civilisatrice, tandis qu’une forte minorité souhaite la condamnation du principe même de la colonisation. Plusieurs rapporteurs ont été désignés : face à deux défenseurs de la « colonisation démocratique », l’ancien gouverneur général de l’Algérie et futur ministre des colonies du Front populaire, Maurice Violette, et Albert Bayet, alors professeur de lettres en classes préparatoires au Lycée Louis-le-Grand, qui, trente ans plus tard, sera partisan de l’Algérie française, c’est Félicien Challaye qui mène bataille. Il dénonce comme une hypocrisie le prétexte civilisateur de la colonisation. Un délégué résume ainsi le débat : « Dirons-nous avec nos camarades ligueurs, MM. Basch et Challaye, que colonisation égale spoliation et, par conséquent, crime, ou avec nos amis MM. Bayet et Gide24 que la colonisation est un devoir sous certaines conditions ? ».

Félicien Challaye est un professeur de philosophie de 55 ans, ancien élève de l’École normale supérieure dans la même promotion que Charles Péguy avec lequel il s’était lié d’amitié et qu’il avait contribué à gagner au socialisme. Titulaire d’une bourse de la Fondation Albert Kahn, il avait effectué de 1899 à 1901 plusieurs voyages qui lui avaient permis de connaître l’Égypte, l’Inde, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Java, la Chine du sud, les Etats-Unis, le Japon et l’Indochine française. Il racontera plus tard dans ses Souvenirs sur la colonisation : « Je croyais que la colonisation est une expérience humanitaire destinée à faire progresser les peuples de race inférieure au contact de la civilisation blanche [mais] quelques expériences au cours de mon premier voyage ont suggéré mes premiers doutes sur la valeur humaine du régime colonial ».

C’est surtout lors de son voyage au Congo en 1905, envoyé avec Savorgnan de Brazza par le ministre des Colonies pour enquêter sur la série de scandales dénoncés par la presse, qu’il découvre la réalité de l’exploitation de ce territoire qui le conduit à un rejet plus radical.

Savorgnan de Brazza meurt le 16 septembre 1905, quelques mois après leur départ de Marseille, et Challaye publiera à son retour, en février 1906, dans Les Cahiers de la Quinzaine, introduites par Péguy, ses notes prises pendant la mission, sous le titre « Le Congo français », qu’il reprendra en volume, en 1935, titré Souvenirs sur la colonisation. D’autres voyages, en Chine et au Japon en 1917, puis en Indochine en 1918-1919, ont renforcé ses convictions anticolonialistes, qui l’amènent aussi à s’impliquer dans la Ligue pour la défense des indigènes, devenue en 1927 la Ligue contre l’impérialisme et l’oppression coloniale.

Au congrès de la LDH de 1931, Challaye demande : « Oui ou non, la Ligue des droits de l’homme estime-t-elle que la colonisation est conforme ou contraire au droit des peuples à disposer librement d’eux-mêmes ? » « Si vous refuser de condamner le principe de la colonisation, notre Ligue devra changer son titre, devenir la Ligue pour la défense des droits de l’homme blanc et du citoyen français ». « Mon désir est de respecter toujours la volonté des indigènes : s’ils veulent que nous nous en allions, il est nécessaire de partir ; s’ils veulent que nous restions avec eux dans certaines conditions, restons avec eux dans les conditions qu’ils désirent. […] L’émancipation des indigènes viendra des indigènes eux-mêmes. Il faut leur dire que nous sommes avec eux dans leurs efforts de libération ».

Une critique anticolonialiste résolue

Plusieurs intervenants font écho à la position de Challaye et demandent une condamnation formelle de la colonisation. Ainsi une déléguée de Palaiseau : « Nous devons travailler à la disparition d’un tel régime et à l’extension aux races de couleur du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Un représentant de la Fédération du Pas-de-Calais : « La Ligue faillirait à son devoir si elle ne jugeait pas la colonisation ; si elle est mauvaise, elle doit avoir le courage de le dire, même si cela doit avoir pour elle quelques inconvénients […] Il faut s’orienter vers la seule conclusion logique, c’est-à-dire l’évacuation ou, si vous préférez, la libération des colonies ».

