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Édition du 1er au 15 décembre 2024

Un document exceptionnel :
les Mémoires filmés
de Mohammed Harbi

Mohammed Harbi a eu, depuis la guerre d'indépendance algérienne jusqu'à aujourd'hui, un parcours exceptionnel. Il a prolongé son engagement dans le mouvement national par d'importants ouvrages et travaux universitaires portant sur la société algérienne, sur l'histoire de cette guerre et sur l'analyse du régime qui s'est installé après elle. Bernard Richard et Robi Morder, sur une idée de Claude Kowal, ont enregistré avec lui 23 entretiens, pour un total de 38 heures. Ils éclairent non seulement l’histoire de l’Algérie contemporaine, mais, à l'heure où cette page d'histoire suscite un regain d'intérêt en France et où les Algériens, à travers un mouvement profond, le hirak, s'interrogent sur l'avenir de leur pays, ils alimentent aussi utilement une réflexion pour le présent.

Présentation
par Bernard Richard et Robi Morder


Source

Il existe en France une fraction de l’opinion – certes minoritaire – qui est radicalement anticolonialiste. Cette minorité s’est opposée, dès 1830, à la conquête de l’Algérie. Elle s’est engagée, de façon très énergique, pendant le guerre de libération : Manifeste des 121, soutien du droit à l’insoumission, réseaux d’aide au FLN, etc. Elle était parfaitement consciente du fait que le droit et la légitimité étaient du côté des colonisés qui se libéraient d’une domination qualifiée aujourd’hui – et à juste titre – de crime contre l’humanité. Les membres cette minorité ont maintenu des liens d’amitié entre les peuples algérien et français.

Mohammed Harbi, militant, cadre politique, leader de la « gauche du FLN » puis de l’opposition au régime militaire, devenu un historien éminent sans jamais renoncer à la lutte, a été une référence pour les jeunes gens qui se rendaient à Alger à une époque où, croyaient-ils, l’Algérie pouvait devenir Cuba en Méditerranée. Mohammed Harbi a consacré sa vie à la lutte contre le colonisateur puis contre la dictature militaire qui s’est emparée de son pays. Il est convaincu que toute évolution démocratique de l’Algérie est soumise à la condition nécessaire que son histoire ne soit plus instrumentalisée par les pouvoirs. Il nous présente, en 23 entretiens thématiques, son analyse de l’histoire du mouvement national et de la situation politique contemporaine en Algérie. Il est essentiel que cette histoire soit portée à la connaissance des populations algérienne et française. C’est la raison pour laquelle nous avons entrepris ce travail avec Mohammed Harbi.

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MÉMOIRES FILMÉS DE MOHAMMED HARBI


Sommaire

Entretien n° 1
ENFANCE, ÉDUCATION
(1 h 43 min.)



LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE.
La naissance de M. Harbi à El Harrouch. Son enfance, sa famille, son origine sociale, son éducation. Prégnance et importance de la religion.
L’ATMOSPHÈRE POLITIQUE.
Les idées fortes du nationalisme : culture islamique et principes républicains, importance des Oulémas et des médersas dans l’éveil au nationalisme.
SOCIALISATION ET PREMIÈRES RÉVOLTES.
Interne au lycée à Skikda, apprentissage de la sociabilité et accès à la culture urbaine (cinéma, musique, théâtre). Le scoutisme, une socialisation militante. Les contacts avec les classes populaires et le monde du travail rural éveillent à la notion de classes sociales.
LA SECONDE GUERRE MONDIALE A CHANGÉ LES MENTALITÉS.
Le colonisateur n’est plus invincible.

Entretien n° 2
SÉTIF, GUELMA, KHERRATA
(54 min.)



LES DÉBUTS DU PPA À EL HARROUCH ET À SKIKDA.
L’union du PPA avec les Oulémas et l’UDMA dans les Amis du manifeste et de la liberté, un véritable mouvement de masse, au sein duquel se manifestent mysticisme et millénarisme.
LE 8 MAI 1945 À EL HARROUCH, SÉTIF, GUELMA, KHERRATA.
Le 8 mai vécu par M. Harbi à El Harrouch. Caractéristiques et spécificités des manifestations et des massacres à Guelma et dans le Sétifois. Des victimes dans la famille de M. Harbi. Le traumatisme indélébile de ces évènements a marqué la génération des révolutionnaires de 1954 et fut décisif dans leur décision d’engagement dans le nationalisme à l’instar de M. Harbi.
MILITER DANS UNE CITÉ PLÉBÉIENNE.
Le raz de marée du MTLD aux élections de 1948 marquées par une fraude massive de l’administration. Empreinte religieuse et espérances modernistes dans la population. Une poussée politique incroyable dans les lycées et collèges, entre 1948 et 1954, au contact de la plèbe militante nationaliste et aussi de professeurs de lycée marqués à gauche. Les médersas, comme El Kettania à Constantine, ne sont pas en reste. Comme M. Harbi, de nombreux lycéens connaissent une promotion rapide au sein du parti indépendantiste.
LANGUE ARABE ET CULTE MUSULMAN.
L’arabe n’est pas reconnu comme langue d’enseignement par l’administration qui a sous son autorité le culte musulman.
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Entretien n° 3
LE TRIOMPHE DU POPULISME VERS LA LUTTE ARMÉE
(1 h 50 min.)


SKIKDA, VILLE NATIONALISTE.
Victoires électorales du PPA-MTLD en 1947 et 1948. Une ville prolétarisée, plébéienne à très forte militance (2 000 militants dans la région). M. Harbi arrive dans une période de grande effervescence. Le MTLD attire de plus en plus les jeunes, un scoutisme très nationaliste. Création de l’OS, branche paramilitaire.
CARACTÉRISTIQUES DU PPA-MTLD.
Un nationalisme autoritaire et religieux, un parti très personnalisé. Le fonctionnement du parti, les débats. L’idée très forte de résistance et de lutte armées est favorisée par le blocage colonial de toute évolution et la répression fondée sur la responsabilité collective.
COLLÈGE, LYCÉE ET ENGAGEMENT NATIONALISTE.
Une majorité d’Européens. Un lycée très politique, d’où beaucoup de cadres de la révolution sortiront. À l’instar du lycée, le service militaire et les syndicats sont des lieux de brassage social, ce n’est pas la ségrégation. Des étudiants algériens qui reviennent de France sont porteurs de l’idée nationaliste. Le mouvement lycéen a donné plus au mouvement national que l’Université.
LUMIÈRES/RELIGION.
Tous les symboles de la religion sont là, dans le parti, avec de surcroît le ralliement en masse des confréries. Les lycéens : « L’idéologie républicaine a plus de prise sur nous. »
CONDITION DES FEMMES.
Un parti exclusivement masculin, la question de l’émancipation des femmes est posée dans les cellules lycéennes. Quelques militantes cependant. Les femmes sont souvent victimes de mauvais traitements, le parti intervient contre les violences dans les familles.
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Entretien n° 4
ÉTUDIER ET MILITER A PARIS
(2 h 17 min.)



