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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024
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le 17 octobre 1961 à Paris

"En octobre 1961, il y eut à Paris un massacre perpétré par des forces de l'ordre agissant sous les ordres de Maurice Papon." [Jean-Luc Einaudi]

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Le 4 octobre 1961, Maurice Papon 1, préfet de police, met en place, avec l’accord du gouvernement de de Gaulle, un couvre-feu concernant les « FMA » (Français musulmans d’Algérie) ; un véritable couvre-feu au faciès ! Contre cette mesure, le FLN organise une grande manifestation non violente pour le 17 octobre à 20h30.

La manifestation est interdite par le gouvernement ; 7 000 policiers prennent position. Les manifestants sont environ 30 000 ; il y aura 11 730 arrestations. Selon la version officielle, il y eut 2 morts ce jour-là ; mais les chercheurs parlent d’au moins plusieurs dizaines de tués par la police française, voire quelques centaines.

Le 30 octobre 1961, à l’Assemblée nationale, Eugène Claudius-Petit, député centriste, dénonça violemment les responsabilités de la Préfecture de police

« Il faut appeler les choses par leur nom. Chaque gardien de la paix ne pouvait plus se déterminer, à cause de l’ordre reçu et de la décision prise, autrement qu’en tenant compte de la couleur de la peau, de la qualité des vêtements ou du quartier habité. Heureux les Kabyles blonds qui ont pu échapper aux réseaux de la police ! Faudra-t-il donc voir prochainement, car c’est la pente fatale, la honte du croissant jaune après avoir connu celle de l’étoile jaune ? »

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Le 27 octobre 1961, Claude Bourdet avait interpellé Maurice Papon au conseil municipal de Paris sur l’exactitude des faits qui se lisaient dans la presse parisienne, à savoir le repêchage de 150 cadavres d’Algériens depuis le 17 octobre 1961 dans la Seine entre Paris et Rouen.

Maurice Papon devait déclarer : « La police a fait ce qu’elle devait faire » et « Nous avons gagné la bataille de Paris. »

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Dans un article paru le 20 mai 1998, dans Le Monde, Jean-Luc Einaudi écrit : « Je persiste et signe. En octobre 1961, il y eut à Paris un massacre perpétré par des forces de l’ordre agissant sous les ordres de Maurice Papon ». A la suite de quoi Jean-Luc Einaudi a été cité par Maurice Papon devant le tribunal correctionnel de Paris pour « diffamation envers un fonctionnaire public ».

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Le 26 mars 1999, en déboutant Maurice Papon de sa plainte, le tribunal a reconnu la réalité de ces massacres.

par Philippe Bernard [Le Monde – 28 mars 1999]

Relevant que « l’ensemble des témoignages » cités par Jean-Luc Einaudi « n’est pas réfuté […] », le tribunal a constaté que « les éléments produits conduisent à retenir que certains membres des forces de l’ordre, relativement nombreux, ont agi avec une extrême violence, sous l’empire d’une volonté de représailles, dans un climat d’exaspération qui résultait des multiples attentats commis contre les fonctionnaires de police dans la période précédente », que « cette violence n’était pas justifiée par le comportement des militants ce soir-là », qu’ « elle s’est exercée non seulement « à chaud » lors de la manifestation elle-même, mais également « à froid » dans les centre d’internement hâtivement constitués pour accueillir les personnes arrêtées », que « le nombre des victimes a été important, en tout cas largement supérieur à celui du bilan officiel ».

Revenant sur la mise en cause, par Jean-Luc Einaudi, de la responsabilité de Maurice Papon, le jugement cite à la fois les propos vengeurs du préfet aux policiers – « Pour un coup reçu, nous en porterons dix » – et des écrits de 1963 revendiquant une « responsabilité directe et personnelle » sur les opérations de maintien de l’ordre.

Au total, « compte tenu des informations dont disposait la hiérarchie, de la gravité des comportements décrits par les témoins, de leurs conséquences tragiques, de la controverse publique apparue dès le lendemain des événements, un historien ne pouvait pas ne pas poser la question de l’engagement de la responsabilité personnelle du préfet de police. »

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Lancé au mois de septembre 1999 à l’initiative de Sidi Mohammed Barkat, d’Olivier Le Cour Grandmaison et d’Olivier Revault d’Allonnes, l’appel ci-dessous a recueilli plusieurs milliers de signatures.


« LE 17 OCTOBRE 1961 : POUR QUE CESSE L’OUBLI !

Les 17 et 18 octobre 1961, lors d’une manifestation non-violente contre le couvre-feu qui leur était imposé, des dizaines d’Algériens étaient assassinés à Paris par des fonctionnaires de police aux ordres de leurs supérieurs.

Depuis trente-huit ans, ce crime contre l’humanité commis par l’État a été occulté, et ceux qui l’ont organisé n’ont jamais eu à rendre compte ni de leurs décisions ni de leurs actes. Une telle situation est inacceptable, car elle ajoute à ce massacre l’outrage aux victimes et à leurs proches.

Pour que cesse cette injustice qui se soutient d’un silence complice et voulu, nous demandons que soit créé un lieu du souvenir à la mémoire de ceux qui furent assassinés, et que la République reconnaisse enfin qu’il y a eu crime.  »

Le site de l’association 17 octobre 1961, contre l’oubli.

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Bibliographie

Paulette Péju, Ratonnades à Paris et Les harkis à Paris, avec quelques photos d’Elie Kagan, éd.La Découverte.

Jean-Luc Einaudi, La bataille de Paris, éd. Points Seuil.

Olivier Le Cour Grandmaison, Un crime d’Etat à Paris, éd. la Dispute.

Jean-Jacques Gandini, Le procès Papon, éd. Librio.

© Au nom de la mémoire
© Au nom de la mémoire

  1. Le même Maurice Papon a été condamné à Bordeaux en 1998 à dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l’humanité, pour son rôle dans l’arrestation de juifs lorsqu’il était secrétaire général de la préfecture de la Gironde entre 1942 et 1944.
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