Ou encore, un délégué de Besançon : « Quelles que soient les grandes phrases qui ont été prononcées ici ce matin, quelles que soient les parures de l’éloquence, rien ne prévaut contre ce fait monstrueux : nous portons atteinte aux droits naturels et imprescriptible des individus […] Non, citoyens, nous n’avons pas à dicter à ces gens-là leur façon de vivre. Qui vous dit, d’ailleurs, que notre façon de vivre et de comprendre l’existence nous rend supérieurs à eux ? Où est le criterium pour en décider, pour en juger ? Vous seriez bien embarrassés de me l’indiquer. Pour conclure, je poserai cette question : qu’est-ce que la colonisation démocratique ? Comment l’entendez-vous ? Où s’arrêtera-t-elle ? N’y a-t-il point, par exemple, en ce moment même, au Maroc, des régions de dissidence qu’on est en train de vouloir réduire par la violence ? Est-ce cela votre colonisation démocratique ? »

Félicien Challaye, qui appartenait aussi à la minorité « pacifiste intégrale » de la Ligue, démissionnera, en 1937, du Comité central avec six autres membres parce qu’en désaccord avec la direction sur la perspective d’une « guerre du droit » contre l’Allemagne nazie, dans laquelle ils voient une réédition de l’union sacrée de 1914. Son aveuglement vis-à-vis du nazisme l’amènera à écrire pendant l’occupation dans des journaux collaborateurs, ce qui lui vaudra des poursuites en 1946. Mais tous les membres de la minorité anticolonialiste de la LDH en 1931 n’ont pas suivi la même évolution, un homme comme André Philip, par exemple, a rejoint vite la France libre et été résistant.

En 1931, la majorité a suivi Victor Basch qu’Albert Bayet a rallié à l’illusion d’une réforme possible de la colonisation. Mais la minorité a refusé tout compromis et la motion, maintenue par Félicien Challaye, qui réclame « l’extension aux races dites de couleur du droit des peuples à disposer librement d’eux-mêmes » et revendique « dès maintenant, et pour toutes les races, des droits égaux à ceux des blancs », a recueilli près d’un tiers des voix.

La guerre d’Éthiopie

L’épisode de la conquête de l’Éthiopie par l’Italie fasciste en 1935 fera éclater les contradictions du discours républicain. Comment contester à l’Italie mussolinienne le droit de coloniser quand on a reconnu aux nations européennes celui de conquérir à leur guise d’autres pays d’Afrique ?

Plusieurs manifestes s’opposent. Le « Manifeste des intellectuels français pour la défense de l’Occident et la paix en Europe » publié dans Le Temps du 4 octobre 1935, signé par douze membres de l’Académie française et nombre de personnalités du monde des lettres, comme Marcel Aymé, Georges Blond, Pierre Drieu La Rochelle, Pierre Gaxotte, Thierry Maulnier et Pierre Mac Orlan, est favorable à l’intervention mussolinienne en Ethiopie. En réponse, un autre manifeste, le « Manifeste pour le respect de la Loi internationale », que publie Le Populaire du 5 octobre, signé par d’autres grands noms de la littérature et des sciences, s’étonne « de trouver sous des plumes françaises l’affirmation de l’inégalité en droit des races humaines, idée si contraire à notre tradition ». La revue Esprit, de son côté, consacre le 1er décembre 1935 un numéro spécial au titre provoquant : « La colonisation, son avenir, sa liquidation ». L’Avertissement déclare : « Le mal colonial n’est pas encore assez, ni assez profondément connu ». La Nouvelle Revue française écrit : « Les trois manifestes d’intellectuels, en octobre, ont rappelé à plusieurs le temps de l’affaire Dreyfus ». Ils annoncent aussi la « guerre des manifestes » qu’on verra éclater lors de la guerre d’Algérie.