MILIEU ÉTUDIANT ET MILITANTISME.
Arrivée de M. Harbi à Paris en 1952. Le baccalauréat puis l’Université. Socialisation et apprentissage de l’autonomie. Effervescence anticoloniale : les organisations étudiantes nord-africaines (Tunisie, Maroc) et africaines (FEANF), le Comité anticolonialiste dirigé par le PCF. Lutte pour la direction de l’AEMAN, dont M. Harbi deviendra un des responsables. Une population étudiante pauvre dont la majorité est hors du MTLD, mais qui afflue dans les organisations étudiantes. Le débat UGEA ou UGEMA.
LA FÉDÉRATION DE FRANCE DU MTLD.
La délégation permanente du MTLD a un rôle de contrôle sur l’émigration. Débats et divergences sur la définition de la nation. M. Harbi est chargé des rapports avec la SFIO et le PCF. La gauche française est largement influencée par la doctrine assimilationniste de l’« évolution ».
VERS LA SCISSION ET LA LUTTE ARMÉE.
Le conflit entre les partisans de Messali Hadj et ceux du Comité central. La lutte armée était admise par les deux camps, mais pas les voies et modalités. Le 1er novembre surgit dans l’impréparation, d’autant plus que le MTLD est décapité par les arrestations en masse de ses cadres (opération Orange amère).
LES DÉBUTS DE LA GUERRE EN FRANCE.
Chez les étudiants l’UGEA se dissout, L’UGEMA rallie le FLN dans le sillage des partisans du comité central en 1955. Le FLN s’organise, la question de la lutte armée en France, de l’opinion publique et du rapport aux gauches françaises. La bagarre pour l’hégémonie en Algérie et sur l’émigration en France entre le FLN et MNA.
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Entretien n° 5
LES RELATIONS AVEC LA GAUCHE FRANÇAISE
(1 h 58 min.)



LE FLN ET LA GAUCHE FRANÇAISE.
M. Harbi est au FLN le principal interlocuteur de la gauche. Les contacts avec les socialistes (A. Savary, G. Belorgey). Les rapports avec le PCF : difficiles avec la section coloniale ; mettre le PCF devant ses contradictions. Le « PCF et la révolution algérienne », texte de M. Harbi dans la revue 4e Internationale. Attaques violentes contre le PCF dans El Moudjahid (Fanon, Abbane), que F. Jeanson et H. Cuénat trouvent malvenues. Les rapports avec France-Observateur (Bourdet, Martinet), avec la gauche chrétienne (Mandouze, Barrat) et les compagnons de route du PCF (Vercors, Pierre Cot).
LA GAUCHE FACE AU CONFLIT FLN-MNA.
Une gauche divisée face à l’affrontement fratricide. Une gauche qui soutient la révolution mais est critique à l’égard des attentats contre le MNA (D. Guérin, Y. Dechezelles, P. Stibbe). Le soutien de la tendance trotskiste lambertiste au MNA. Le rôle de la gauche européenne dans l’arrêt des attentats anti-MNA.
L’EXTRÊME GAUCHE ET LA RÉVOLUTION ALGÉRIENNE.
Les positions de soutien critique (Socialisme ou Barbarie, anarchistes). La 4e Internationale (Pablo) dans le soutien concret (réseaux, fonds, liens avec la social-démocratie européenne, internationalisation des contacts…) dont le FLN tire un profit politique manifeste. Attitude des partis et personnalités françaises face au conflit FLN-MNA. Les lambertistes, très influents aux USA, soutiennent Messali. La tendance Daniel Guérin des anarchistes, également. Les centralistes sont assez puissants dans les organes de direction du FLN jusqu’à fin 1957-1958. Ils sont éliminés avec A. Ramdane en août 1957.
DÉBUTS D’INTERNATIONALISATION DE LA QUESTION ALGÉRIENNE.
À Bandoung, les Algériens sont soutenus par Nasser. Nehru est opposé à leur présence officielle. Leur délégation est intégrée à celles des pays nord-africains. L’écho favorable de la révolution algérienne aux États-Unis (Kennedy).
IDÉOLOGIE.
Arabo-islamisme, anticommunisme, les fondamentaux de la grande masse et des messalistes. Un sentiment majoritairement islamo-nationaliste et primat de l’efficacité immédiate en guise de stratégie. Un fort sentiment anticommuniste (UGEMA). La faiblesse du courant marxiste et radical et son élimination de la direction de la Fédération de France. « La réflexion sur la lutte de longue durée, les rapports politique-lutte armée, c’est nous (les marxistes) qui les posions », M. H.
SYNDICALISME ALGÉRIEN.
UGTA, UGSA, USTA. Le maintien des ouvriers algériens dans la CGT ; contacts avec H. Krasucki et A. Tollet. Création de l’Amicale des Algériens en France.
L’ORGANISATION FLN EN FRANCE.
Le FLN, une organisation massive, non pyramidale, peu sensible à la répression policière ; pas un parti mais un mouvement social avec possibilité d’initiatives autonomes. L’action de la police est efficace contre les réseaux d’aide français, moins contre le FLN. L’arrestation de la direction de la Fédération de France en février 1957 et ses conséquences : le communiqué de la direction et l’initiative autonome de M. Harbi.
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Entretien n° 6
LA FÉDÉRATION DE FRANCE DU FLN
ET LA GUERRE RÉVOLUTIONNAIRE
(1 h 39 min.)



LA FÉDÉRATION DE FRANCE DANS LA LUTTE DU FLN EN FRANCE.
La lutte armée en France était prévue dès le départ, en 1954. Ben Bella en était responsable. Son arrestation et la lutte contre le MNA ont entravé ce projet. Pourquoi la guérilla en France ? Pour pallier les difficultés de la lutte en Algérie. Quelques coups ont été portés. La sortie de France du comité fédéral est en rapport avec la préparation de la lutte armée en France prévue en août 1958 (M. Harbi est opposé à cette sortie vers l’Allemagne). Dans quelle stratégie militaire s’inscrit cette nouvelle phase de la lutte ? Les attentats des services français en Allemagne (la Main rouge).
LE RÔLE DE L’ÉMIGRATION DANS L’INSURRECTION.
La Fédération de France est la manne financière du FLN, d’où son poids en influence auprès de la direction, mais elle n’est jamais sortie de son rôle subordonné et fidèle à la direction exécutive du FLN.
LA LUTTE FLN-MNA.
La lutte contre le MNA, un des axes principaux de la lutte du FLN en France. Le CCE (direction exécutive du FLN), en 1957, donne l’ordre de tuer tous les cadres messalistes. Dans la Fédération de France, élimination politique progressive de tous les cadres opposés à la lutte armée contre le MNA ou critiques de la stratégie militaire en France.
EN TUNISIE, AUX FRONTIÈRES.
Démissionnaire de la Fédération de France, à l’été 1958, M. Harbi reprend des études en Suisse, puis est appelé en mai 1959 à Tunis, où il devient chef de cabinet civil du ministre des Forces armées (K. Belkacem) : rapports sur la situation politique en France, la formation des cadres… L’armée des frontières : sa composition, les rapports entre guérilleros et officiers déserteurs de l’armée française ; dissidences et rébellion ; les problèmes posés par les lignes Morice et Challe ; guerre révolutionnaire et formation politique des cadres de l’armée. M. Harbi en conflit avec l’état-major.
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Entretien n° 7
DE LA GUERRE FLN-MNA
À LA LIQUIDATION DE ABBANE RAMDANE
(1 h 24 min.)



GUERRE DE GUÉRILLA ET MOBILISATION POPULAIRES.
Stratégie et tactique. La lutte armée est un moyen parmi d’autres. Ce qui est essentiel, c’est la mobilisation de la population, et la communauté algérienne en France y était prête à la veille de l’insurrection. La lutte armée en France, prévue dès le départ, a été retardée par le conflit avec le MNA. Deux directions successives de la Fédération sont démantelées par la répression, en 1956 et 1957. La préparation de la lutte armée en France (fin 1957 et 1958) est concomitante avec le départ de la direction fédérale en Allemagne auquel s’oppose M. Harbi, comme il s’oppose à la lutte armée en France (qui commence en août 1958 par des attentats contre des installations), il est convaincu que la révolution algérienne doit tenir compte des populations algérienne et européenne. Quel objectif politique et quelle conception de la guerre révolutionnaire.
FLN CONTRE MNA.
Messali Hadj a remporté sa bataille contre le comité central, mais de cette scission est né le FLN. Surmonter la division du nationalisme en deux courants : FLN et MNA. La violence s’est imposée dès le début, mais de la bastonnade on est passé à l’élimination par les armes. Cette guerre gêne les rapports avec les partis de gauche français. Elle est âprement discutée au comité fédéral de la Fédération de France : points de vue divergents, demande de l’arrêt des attentats anti-messalistes. Ordre du CCE du FLN de tuer tous les cadres MNA. L’assassinat de Filali, adjoint de Messali.
ABBANE RAMDANE, POLITIQUES CONTRE « MILITAIRES ».
Abbane et le primat du politique sur le militaire. Mais les décideurs sont les chefs militaires : le FLN est une organisation militarisée, un masque de l’ALN. Les dirigeants des partis politiques ralliés au FLN considérés comme des « techniciens » de la politique. Échec de la bataille d’Alger et des assemblées du peuple. Sur l’embuscade de Palestro. Le coup d’État de K. Belkacem au CNRA de 1957 ; élimination politique d’Abbane sans grande opposition, puis son assassinat. « L’État militaire était déjà là. » Les « 3 B » à la manœuvre ; la réunion des colonels (fin 1959) ; l’état-major entame sa montée en puissance et les wilayas de l’intérieur leur déclin.
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Entretien n° 8
MOHAMMED HARBI AU MINISTÈRE DES FORCES ARMÉES
(2 h 09 min.)



MOHAMMED HARBI À TUNIS.
Directeur du cabinet civil au ministère des Forces armées, dirigé par K. Belkacem. Il y retrouve son oncle maternel, le colonel Ali Kafi, lié au clan Bentobbal-Boumediene. Le rôle majeur des protections. Pour M. Harbi : Ali Kafi et les anciens centralistes, Yazid, Boulharouf, Ben Khedda, Dahlab. Et puis il s’est imposé par son travail et sa pensée politique, malgré son étiquetage comme marxiste et comme communiste. Les rapports de M. Harbi avec les partis communistes (pour les Algériens, le communisme, c’est le PCA et le PCF et rien d’autre) et avec les membres de ces formations. Sa sympathie pour Socialisme ou Barbarie.
COMPOSITION ET NATURE DE L’ARMÉE AUX FRONTIÈRES.
La majorité des troupes viennent des régions montagneuses, vraiment paysannes. Elles ne sont pas intégrées les unes aux autres. Les chefs de région veulent en garder le contrôle. Elles sont largement encadrées par les DAF (déserteurs de l’armée française), très autoritaires, ce sont souvent des anciens des guerres coloniales, anticommunistes, formés à la guerre contre-révolutionnaire dans l’armée française, mais aussi de bons techniciens, fidèles à l’état-major, formés à la guerre contre-révolutionnaire dans l’armée française. Ils occupent les postes dans les bureaux techniques, ont pensé l’après-indépendance et ce sont eux qui décideront en 1962 de qui restera dans l’armée et qui sera démobilisé. Les DAF sont en opposition avec les autres officiers, ceux issus des maquis et ceux formés dans les académies militaires arabes ou du « bloc communiste ». D’où de nombreux conflits, qui perdureront après l’indépendance. Cette armée est surtout le produit de la construction des barrages aux frontières. Les lignes Morice et Challe.
À L’INTÉRIEUR.
Nécessité de l’intégration des combattants formulée dès les lendemains du congrès de la Soummam, mais la méfiance prédomine. Échec de l’initiative d’Amirouche pour l’intégration (fin de 1958). Elle s’est faite en partie lorsque les contingents fuyant les opérations Challe sont allés dans les wilayas voisines. La question de la centralisation des efforts militaires pour les rendre moins coûteux n’a pas été pensée. Problème du manque d’armes, des frontières bloquées. De nombreuses révoltes et dissidences, suivies d’exécutions. La réunion des dix colonels pour résoudre la crise et donner une direction unique à l’armée (fin 1959).
BACKGROUND HISTORIQUE.
La nation n’est pas pensée par le nationalisme algérien. L’Algérie doit être pensée comme nation en formation (thèse de M. Harbi) et non pas une nation née avec l’arrivée de l’islam. Une société qui a été pulvérisée par la colonisation française, contrairement aux Ottomans qui ne se sont pas attaqués à la cohésion des structures de base de la société. D’où la difficulté à unifier cette population dans la lutte, et de là les rapports très brutaux. Le parti communiste a pensé la nation indépendamment de la barrière coloniale. Toute la tradition tribale (allégeance) a été transférée dans les formations politiques. La conquête a été terrible et les révoltes n’ont jamais cessé. Dans les sociétés en formation, la question du pouvoir est primordiale. La formation de l’État se fait inévitablement dans la belligérance car la société est fracturée par la colonisation. En Algérie, la caste dominante était totalement étrangère. Le système capitaliste n’a pas rompu les attaches primordiales (parenté, appartenance régionale…) en Algérie. Une population en majorité rurale. Une société précapitaliste où les groupes priment sur les individus. Deux sociétés en présence, l’une liée au secteur colonial moderne, l’autre traditionnelle. L’unité, entre ces deux composantes, est constituée par le statut de colonisé.
CONTEXTE D’UNE LUTTE RÉVOLUTIONNAIRE NI PENSÉE NI DIRIGÉE.
Une guerre révolutionnaire non pensée politiquement : « Allumer la mèche et organiser après » est une phrase des fondateurs. Une direction submergée par la mobilisation de masse. Une société très divisée : plus de harkis que de combattants, c’est un problème ; une hostilité au FLN dans certaines régions, les notables humiliés, les étudiants rejetés, parfois assassinés car imposés de l’extérieur. Les groupements opposés au FLN se sont constitués dès 1956-1957. Les intellectuels pensent « français » et ignorent largement les réalités anthropologiques de leur pays (parenté, religion). Une direction trop brutale et trop autoritaire. D’où des dissidences qu’on ne contrôle pas. La cohésion n’existe que chez les scolarisés, les intellectuels qui acceptent les servitudes d’un État centralisé. Une lutte permanente pour le pouvoir entre des militaires qui sont d’anciens politiques. Des ruraux anarchisants et collectivistes. La lutte terrible entre le FLN et le MNA était inscrite dans les fractures de la société. La France objet de fascination-répulsion. Beaucoup d’émigrés, en 1962, iront vers le secteur public, le secteur autogéré et les oppositions.
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Entretien n° 9
MOHAMMED HARBI AU MINISTÈRE DES AFFAIRES EXTÉRIEURES
(1 h 24 min.)



DES AFFAIRES EXTÉRIEURES À ÉVIAN 1.
Retour sur la crise de fin 1959-1960. Harbi suit K. Belkacem au ministère des affaires extérieures où il s’occupe du département des pays socialistes et est en relation avec les militaires pour les achats d’armes. M. Harbi entre en conflit avec l’état-major (Mendjli, Boumediene) et doit alors comparaître devant un conseil de discipline (Ferhat Abbas, Boussouf), qui le met hors de cause. M. Harbi est nommé à la direction de l’information du ministère des affaires extérieures. Il est responsable des radios. La question linguistique : l’Égypte impose l’arabe littéraire sur sa radio, La voix des Arabes. Le FLN a conservé son autonomie par rapport aux pays arabes. M. Harbi ambassadeur en Guinée jusqu’en septembre 1961. Il participe aux réunions du groupe de Casablanca et aux premières négociations d’Évian comme expert.
Campagne pour les détenus en grève de la faim pour l’obtention du statut de prisonnier politique.
D’ÉVIAN 1 À ÉVIAN 2.
M. Harbi secrétaire général du nouveau ministère des affaires extérieures dans le gouvernement Ben Khedda. L’UGEMA fournit les cadres des affaires extérieures. Controverse à propos des rapports avec Cuba. Relations difficiles avec le bloc communiste. La reconnaissance tardive du gouvernement algérien par les autres nations. De Gaulle, le putsch et l’OAS ; les militaires français et la guerre d’Algérie. Les manifestations de décembre 1960, tournant politique. Secondes négociations d’Évian menées sous la direction de K. Belkacem ; la question du Sahara. Le pourquoi de la démission collective au ministère des affaires extérieures (février 1962).
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Entretien n° 10
VERS LA FORMATION DU CLAN DIRIGEANT
(1 h 43 min.)