La défaite des anticolonialistes

Mais si l’affaire Dreyfus s’est soldée par la victoire des dreyfusards, l’issue de ce nouveau combat est plus incertaine. Sous le gouvernement de Léon Blum, l’organe du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA), Vigilance, interpelle plusieurs fois le ministre des Colonies, Marius Moutet, à propos de la création toujours ajournée d’une commission d’enquête parlementaire sur les territoires d’outre-mer, pourtant inscrite au programme du Rassemblement populaire. Ce gouvernement et les partis qui le soutiennent choisiront la répression des nationalistes coloniaux : le 27 janvier 1937, c’est la dissolution de l’Étoile nord-africaine de Messali Hadj, suivie, le mois suivant, de l’interdiction du Congrès indochinois, puis, le 9 juillet, de l’arrestation de ses leaders ; les dirigeants du nouveau parti de Messali, le parti du peuple algérien, étant, de leur côté, arrêtés en août. Dans la LDH, le représentant de la minorité anticolonialiste demande, à plusieurs reprises, mais sans être entendu – mais cette demande est publiée dans les Cahiers des droits de l’homme – que la Ligue proteste contre cette dissolution de l’Etoile nord-africaine, association signataire du Pacte du Front populaire. Pour y réagir, est constitué en juin 1937 le Rassemblement colonial, avec des personnalités comme Romain Rolland, Léon Werth, René Maran, Andrée Viollis, ainsi que les organisations anticolonialistes des Algériens, Malgaches, Vietnamiens, Camerounais et Antillais. Il préfigure, face à cette politique répressive sous le Front populaire, la réaction anticoloniale que l’on verra à l’œuvre pendant la guerre d’Algérie.

Après 1945, la difficulté à se positionner sur ces questions

Après 1945, il reste dans les rangs de la LDH des anticolonialistes, mais une partie d’entre eux s’est fourvoyée sous l’Occupation, essentiellement du fait de leur adhésion simultanée au courant du « pacifisme intégral ». Mais comme André Philip, Andrée Viollis, l’autrice de Indochine SOS en 1935, a été résistante durant la guerre. Mais elle meurt en 1950. Dans la période où la LDH se reconstitue difficilement, elle est, comme la majorité de la France libre et de la Résistance intérieure – à l’exception des communistes lors de la guerre d’Indochine –, favorable au maintien de l’empire assorti de mesures de progrès en faveur des peuples coloniaux.

Lors de la guerre d’Indochine comme au début de celle d’Algérie, la LDH s’est retrouvée à la remorque des gouvernements de la IVe République, en particulier sous l’influence de Marius Moutet. Elle n’a pas dénoncé la répression de mai et juin 1945 dans le Constantinois, ni soutenu la proclamation par Ho Chi-Minh de la République du Viet-nam. Tout juste a-t-elle pris position en 1947 contre les excès de la répression à Madagascar et soutenu ensuite, en 1955 et 1956, la politique de négociation incarnée par Pierre Mendès France pour l’indépendance du Maroc et de la Tunisie. Mais comme les forces politiques de la gauche française, elle s’est opposée, fin 1954, à l’insurrection algérienne et été favorable, en mars 1956, au vote des pouvoirs spéciaux qui ont plongé le pays dans la guerre d’Algérie. Seule une minorité en son sein, autour d’Andrée Viénot, y était hostile, qui n’accèdera à sa direction qu’avec l’arrivée de Daniel Mayer à sa présidence en 1958.

Le cas d’Emile Kahn paraît néanmoins complexe : sa position en 1955-1957 lors des débuts de la guerre d’Algérie, en particulier lors du congrès de juillet 1957, à Mâcon, où, contrairement à la majorité de l’association, il est favorable à la recherche d’une solution politique en Algérie, montre qu’il a eu une certaine lucidité en ce qui concerne le respect des droits de l’homme des Algériens, dans la fidélité à l’engagement fondateur de la LDH où la portée universelle des droits de l’homme était proclamée, y compris aux colonies. Son témoignage, en décembre 1957, lors du procès de Mohamed Bensaddok, est un acte fort. Ce militant du FLN algérien avait tué Ali Chekal, qui était l’une des personnalités algériennes les plus engagées dans la défense de l’Algérie française, le 26 mai 1956, au stade de Colombes où se déroulait la finale de la Coupe de France de football, alors qu’il se trouvait aux côtés du président de la République, René Coty. C’est le dernier acte politique d’Emile Kahn qui mourra quelques semaines plus tard, le 21 janvier 1958. Sa vie fait le lien entre l’affaire Dreyfus — puisqu’il a raconté qu’il avait lu « J’accuse ! » en 1898 en attendant le début d’un cours qu’il suivait comme étudiant à la Sorbonne — et la guerre d’Algérie. Et elle annonce ce qui va suivre.