DE LA CRÉATION DE L’ÉTAT-MAJOR (EMG) AU CONFLIT AVEC LE GPRA.
Tentatives et échec d’intégration des wilayas à l’armée (Amirouche, COM Est et Ouest). Réunion des colonels et contestation des « 3 B ». Décision de créer un état-major unifié, qui considère l’armée des frontières comme la force de la révolution et déconsidère les wilayas. Les nouveaux chefs de l’armée prétendent à la direction politique ; constitution d’un nationalisme dans l’armée qui se donne donc une force matérielle et une idéologie. Début de l’affrontement avec le GPRA : incident de l’avion mouchard ; la démission de l’EMG. L’EMG soupçonne le GPRA de bradage à Évian, mais refuse d’envoyer un représentant aux négociations.
LES LUTTES POUR LE POUVOIR.
Le nouveau gouvernement Ben Khedda écarte F. Abbas, « bénéficiaire » des manifestations de décembre, à la demande des « 3 B ». Clivages intérieurs (3 B), extérieur (EMG allié à Ben Bella, Khider, Bitat, à la suite du refus de Boudiaf). Ces deux forces privilégient la prééminence des combattants sur les non-combattants. C’est une opération entre deux fractions de l’armée. La crainte d’une troisième force (exécutif provisoire). Les DAF rallient l’EMG, un contre-État en formation. Tout pour le pouvoir, même au prix d’alliances incroyables.
LE CONTEXTE CÔTÉ ALGÉRIEN.
Affaiblissement de la guérilla intérieure, les wilayas à genoux. La diplomatie algérienne à l’offensive en 1960-1962. Les manifestations de décembre 1960 et le retour du peuple algérien. Dans la négociation, tous les facteurs ont joué en faveur du GPRA. La question des frontières héritées du colonialisme.
LE CONTEXTE CÔTÉ FRANÇAIS.
Pression internationale sur le gouvernement français ; crainte d’une déstabilisation de toute l’Afrique du Nord parmi les Occidentaux ; isolement diplomatique. Le revirement de De Gaulle. Le rôle très négatif de l’OAS, la dissidence d’une partie de l’armée et le risque de guerre civile.
LA QUESTION DE LA MILITARISATION DE LA SOCIÉTÉ.
Tant du côté algérien que français.La crainte d’un affrontement entre les populations.L’absence du mouvement ouvrier lors du conflit.
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Entretien n° 11
LES PROGRAMMES : LA SOUMMAM ET TRIPOLI
(1 h 32 min.)



LE CONGRÈS DE LA SOUMMAM ET SON CONTEXTE.
La répression extrêmement brutale ranime, entre novembre 1954 et août 1956, la mobilisation très forte momentanément désorientée par la scission du MTLD et la décapitation des anciens partis. Le coup du 20 août 1955. Le basculement rapide de la population rurale vers le FLN, mais aussi des couches moyennes. Faiblesse de l’encadrement administratif français dans les campagnes. Le Maghreb en effervescence (Maroc, Tunisie). Les deux principes de la Soummam (août 1956) : primauté de l’intérieur sur l’extérieur et du politique sur le militaire ; force dirigeante de la révolution : les villes. Ces principes permettent d’éliminer Ben Bella et Boudiaf de la direction et de ramener au second rang un certain nombre de fondateurs. Ils sont inversés quand Krim, Bentobbal et Boussouf éliminent Abbane et Ben Khedda. Le congrès de la Soummam a créé deux institutions, le CCE et le CNRA.
LE CONGRÈS DE TRIPOLI ET SON CONTEXTE.
La crise de la transition et du GPRA à l’été 1962. La victoire de l’état-major et de Ben Bella sur Boudiaf, Krim et le GPRA. La préparation du programme de Tripoli (mai 1962) et son contenu. Force dirigeante de la révolution, la paysannerie dont une grande partie est dans les camps d’internement. Faiblesse du camp laïc ; vers un contenu arabo-islamique de l’identité nationale. La voie « non capitaliste », signifie en fait se dégager de l’impérialisme. La négation de la lutte des classes. Le pouvoir est l’enjeu au congrès de Tripoli. Ben Bella inquiétera les couches conservatrices quand il parlera de socialisme.
À LA VEILLE DE L’INDÉPENDANCE.
Ruée sur les biens des colons qui s’enfuient. Dans le peuple, la question de la cohabitation avec les colons ne se pose pas ; elle ne se pose que parmi les élites. Ce qui intéresse tout le monde, c’est la substitution, et les bourgeois sont bien placés en achetant les propriétés des colons ; il y avait des liens entre les Européens et des Algériens. En Algérie, ce n’était pas un apartheid. L’hypothèque des accords d’Évian. Le danger d’une reprise de la guerre est toujours présent en 1962. La guerre a été un creuset qui a permis l’affirmation de la nationalité algérienne dans le pays. « La force qui a fait que l’Algérie ne devienne pas le Congo, c’est l’État colonial », M. H.
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Entretien n° 12
FORMATION ET TRANSFORMATION DE L’ARMÉE
(2 h 08 min.)



AUX ORIGINES DE LA LUTTE ARMÉE.
Le congrès du PPA-MTLD de février 1947. Articulation lutte légale-lutte illégale. La conception de Messali Hadj. Le triomphe du PPA aux élections de 1947 et 1948. Le choix de la lutte armée. Création puis dissolution de l’OS. Les nationalistes divisés sur la question de la lutte armée. La question de l’ethnicité (berbérisme) ressurgira au cours de la guerre.
LE RÔLE DES ANCIENS DE L’OS.
Ce sont des responsables locaux ou régionaux. Le rôle très important de Boudiaf et Didouche Mourad qui ont rallié les anciens de l’OS dispersés, puis les ont regroupés à travers la création du CRUA. Ils sont les fondateurs du FLN. Les « militaires » sont des militants politiques partisans de la lutte armée. S’organiser et lutter en même temps : une lutte décentralisée ; découpage ethno-linguistique des wilayas et refus de l’ethnicité ; encadrement politique insuffisant ; le plan Orange amère et ses conséquences.
LES PREMIÈRES ANNÉES DE LA LUTTE ARMÉE.
Pas d’unité entre les régions, mais relations entre les chefs de région. Peu de dirigeants d’envergure nationale. Poids du patriarcat et du clientélisme, des communautés rurales, des acteurs collectifs dans le FLN. En 1956, construction d’un appareil national sous la houlette d’Abbane Ramdane ; ralliement des élites ; rôle incontournable des chefs de l’armée. La méfiance politique à l’égard des ralliés (Zighoud). Tentatives d’unification de l’armée (Amirouche versus les wilayas II et V).
SOUS LA DIRECTION DES 3B.
Un Comité permanent révolutionnaire (cinq colonels, puis les seuls 3B) dirige de fait la lutte armée. La mise en place d’une école de cadres politiques et techniques à l’ouest, puis création des transmissions et des services spéciaux (Boussouf). La crise de 1959 au GPRA. La démission du gouvernement. La réunion des dix colonels convoquée par F. Abbas à Tunis. Mort des colonels Amirouche et Haouès, dans un accrochage sur la route de Tunis. Première mise en cause du pouvoir absolu des 3B (Krim Belkacem, Bentobbal et Boussouf).
UNIFICATION DE L’APPAREIL MILITAIRE À L’EXTÉRIEUR.
Le rôle des lignes Morice et Challe. Nomination du CNRA et création de l’EMG (État-Major Général). Un brassage des troupes compliqué : dissidences et répression. Le complot Lamouri. L’EMG unificateur de l’armée (Boumediene). Lutte pour le contrôle militaire entre l’EMG et le Comité interministériel de la guerre (3B). Vers la dualité de pouvoir en 1961-1962. La mobilisation des étudiants, fournisseurs de cadres militaires. Les DAF restent fidèles à l’armée. Un recentrement de type nationaliste de l’EMG. L’EMG dans la lutte pour le pouvoir : le clan qu’elle appuiera l’emportera. Ce sera Ben Bella car Boudiaf refusera la proposition de l’armée.
Voir l’entretien


Entretien n° 13
DÉPASSER LES ACCORDS D’ÉVIAN
(1 h 54 min.)