Le « tournant de 1958 » et la présidence de Daniel Mayer (1958-1975)

Une relance de la LDH se manifeste ensuite avec l’accession à sa présidence de Daniel Mayer. On peut même dire que cette relance constitue, soixante ans après sa fondation, la seconde impulsion fondatrice de son histoire. Pierre Vidal-Naquet a raconté : Daniel Mayer « nous conduisait dans sa modeste 4 CV. Il répétait inlassablement : “Dreyfus s’appelle aujourd’hui Audin, Alleg, Djamila Bouhired, Djamila Boupacha” »

Dans l’engagement militant contre la guerre d’Algérie, la LDH connaît une nouvelle naissance, en lien avec la création du Comité Maurice Audin, fondé dès la fin de 1957 par Laurent Schwartz et Pierre Vidal-Naquet, et du Parti socialiste autonome (PSA) en 1958. Daniel Mayer fait entrer à son comité central des femmes et des hommes qui partageaient cette orientation, Madeleine Rebérioux, Laurent Schwartz, Pierre Vidal-Naquet, Pierre et Renée Stibbe, au moment où d’autres, tel Albert Bayet, qui étaient favorables au maintien de l’Algérie française, ont quitté la LDH.

Henri Noguères, qui avait été un opposant résolu à Guy Mollet, a poursuivi le repositionnement de la LDH amorcé par son prédécesseur. La LDH vivra jusqu’à la fin du XXe siècle, dans le prolongement de ce nouvel élan. Non seulement sous la présidence de Daniel Mayer (1958-1975), mais sous celles d’Henri Noguères (1975-1984), d’Yves Jouffa (1984-1991), de Madeleine Rebérioux (1991-1995) et d’Henri Leclerc (1995-2000).

*

La LDH a été forcément sensible aux idées dominantes qui circulaient dans la société, mais elle a su, dans des moments clé de son histoire et de celle de la France, être en avance sur la société, comme lors de l’affaire Dreyfus ou de la seconde moitié de la guerre d’Algérie. Dans la société française d’aujourd’hui que l’on peut qualifier de postcoloniale parce qu’elle a été fortement marquée par cette page de son passé, et où on constate des mouvements de régression qu’Achille Mbembe a qualifié d’« eurocentrisme tardif », elle reste, dans le prolongement de ses deux « moments fondateurs » qui restent pour elle des repères, fidèle à son refus de l’antisémitisme comme des persistances du racisme colonial.


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La lettre d’Aïssa Kadri expliquant son retrait

publiée par El Watan le 18 janvier 2022.
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[/« On fait la science avec des faits comme on fait une maison avec des pierres,
mais une accumulation des faits n’est pas plus une science,
qu’un tas de pierres n’est une maison »

Henri Poincaré /]

[/« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde »
Albert Camus/]

Invité à participer au colloque « oppositions intellectuelles à la guerre d’Algérie », j’ai accepté d’y intervenir pour parler de l’engagement des enseignants contre la guerre et après échange avec les organisateurs, j’ai souhaité traiter particulièrement de trajectoires emblématiques d’universitaires qui avaient exercé en Algérie avant et après l’indépendance (André Mandouze, Jacques Peyregua et Jean Leca). Au centre de la réflexion, je souhaitais aborder quelles étaient les causes et les raisons, les circonstances, les modalités et formes des basculements du côté des opprimés.

A cet égard la problématique initiale du colloque, telle d’ailleurs que la confirme le titre même du colloque, me semblait très claire. Il s’agissait en effet de rendre compte des oppositions des intellectuels entendus au sens large, à la guerre d’Algérie et plus généralement au colonialisme. Or l’introduction de personnalités dont les positions ont été pour certains, fortement ambiguës (Tocqueville, Urbain, Tillion, Camus, Aron) et pour d’autres, clairement affichées pour la colonisation et la répression (Soustelle) a changé la philosophie globale du colloque.

En effet un colloque académique, dont la problématique aurait été plus claire, proposant par exemple comme titre « les déchirements intellectuels à propos de la guerre d’Algérie » ou prenant en compte plus explicitement, aussi bien les opposants à la guerre et au colonialisme, que les partisans de la colonisation et de l’Algérie française, avec un débat ouvert, aurait été sans doute plus franchement clivant, mais aurait eu le mérite dans le contexte délétère actuel, de mieux éclairer les travestissements désinhibés de l’entreprise coloniale et d’une guerre où la répression a revêtu les formes les plus intolérables d’atteintes aux droits humains.

Les personnalités dont je souhaitais parler, ont défendu l’honneur d’une certaine France et n’auraient sans doute pas pardonné, pour ceux décédés, que leurs noms soient associés à ceux qui ont fait de la répression leur seul argument et arme. Le colloque envisagé ne me semblait pas pourtant, participer au départ, d’une volonté de tenir « les deux bouts », ni de se placer à équidistance des radicalismes, mis au même niveau, entre dominants et dominés, mais d’aller au-delà « du conformisme et du pâle libéralisme » de certains positionnements, selon le mot de Jacques Derrida, qui expliquait ainsi la complexité de certains engagements de Français d’Algérie qui n’ont pas été seulement des soutiens mais qui se sont impliqués dans la lutte des Algériens.

L’intrusion de personnalités partisanes de la répression dans le programme complet et définitif reçu tardivement, change la perspective d’approche et peut être comprise par un large public, comme une tentative de révisionnisme historique qui n’est pas clairement assumée. Sans doute, ne suffit-il pas d’un seul colloque pour parler de certaines figures dont l’engagement contre la guerre a été incontestable. Il est vrai que l’on ne peut pas traiter du cas de toutes les personnalités connues et moins connues. Mais la mise en avant de thuriféraires affirmés de la colonisation et d’acteurs de la répression, et « l’oubli » ou l’absence d’évocation (même sous la forme de citation de leurs seuls noms en ouverture du programme et du colloque) de certaines personnalités emblématiques, allant de l’extrême gauche à la droite libérale en passant par des humanistes, des chrétiens, des juifs ou de simples citoyens, mobilisés contre la guerre et contre « l’innommable », à l’exemple de Monseigneur Duval, de l’abbé Bérenguer, de Pierre Chaulet, d’Alice Cherki, d’Annie Steiner, de Paul Teitgen, du général Jacques Paris de la Bollardière, Yves Dechezelles, Henri Curiel, Joseph Claude Sixou ou des instituteurs (trois « européens » – Marcel Basset, Robert Eymard, Max Marchand – et trois algériens – Salah Ould Aoudia, Mouloud Feraoun, Ali Hammoutène – ) assassinés à la veille de l’indépendance par les commandos de l’OAS, interroge sur les présupposés politiques d’une telle rencontre, qui met au-devant de la scène, un des fondateurs de cette criminelle organisation, Jacques Soustelle. Sans parler de Sartre grand absent de ce colloque, face à Camus qui y a une belle place, ce qui remet à l’ordre du jour la fameuse phrase de l’après-guerre « avoir tort avec Sartre, plutôt que raison avec Aron », formule qui peut être finalement revendiquée et clairement assumée ici, en perspective des dérives de ce qu’a été la guerre d’Algérie, sous une nouvelle forme souvent transgressée, celle de plutôt « avoir tort avec Sartre, que raison avec Camus ! ».

Aussi bien, chers collègues, je ne peux en toute conscience, participer à un colloque, dont les présupposés, les objectifs, les critères de choix des catégories et personnalités retenues, n’ont pas été clairement définis, (où en effet les différences de situations et de contraintes, entre intellectuels « européens » d’Algérie, « musulmans » et métropolitains, n’ont pas été toujours du même ordre) affichés et assumés et qui me semble pour le moins, tenter de faire valoir in fine un faux équilibrisme entre des mémoires profondément antagonistes. En tous les cas quelque peu en porte-à-faux d’une reconnaissance de l’engagement de certains acteurs qui ont été à l’égal des « Justes ».