CONTENU DU PROGRAMME DE TRIPOLI.
Résultat d’analyses divergentes, il est adopté, mais pas destiné à être publié (de fait c’est une négation des accords d’Évian). Programme de la révolution démocratique dite populaire, de fait bourgeoise, il définit une voie de type capitalisme d’État. Un programme national-populiste et non socialiste. Tous les éléments d’un étatisme se trouvent dans le programme. L’algérianisation de l’Algérie et des biens est annoncée dans ce programme, mais sans dire au profit de qui. La question sociale n’est pas posée pas plus que celle des conditions de l’application de ce programme. Le programme économique et social qui doit achever l’indépendance du pays est rédigé par Mohammed Harbi. Il y est prévu des nationalisations dont celle du pétrole et du gaz pour financer l’agriculture et la réforme agraire. Les partisans du libéralisme, défendu par des secteurs des partis d’avant 1954, ne sont pas représentés dans la commission de préparation du congrès. Laïcité ou arabo-islamisme ? Quel type de parti ?
DÉPASSER LES ACCORDS D’ÉVIAN.
Un carcan limitant l’indépendance nationale. Une solution très néocoloniale, des accords largement favorables à la France et aux couches sociales ayant progressé dans son sillage. Le problème de la propriété économique n’a jamais été posé.
LA QUESTION PAYSANNE.
C’est la question nationale sur les plans économique et culturel ; pas de parti ni de syndicat de la ruralité. Des zones très importantes du pays n’ont eu aucun rapport avec la colonisation. Une paysannerie ruinée, immensément prolétarisée, un exode rural massif. Les conséquences des camps de regroupement. Une classe en voie de « plébéisation ». « Une classe à remettre sur pied », M. H. Au fond, les appareils du FLN n’acceptent pas une réforme agraire.
LA QUESTION DE L’ÉMANCIPATION DES FEMMES.
Le poids des traditions et du courant arabo-islamique rend cette émancipation très difficile.
UN PAYS EN MOUVEMENT.
Les conditions d’une situation révolutionnaire sont créées par l’OAS qui a favorisé les conditions d’une négation des accords d’Évian. La question qui se pose à toutes les factions : comment remplacer la France qui s’en va. L’OAS défaite, les Français commençant à abandonner la place, se pose à tous la question du remplacement de l’État colonial. L’arrivée d’un pouvoir militaire qui s’imposera par la force. La crainte de l’état-major (et des DAF) de voir la Force Locale concurrencer et prendre le pas sur l’armée nationaliste. Les masses algériennes dans les campagnes et dans les villes se sont mises en mouvement. Il y a eu un « dépassement » (processus de révolution permanente) dans beaucoup d’endroits mais pas de force sociale pour le porter. Dans plusieurs régions, les anciens maquisards s’emparent de terres, comme « prises de guerre » et créent des domaines patriarcaux. Dans d’autres régions il n’en est pas ainsi (M. Harbi propose ainsi la division des domaines et la création de coopératives). La question capitalisme ou socialisme se pose dès l’indépendance. L’idée d’autogestion germe dans les syndicats et la jeunesse. Mais les initiatives sociales sont entravées par les partisans du libéralisme (militaires, anciens maquisards et cadres de l’État) et l’appareil du FLN refuse la notion de lutte de classes et se méfie de la classe ouvrière. Le pouvoir va appartenir aux anciens combattants.
L’ÉTÉ ET L’AUTOMNE 1962.
Après des mobilisations incroyables de la population, la vie politique en 1962 devient une affaire de factions et d’appareils qui a peu de chose à voir avec les intérêts de cette population. Un pays « à genoux » menacé par la guerre civile. Dans la lutte pour le pouvoir entre les fondateurs du FLN, l’option militaire (la lutte armée) est une erreur qui favorise une armée qui vise de façon lucide le pouvoir.
LE POSITIONNEMENT DE M. HARBI.
Retour sur le conflit de la direction centrale du ministère des affaires extérieures avec le GPRA et la démission collective de la direction au ministère des AE. Dans le conflit entre le GPRA et l’état-major, M. Harbi n’a pas donné son appui au GPRA. Sa rencontre avec Boudiaf à Paris, en novembre 1962. Harbi accepte l’offre de Ben Bella : conseiller technique pour l’autogestion. Il sera aussi directeur de Révolution africaine et responsable de la commission chargée de rédiger le programme de 1964 (charte d’Alger).
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Entretien n° 14
RÉVOLUTION AFRICAINE ET AUTOGESTION
(2 h 16 min.)



DESTIN DE L’AUTOGESTION.
Remettre le pays en marche, la population est enthousiaste. L’enthousiasme populaire pour l’autogestion se manifeste dès le début. La question de la constitutionnalisation de l’autogestion. L’encadrement de l’autogestion : une majorité de militants de la Fédération de France du FLN ; la gauche de l’UGTA écartée de la direction du syndicat. La gauche algérienne s’investit dans le mouvement autogestionnaire (M. Harbi, conseiller technique de Ben Bella pour le secteur socialiste et autogéré). Les adversaires de l’autogestion : l’armée, qui s’est approprié 70 000 ha de terres ; la bureaucratie de l’UGTA et du ministère de l’agriculture ; la nouvelle bourgeoisie étatiste. Reflux du mouvement autogestionnaire qui est combattu férocement. Affaires de vol, de corruption. La confiance de la population en souffre.
RÉVOLUTION AFRICAINE .
Redonner une image attractive de la révolution algérienne. De nombreux groupes d’étrangers, militants pro-indépendantistes, sont venus participer à l’édification du pays, parmi eux des trotskistes, des communistes, des chrétiens de gauche… Accueil des mouvements de libération africains. Ben Bella un leader tiers-mondiste. L’hebdomadaire Révolution africaine est créé sur décision du bureau politique du FLN. Il est d’abord dirigé par Jacques Vergès, proche de Khider et du bureau politique, et réservé sur l’autogestion. À la demande de Ben Bella en conflit avec Khider et Bitat, M. Harbi en prend la direction (mai 1963 à août 1964) : un contenu algérien ; défense de l’autogestion ; anticapitalisme, internationalisme ; une place importante donnée à l’Afrique et aux luttes indépendantistes. Protestations des représentants chinois et soviétiques contre l’hebdomadaire. Dénonciation de faits de corruption dans les entreprises. Une méconnaissance totale du problème ethnique (kabyle) par Ben Bella. En août 1964, Révolution africaine est repris en main par A. Ouzegane qui l’infléchit vers l’arabo-islamisme.
LA GAUCHE.
La gauche, dont la « gauche du FLN », est une nébuleuse. Une conception globale et des positions sur toutes les questions politiques et sociales. Sa force est dans l’expression. Des journaux, dont El Moudjahid en français et en arabe, Le Peuple sont dirigés par des hommes de gauche, des laïcs. Mais ses forces sont faibles. Le PCA prend tout le mouvement étudiant. M. Harbi souhaite unir toute la gauche. Il subit des menaces outre plusieurs tentatives de déstabilisation. Le tournant du congrès d’avril 1964 : offensive des conservateurs anticommunistes et des arabo-islamistes ; propagande chauvine, xénophobe, anti-pieds-rouges ; la gauche perd beaucoup de ses positions. La mobilisation populaire a été cassée à ce moment-là.
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Entretien n° 15
MILITARISATION DE LA SOCIÉTÉ ET CRISE DE 1962-1963
(1 h 50 min.)