[/Aissa Kadri
Professeur honoraire des universités /]


Dans le quotidien algérien L’Expression :
un entretien avec Tramor Quemeneur



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lakhdar_chaouche.pngPropos recueillis par Kamel Lakhdar Chaouche

L’Expression : Un colloque qui convoque de grandes figures à l’image de Raymond Aron, Germaine Tillion, Frantz Fanon, Gisèle Halimi, Albert Camus, Simone de Beauvoir, Isabelle Eberhardt, Paul Ricoeur… C’est une première non ?

Tramor Quemeneur : En effet, il n’y a jamais eu de colloque présentant toutes ces grandes figures qui, d’une manière ou d’une autre, ont critiqué ou se sont opposées à la colonisation ou à la guerre d’indépendance.

Auparavant, il y avait eu uniquement des colloques présentant les grands courants de pensée. Le premier grand colloque, qui dépassait le seul cadre des intellectuels mais où l’on retrouvait certaines de ces figures, avait eu lieu à Alger en 1984. Il y avait ensuite eu deux colloques de l’Institut d’histoire du temps présent (Ihtp) du (Cnrs) à la fin des années 1980, en particulier celui sous la direction de Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli. Il y a eu aussi des travaux sur tel ou tel intellectuel, ou tel ou tel courant, mais jamais un tel regroupement de parcours, d’idées, de pensées.

De plus, nous avons aussi voulu ouvrir sur une dimension longue: ce n’est pas seulement pendant la guerre d’indépendance que l’opposition a existé, mais c’est depuis le début de la colonisation.

Or, cette dimension n’est généralement pas abordée. À tout le moins, elle est beaucoup moins connue. Nous avons ainsi voulu mettre la lumière sur ces premières oppositions et critiques du système colonial.

Enfin, nous avons également voulu mettre en avant la dimension internationale. Les oppositions intellectuelles n’ont pas seulement concerné les Français et les Algériens, mais aussi les Européens, les Africains, le monde entier. Nous avons ici donné quelques exemples d’oppositions dans une dimension comparatiste et internationale. Il y aurait encore beaucoup à faire, mais il y a déjà 34 intervenants en deux journées de colloque.
C’est énorme. Jamais nous n’aurions pensé cela. Et encore, il y avait encore tant d’autres figures que nous aurions voulu mettre en avant…

C’est une activité à la fois scientifique et mémorielle. Ne faut-il pas à votre avis multiplier de pareilles initiatives pour extraire ce dossier des mains des politiques ?

En effet, nous avons besoin de telles initiatives scientifiques, des deux côtés de la Méditerranée. Les historiens, les chercheurs et bien entendu les étudiants doivent pouvoir travailler ensemble. Cela me paraît nécessaire. Je suis justement heureux de voir l’engouement que ce colloque suscite: il existe, je crois, une véritable attente sociale pour mieux connaître l’histoire franco-algérienne, dans toute sa complexité et sa richesse. Il y a 25 ans environ, je commençais une thèse d’histoire sous la direction de Benjamin Stora sur les désobéissances de soldats français dans la guerre d’Algérie. Eux aussi s’opposaient à la guerre. Mais leurs parcours sont encore beaucoup trop méconnus de part et d’autre de la Méditerranée. Il en est de même en ce qui concerne les intellectuels.

Il faut montrer que la colonisation était un phénomène qui n’allait pas de soi, en France même. Des voix se sont toujours élevées pour critiquer ce phénomène: nous pouvons parler d’Ismaÿl Urbain par exemple, saint-simonien métis d’origine guyanaise, ou encore d’Isabelle Éberhardt. Mais des personnes comme Alexis de Tocqueville ont aussi porté des critiques sévères contre le système colonial. Il ne faut pas les occulter et au contraire les mettre en avant. La critique de la colonisation a existé de tout temps, ce qui n’a malheureusement pas empêché qu’elle perdure.

Quels sont les principaux objectifs visés par ce colloque qui s’annonce de bon augure, et qui plus est intervient après le dégel de relations entre Alger et Paris ?