CRISE DE 1962-1963.
Le conflit Ben Bella-Ben Khedda au CNRA de 1962. Désintégration des wilayas ; révolte des wilayas III et IV contre le bureau politique. Ben Bella et l’armée versus Aït Ahmed et Boudiaf. Poids des appartenances et ethnicité (Kabylie) dans le conflit. L’« intermède » de la guerre des sables (Maroc-Algérie). La préparation de la Constituante, l’élimination des « 3B » et des adversaires du bureau politique. Comment l’Algérie a évité la congolisation : la population s’interpose, l’État colonial est solide. Lutte pour l’accaparement des biens coloniaux : maquisards et petits-bourgeois contre travailleurs. Une société militarisée, phénomène majeur dans l’Algérie de la guerre et de l’après-guerre. La substance purement civile du FLN a été pulvérisée par la guerre.
LE CONGRÈS DE LA CHARTE D’ALGER (1964).
La commission préparatoire. Un programme sans cohérence masquant l’essentiel : la lutte pour le pouvoir. Une partie populiste ; négation de la pluralité de l’Algérie et définition arabo-islamique de la nation. La partie sur l’autogestion et l’analyse de la situation politique est largement rédigée par M. Harbi. La bureaucratie est nommée comme principal adversaire de l’autogestion. La question des statuts et de l’élection du secrétaire général. Un congrès non représentatif et sous contrôle policier.
LE MAQUIS EN KABYLIE.
Un maquis préparé par Krim. Ben Bella crée des milices kabyles. Une nouvelle guerre civile. Aït Ahmed prend la direction du maquis au départ de Krim à l’étranger. De nombreuses autres séditions. La guerre des sables oblige les insurgés à cesser la lutte et à rejoindre le front marocain où beaucoup d’entre eux perdront la vie. Ben Bella a donné l’armée à Boumediene et a réglé les problèmes à son profit entre 1962 et 1965. Une perpétuelle lutte des factions pour le pouvoir. La militarisation de la société, phénomène majeur de la guerre et de l’après-guerre.
LA GAUCHE.
Qu’est-ce que la « gauche » et la « gauche du FLN » ? Les tendances socialistes sont chez Boudiaf et Aït Ahmed, chez les communistes. La gauche du FLN, largement composée de nationalistes radicaux, est une nébuleuse, plutôt justicialiste, égalitariste, qui a des sensibilités pour la réforme agraire, l’émancipation des femmes, l’autogestion, contre la militarisation.
BOUDIAF.
Une personnalité méfiante qui a personnalisé son conflit avec Ben Bella. Dans la constitution du groupe fondateur du FLN, il s’entoure de militants de confiance, principalement des anciens de l’appareil de l’OS. Les contacts de M. Harbi avec les promoteurs du CRUA, dont Didouche Mourad.
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Entretien n° 16
PATRIMONIALISATION ET CLIENTÉLISME :
VERS UNE NOUVELLE BOURGEOISIE
(1 h 24 min.)



RETOUR SUR LA GAUCHE ET L’AUTOGESTION.
Les rapports de M. Harbi avec Ben Bella. M.Harbi, conseiller à la présidence, chargé de l’autogestion et, en même temps, directeur de Révolution africaine. Aller vers un système coopératif.
LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DE BEN BELLA.
Sous Ben Bella une diplomatie tournée vers l’international et surtout l’Afrique où Ben Bella désire « développer » l’islam. L’armée pousse aussi à un engagement en Afrique plutôt que dans les pays arabes.
LES CLANS D’OPPOSANTS À L’AUTOGESTION, DONT M. HARBI EST LA CIBLE.
La gauche perd ses positions de conseillers et une partie de sa presse. Le peuple ou la classe ouvrière ; quel État. Pas de politique de gauche en dehors des décrets sur l’autogestion (mars 1963). Cap de la gauche vers les étudiants, les femmes et les syndicats. Tentative de rapprochement de Ben Bella avant le coup d’État.
PATRIMONIALISATION ET CLIENTÉLISME.
Une nouvelle bourgeoisie naît. La question de la propriété au lendemain de l’indépendance : les revendications des tribus, des anciens moudjahidines, des travailleurs. L’empreinte du passé. Création de castes à partir des noyaux des anciens moudjahidines, qui ont plus de pouvoir que le FLN. Patrimonialisation, appropriation rampante à partir de l’État qui se greffe sur une « clientélisation » de toute la société, des syndicats, des associations… Les structures traditionnelles, quartiers, parentèles, alliances, ont pénétré le FLN. La nouvelle classe issue de la plèbe urbaine et rurale a besoin d’autres groupes pour maintenir sa domination. La bourgeoisie se crée à partir de la privatisation de l’État. La petite-bourgeoise, à laquelle appartient l’intelligentsia du FLN, est porteuse à la fois de l’idéal socialiste et de sa corruption. Le pouvoir finance par prébendes la formation d’une classe moyenne. Reproduction du modèle pied-noir de consommation. Prégnance de l’islamisme : ce qui lui a donné une visibilité est que le système éducatif ancien a été brisé ; le segment économique islamiste prend place à côté des segments issus de l’armée et des anciens moudjahidines.
AUJOURD’HUI.
Étouffer tout ce qui est porteur d’une alternative en occupant la droite, la gauche et le centre : c’est ça, l’Algérie d’aujourd’hui. Les troubles viennent de l’extérieur : une croyance bien installée en Algérie, à l’instar du wahhabisme. Le masque des modernistes est beaucoup plus terrifiant que celui des frères musulmans. La perversité des élites dites modernes est autrement plus grande et plus efficace que celle des islamistes. Elles brouillent la connaissance du champ social, et donc la capacité de le changer. C’est la culture de la feinte. L’armée, afin de conserver le pouvoir, ne fera pas advenir une société laïque.
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Entretien n° 17
LE COUP D’ÉTAT DE 1965 :
RÉSISTANCE, ARRESTATION, LES DÉBUTS DE L’OPPOSITION
(1 h 02 min.)



LE COUP D’ÉTAT DE 1965.
Un coup d’État très prévisible. Il est annoncé par de nombreux protagonistes. Ben Bella en est averti. M. Harbi, auprès duquel trois conjurés sont intervenus, alerte le secrétaire général adjoint de l’UGTA. La décision d’écarter Bouteflika. L’incident entre Ben Bella et Ali Kafi.
LE RÉCIT DES JOURNÉES DU COUP D’ÉTAT.
Sauver les archives. Les premières réactions : les femmes, les étudiants.
RÉACTIONS.
Les syndicats lâchent Ben Bella. La JFLN contre le coup d’État. M. Harbi et H. Zahouane refusent d’entériner le coup. Préparation de la lutte armée et d’un attentat contre Boumediene. Préparation de l’enlèvement de Bouteflika. Les tentatives d’organisation contre le coup. Le PCA n’est pas pour la lutte armée, M. Harbi non plus.
LES PROTAGONISTES.
Derrière Boumediene : le clan d’Oujda avec les anciens DAF et le clan Zbiri avec ses clients de la wilaya II. La gauche : « À la veille du coup, c’était fini pour nous. Nous intervenions dans la presse principalement » (Harbi). Le FLN : un mouvement de type patriotique devenu une organisation prébendière ; les courants politiques ne représentaient pas grand-chose.
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Entretien n° 18
APRÈS LE COUP D’ÉTAT DE 1965 :
ORP, PCA, FAILLITE DES OPPOSITIONS
(1 h 45 min.)