Parler de ces intellectuels qui ont jeté des passerelles, tissé des liens, construit des ponts entre nos deux peuples au moment où les relations entre Alger et Paris se dégèlent tombe en effet à point nommé. Si toute l’histoire de la colonisation française doit être traitée sans fard, il ne faudrait pas non plus oublier ce qui rapproche nos deux peuples. Ces intellectuels en font partie. Il faut leur rendre un juste hommage.

Des observateurs avisés, notamment sur le Net se posent la question: pourquoi oublier les faiseurs d’opinion comme Mohamed Dib, Jean Lacouture, Jean-François Kahn, Henri Alleg, Henri-Irénée Marrou, Albert-Paul Lentin, même si des lectures de certains auteurs ont été programmées?
Certains faiseurs d’opinion n’apparaissent pas nominativement dans les intitulés des interventions, mais il en est beaucoup question pendant le colloque! C’est le cas d’Henri Alleg ou encore de Jean-Paul Sartre par exemple. D’autres n’apparaissent pas car ils étaient encore trop jeunes. Ils sont devenus des intellectuels reconnus après la guerre d’Algérie. Tel est notamment le cas de Jean-François Kahn ou encore de Pierre Bourdieu, dont nous commémorons aussi le vingtième anniversaire de sa disparition. J’aurais voulu ouvrir tout un panel sur ces «amis de l’Algérie» de l’après-indépendance. Mais nous étions vraiment pris par le temps: il aurait fallu trois jours de colloque, ou alors ouvrir un séminaire de plusieurs années, mais ce n’était pas possible! Il est certain qu’il faudra poursuivre les travaux: le processus engagé ne doit pas s’arrêter. Tout ce que j’espère, c’est qu’il aura la possibilité d’un cadre pour pouvoir le faire, que des chercheurs français et algériens, mais aussi d’autres nationalités, continuent de se rencontrer pour traiter de ce sujet.

Les mêmes observateurs s’interrogent également sur la place réservée à Jacques Soustelle, Alexis de Tocqueville, Albert Camus, etc. dans un colloque consacré aux oppositions intellectuelles contre la colonisation et la guerre d’Algérie ?

J’ai en effet lu des critiques sur Jacques Soustelle ou Albert Camus. Mais il faut montrer aussi les ambiguïtés de certains intellectuels, leurs évolutions, voire leurs revirements. Considérer que les intellectuels sont réductibles à une seule position qui les résume est une erreur manifeste. C’est une pensée anhistorique. Albert Camus a critiqué les conditions de vie dans lesquelles vivaient les Algériens pendant la colonisation, a dénoncé les massacres du 8 mai 1945, ou encore a appelé à protéger les civils, pour ensuite se taire et refuser de prendre position dans le conflit algérien jusqu’à sa mort accidentelle le 4 janvier 1960. Il faut aussi aborder ce type de positionnement. Il en est de même pour Jacques Soustelle: comment un homme de gauche vire-t-il en faveur de «l’Algérie française» et de l’OAS? Inversement, comment un homme ou une femme de droite en viennent-ils à être favorables à l’indépendance ? Ce sont des parcours qui sont intéressants à comprendre.

Les occulter sous le prétexte qu’ils ne sont pas assez «purs» ou «irréprochables» serait une erreur. Le travail intellectuel exige justement de creuser les complexités, les ambiguïtés, les particularités, les contradictions. Ce serait vraiment dommage de ne voir que cela et condamner l’ensemble du colloque, qui traite de Frantz Fanon, de Jean-Paul Sartre, de Francis Jeanson et des «Porteurs de valises», du « Manifeste des 121 », des avocats anticolonialistes, des écrivains comme Kateb Yacine, des peintres qui se sont opposés à la guerre et à la colonisation. Ce serait – je trouve – une dramatique erreur. Qu’un tel colloque puisse se dérouler en France sur ce sujet est une chance extraordinaire. Ne gâchons pas notre plaisir.


Un article dans Arab News


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et un interview de Tassadit Yacine



  1. Ali Haroun, La 7e Wilaya : la guerre du FLN en France, 1954-1962, Alger, Casbah, 2000.
  2. Jacques M. Vergès, De la Stratégie judiciaire, préface d’Amar Bentoumi, Éditions de Minuit, 1968.
  3. Sylvie Thénault, « Défendre les nationalistes algériens en lutte pour l’indépendance. La défense de rupture en question », Llora Israël et Maria Malatesta, dir., Le Mouvement social, n° 240, « Défendre l’ennemi public », juillet-septembre 2012.
  4. Gisèle Halimi, Avocate irrespectueuse, Stock, 2002, et sa notice in Rachid Khettab, Les Amis des Frères. Dictionnaire biographique des soutiens internationaux à la lutte de libération nationale, Alger, dar Khettab, 2012, p. 169.
  5. Notice, in Les Amis des Frères, op. cit., p. 357.
  6. Ibid., p. 128.
  7. Arthur Grosjean, « Les avocats lyonnais et la défense des indépendantistes algériens », B. Dubbell, A. Grosjean, M. Thivend, dir., Récits d’engagement. Des Lyonnais auprès des Algériens en guerre, Saint-Denis, Bouchène, 2012.
  8. Notice in, Les Amis des Frères, op. cit., p. 236.
  9. Voir sa notice in René Gallissot, dir., Algérie : Engagements nationaux et question nationale. Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, Maghreb, Éditions de l’Atelier, « Collection Jean Maitron », 2006, p. 237-239, et Les Amis des Frères, op. cit., p. 112.
  10. Paris, Riveneuve, 2016, et Des Algériens au Barreau. Les avocats d’origine musulmane dans l’Alger coloniale, Alger, Casbah, 2017.
  11. El Khorso Malika, dir., Algérie 1964-1962. Les robes noires au front : entre engagement et « art judiciaire », Actes du colloque international en hommage à Abdelhamid Benzine, Alger, Les Amis d’Abdelhamid Benzine, 2012.
  12. Sharon Elbaz, « L’avocat et sa cause en milieu colonial. La défense politique dans le procès de l’Organisation spéciale du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques en Algérie (1950-1952) », Politis, vol. 16, n° 62, 2003.
  13. Un Guadeloupéen à Alger : Me Maurice L’Admiral (1864-1955), Riveneuve, 2014.
  14. C. Phéline, « Deux cas locaux de résistance paysanne à l’extension des terres de colonisation : la révolte de Margueritte (1901) et l’affaire des Beni-Dergoun (1895-1923) », Colloque international Propriété et société en Algérie contemporaine : quelles approches ?, IREMAM, Aix-en-Provence, 20-21 mai 2014, Actes en ligne.
  15. C. Phéline, La Terre, l’Étoile, le Couteau. Le 2 août 1936 à Alger, Vulaines-sur-Seine, Le Croquant, Alger, Chihab, 2021.
  16. Nathalie Funès, Le Camp de Lodi, Algérie 1954-1962, Stock, 2012.
  17. Malika Rahal, Ali Boumendjel : une affaire française, une histoire algérienne, Les Belles Lettres, 2010.
  18. Https:// maitron.fr/spip.php. article157296.notice OULD AOUDIA Amokrane [Dictionnaire.Algérie] par Vanessa Codaccioni, version mise en ligne le 3 mars 2014, dernière modification le 3 mars 2014.
  19. Barkahoum Ferhati, « Maître Pierre Popie (1930-1961), un “chrétien de gauche” victime des ultras », Défis démocratiques et affirmation nationale. Algérie, 1900-1962, Afifa Bererhi, Naget Khadda, Christian Phéline, Agnès Spiquel (dir.), Alger, Chihab, 2016.
  20. Jean-Philippe Ould Aoudia, Un Élu dans la guerre d’Algérie. Droiture et forfaiture, Éditions Tirésias, 2000.
  21. Jean Jaurès, Vers l’anticolonialisme. Du colonialisme à l’universalisme, Textes réunis et présentés par Gilles Manceron, Paris, Les Petits Matins, 2015.
  22. Chair noire (1889), Au pays des fétiches (1890), Terre de mort (1892) et Journal d’un marin (1897), La Gloire du sabre (1900).
  23. Gilles Manceron, Marianne et les colonies, La Découverte, 2003.
  24. Charles Gide (1847-1932).
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