LES RÉACTIONS AU 19 JUIN 1965.
Le reflux était là depuis longtemps, la population est fatiguée, des leaders de la gauche sont peu conscients de l’état d’esprit du pays. À Alger, Oran, Annaba, la jeunesse se mobilise, mais est réprimée. Peu d’opposition populaire ou armée.
L’OPPOSITION DE GAUCHE.
Faillite de la gauche du FLN, éclatée entre le ralliement et l’opposition politique ou armée. Propositions de Harbi : réviser la charte, détourner l’ORP de la lutte armée et proposer lâché par les syndicats, l’UGTA refuse de soutenir l’opposition.Retour sur l’arrestation de M. Harbi le 9 août 1965 puis des autres leaders de l’ORP (Hadj Ali, Zahouane) entre août et septembre 1965. Le PCA devient maître du terrain oppositionnel à travers l’ORP. De l’ORP au PAGS. La rupture.
LES AUTRES OPPOSITIONS.
Le PRS (Boudiaf), le FFS (Aït Ahmed), l’OCRA (Lebjaoui), le RUR benbelliste (Boudia), le MDRA (Krim Belkacem). Ces organisations sont en général dirigées par des membres de la petite-bourgeoise intellectuelle. Toutes, y compris le PAGS, sont infiltrées et détruites, peu ou prou, par la Sécurité militaire (SM). Le PAGS passe de l’opposition au soutien (peu) critique à Boumediene. Son analyse politique du coup d’État. Son arrestation le 9 août 1965. Prison puis résidence surveillée dans le Grand Sud. Grève de la faim. Les deux tentatives de négociation du pouvoir. Les calomnies du PAGS à son égard après son évasion. Place et poids des Soviétiques dans les relations avec l’Algérie. Retours sur les relations avec Ben Bella de 1962 à 1965.« Les oppositions nées du FLN n’ont pas été à la hauteur de la situation. Il fallait relire d’une manière sérieuse l’histoire depuis novembre 1954. Et le refaire en touchant au sacré. Personne ne s’y est aventuré. »
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Entretien n° 19
NATION EN FORMATION ET MODERNISATION « BÂTARDE »
(55 min.)



SOCIÉTÉ ET IDENTITÉ.
La colonisation : destruction de l’État turc, de celui d’Abdelkader, du tissu social ; peuplement européen et dépossession massive des Algériens ; introduction du capitalisme dans une société à l’arrêt. Absence d’une tradition nationale, politique, d’où la fonction identitaire de la religion.
LES TROIS GRANDS COURANTS DU NATIONALISME.
Le rôle pionnier des Jeunes Algériens (émir Khaled). Trois grands courants dans le mouvement national :
• le courant du réformisme laïque, incarné, dès les années 1920, par la Fédération des élus musulmans (M. S. Bendjelloul, F. Abbas) ;
• le courant du réformisme musulman, le nationalisme culturel ; l’Association des Oulémas ;
• le courant du populisme, de l’islamo-nationalisme, né de la rupture avec le PCF, dans l’émigration en France. L’Étoile nord-africaine (ENA) de Messali Hadj était interclassiste dès le départ, refusant la lutte des classes ; Le courant communiste (PCA) s’est enraciné plus tard.
La question de l’identité algérienne se pose dans les années 1930 : existence d’un double espace public : arabo-musulman et moderniste ; ces deux sociétés ont un commun, le rejet du système colonial. Les Oulémas, fer de lance de l’identité arabo-musulmane. Le Manifeste du peuple algérien (Algérie « musulmane arabo-berbère »). Valeurs de la République française et statut personnel musulman. Une modernisation bâtarde : poids du monde rural et société urbaine. Langue arabe, islam, laïcité et question berbère.
COMMUNAUTÉ, RELIGION, NATIONALITÉ.
Être algérien, c’est être d’ascendance musulmane. La situation de la population juive des territoires du Sud. Le PCA et la cohésion nationale. Le principe de tutelle sur le peuple est profondément enraciné chez les élites : faire barrage à la vague plébéienne. Recomposition au cours de la guerre autour de la question religieuse (Ben Bella, Oulémas).
LA QUESTION DES FEMMES.
Force du système patriarcal. Les positions du PC, celles des modernistes (Abbas). Les élites sont conscientes de l’importance de la question de l’émancipation des femmes. Mais la base sociale, pour résoudre ce problème, n’existe pas. Le très important mouvement des femmes, en 1962, a été un feu de paille. En 1954, la population s’est mobilisée sur les principes de la communauté musulmane en état de guerre ; impossibilité d’une mobilisation dans la clarté. Guerre de libération plus que révolution. « Faire les transformations sociales et économiques en même temps que lutter contre les idées de l’ancien monde » (M. Harbi).
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Entretien n° 20
1971-1973 : EN RÉSIDENCE SURVEILLÉE
(1 h 16 min.)



RETOUR À SKIKDA.
« En détention depuis 1965, nous sommes libérés en 1971 et placés en résidence surveillée. Nous sommes interdits de séjour dans les grandes villes. » M. Harbi s’installe à Skikda. Il reçoit beaucoup de visites. Skikda est encore une ville ouverte, rebelle à la tradition.
TRAVAIL D’HISTOIRE À SKIKDA.
Travail d’enquête sur le PPA à Skikda et à El Harrouch. Les débuts de la lutte en 1954-1955. Le MNA majoritaire. Le rôle important de Didouche Mourad. Dans la région de Skikda, une porosité des frontières entre FLN et messalistes qui se sont lancés les premiers dans la lutte : le MNA a disparu, tout entier passé au FLN. Beaucoup de militants du PPA montent au maquis ; de nombreux morts ; rafles et arrestations. Les nouveaux militants, souvent ruraux, prennent le contrôle.Tentatives du pouvoir pour faire revenir au FLN les opposants qui sont en résidence surveillée.
AUTRES QUESTIONS D’HISTOIRE.
Relations entre le FLN et les messalistes dans d’autres régions en 1954-1956. Les médersas foyers nationalistes (El Kettania et Ben-Badis à Constantine). Les arabisants, prennent les campagnes, où beaucoup d’anciens des médersas ont survécu à la guerre. Les conversions de messalistes au FLN (colonel Haouès, commandant Si Mohammed…). Les tentatives de faire cesser les affrontements FLN-MNA. L’usage de l’arabe et du français dans l’organisation. Considérations sur l’État « boumediéniste », la réforme agraire et son échec.
LA POPULATION EUROPÉENNE.
Le départ des Européens a commencé avant 1962. L’assassinat du chanteur Raymond, en 1961, provoque le départ des juifs de Constantine. Dès mai-juin 1945, après la répression, les Européens commencent à se réfugier dans les villages et les villes. Les gens du PPA en ville avaient des liens avec la population européenne, ils étaient limités mais existaient dans une certaine convivialité. Plus tard, avec les militants d’origine rurale, ces relations cesseront tout à fait. Les populations rurales n’ont jamais été préparées à une cohabitation avec les Européens. Retour sur le travail d’enquête : Lyon, carrefour des militants et émigrés algériens de Skikda.
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Entretien n° 21
OPPOSITION A BOUMEDIENE ET ÉVASION
(1 h 19 min.)



L’ÉVASION DANS LE CONTEXTE DE L’ALGÉRIE DE BOUMEDIENNE.
À partir de 1972, Harbi et Zahouane prennent la décision de s’évader d’Algérie. Préparatifs et organisation de l’évasion ; les appuis et les « aidants ». Le passage des frontières et les escales : Tunisie, Suisse, Italie, France. À Paris.
M. HARBI EN FRANCE.
Réorientation de l’activité de M. Harbi vers l’Université, chargé de cours à la Sorbonne et à Paris 8. Se mêle aux activités de la TMRI et de l’AMR. Points d’achoppement avec le trotskisme. Relation plus étroite avec les anciens de Socialisme ou Barbarie. Besoin d’un cadre internationaliste (Tunisiens, Marocains, Sud-Américains). Orientation vers l’écriture : articles et publication de deux ouvrages, qui deviennent des références. Correspondance avec Aït Ahmed. La tentative de créer un mouvement démocratique de l’opposition en 1976 est un échec.
L’OPPOSITION APRÈS 1965 ET SES POSITIONS.
Création puis éclatement de l’ORP. Le RUR, benbelliste, est en France un groupe ouvrier, dont la tendance de M. Boudia se met au service des Palestiniens. Naissance du PAGS contrôlé par les ex-PCA. Sous la pression soviétique, il fait un premier pas vers le régime de Boumediene, puis le soutient. Il contrôle le mouvement étudiant par le biais duquel il soutient la réforme agraire (1974) et truste une part de l’intelligentsia algérienne avec le PRS (Boudiaf). Une partie des syndicats, alliée à Boumediene fait la liaison avec le PAGS. Harbi et Zahouane hors de l’opposition organisée.
RETOUR SUR LA PRISON ET LA RÉSIDENCE SURVEILLÉE.
Arrestation, tortures, séquestrations. Pressions internationales pour libérer les prisonniers. Militer en prison. Tentatives d’organiser un mouvement démocratique ouvrier. Dans le grand Sud avec Zahouane. Difficultés pour rencontrer des militants en résidence surveillée. Le pouvoir essaie à plusieurs reprises de récupérer les prisonniers.
LE BLOC AUTOUR DE BOUMEDIENE.
Les cadres de la nation, véritable assemblée et soutien du président ; la bureaucratie industrialiste plus les syndicats. Un FLN statique. Le coup d’État manqué de Tahar Zbiri.
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Entretien n° 22
SUR LA RELIGION
(1 h 56 min.)



DE L’ISLAM À LA LIBRE PENSÉE CHEZ M. HARBI.
L’islam de ma mère, l’islam populaire, les pratiques païennes plus ou moins cautionnées par l’islam. L’histoire enseignée chez les scouts est différente de l’histoire coloniale. Le patriotisme fait partie de la foi. Sauvegarder une religion mise en cause par des « croisés ». Au lycée, des professeurs laïcs. C’est le début des doutes sur la religion et l’existence de Dieu. Quelques libres-penseurs dans le parti messaliste, mais en cachette, car on pratique un islam tactique pour s’enraciner dans le peuple. Découverte, très jeune, de l’existence des classes et des luttes de classe par la fréquentation de syndicalistes à Skikda. Les graves problèmes sociaux posent question pour la façon dont on considère la religion. « Mon problème est devenu celui de la mise à distance de la religion, de la sécularisation de la société. »
L’ISLAM DANS LA SOCIÉTÉ.
Les rites de la religion musulmane. Le rite malékite (en Algérie) dans ses rapports avec la famille et le patriarcat. L’État et la religion restent confondus. La sécularisation, un processus progressif. L’autorité comme puissance ou l’autoritas librement consentie. Autoritarisme, mode de vie, mal-vie. Malékisme et hanbalisme (wahhabisme) ; coutume et surveillance (hisba). De l’impossibilité de s’exprimer ouvertement sur les questions de la religion : la guerre a freiné le débat sur la cohabitation des populations ; la responsabilité du parti colonial et des gouvernements français. La famille, cellule répressive première. Les Lumières et l’athéisme avant 1954. Les Algériens ont en tête le modèle institutionnel français, d’où une tendance à la recherche d’un fonctionnement démocratique. Distinction entre nation et communauté musulmane. Kabyles, chrétiens, juifs. Les Lumières et les Lumières arabes. Religion et nationalisme dans les autres colonies.
LES PARTIS ET LA RELIGION.
Les Oulémas, réformateurs musulmans entendent épurer la religion des superstitions, du maraboutisme et pratiquer un retour à l’islam des origines. Chez eux, règne une volonté de faire un barrage à l’émancipation des femmes. Contre l’appel à la guerre sainte dans la lutte d’indépendance, pour une lutte qui épargne les civils. Faire des concessions à la colonisation pour protéger la communauté musulmane. Ils définissent l’identité algérienne. Le PPA s’oppose à la pensée critique pour ne pas se couper du peuple. Grand problème que cette position tactique sur la confrontation et le débat. Grand recul quand on pense faire avancer la lutte vers des buts profanes par le moyen de la religion. Au début des années 1950, une citoyenneté pour les Européens peut être discutée, au sein du parti, notamment par les militants culturalistes kabyles. L’UDMA introduit un Européen dans son comité central. La pensée critique commence à avancer. La question de l’algérianité et la définition du nationalisme chez les Oulémas et le PPA.
APRÈS L’INDÉPENDANCE.
Les Oulémas hostiles à la réforme agraire et à l’émancipation des femmes. M. Harbi pour la confrontation des idées avec eux, ils peuvent « y perdre des plumes ». L’infléchissement dans le rapport État-religion est le fait de Ben Bella qui voulait donner une grande place à l’islam et « islamiser » les syndicats. La question du refus total de la non-mixité et de la vertu (pas le voile) a regroupé les islamistes. Il y eut une vraie réaction contre cela et contre le mariage forcé : la campagne de suicides de femmes. La grande manifestation des femmes du 8 mars 1965 et ses suites. Le FLN n’a rien fait pour débattre de la question. Le code de la famille, en 1984, met fin à ces revendications.
QUESTION LINGUISTIQUE.
La langue arabe, langue de contrôle social pour Boumediene. Suppression des enseignements en français de la philosophie, de l’anthropologie, de la sociologie… Se débarrasser de la pensée critique. Définition de qui est arabe (baathistes) : parler l’arabe et vouloir être arabe. Le pouvoir algérien a choisi les coopérants arabisants, de formation islamique, au Moyen-Orient, au détriment des gens de gauche. Une partie de l’élite kabyle a été écartée par l’arabisation.
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Entretien n° 23
POUR CONCLURE : DE L’ÉTOILE NORD-AFRICAINE AU HIRAK
(1 h 20 min.)



LES RACINES IDÉOLOGIQUES DU NATIONALISME ALGÉRIEN.
Les questions de la nationalité et de l’identité sont devenues une blessure. Les racines idéologiques du nationalisme algérien : l’émir Khaled, L’Étoile nord-africaine, les Oulémas, les assimilationnistes. Le refus de la revendication d’égalité par le pouvoir colonial favorise l’option arabo-musulmane. La question des apostats.
POPULATION ET SOCIÉTÉ EN ALGÉRIE.
Une structuration sociale traditionnelle. Des familles de notables dominent la scène : gens de plume, de religion, d’épée. Une société de type ecclésiastique et non pas séculière. La propriété ne fait pas l’excellence qui est dans le rapport à l’État. Le régime foncier est fondé sur la distinction entre les terres Melk (privées) et les terres Arch (en indivision, de la compétence de la tribu). La propriété individuelle introduite par les Français, qui voulaient s’emparer de la terre, a cassé la tribu. La minorité européenne, au début du 20e siècle, a pensé à une solution indépendantiste à l’anglaise (Australie, Nouvelle-Zélande, Canada). Certains ont même pensé à supprimer ce peuple vaincu. La départementalisation a figé le statut des Algériens. Les composantes de la population : minorité européenne issue de nombreuses nationalités : naturalisées français ; minorité juive assimilée à la colonisation par le décret Crémieux ; majorité arabo-berbère (définition du Manifeste du peuple algérien), les « vaincus », restant colonisés. Une société de type « préférencialiste ».
LA PLÈBE.
L’usage du mot plèbe par M. Harbi : c’est l’expression de la poussée collective du PPA dans les années 1940, des islamistes récemment, du Hirak. La plèbe, qui est dans l’infrapolitique, aspire à devenir un sujet politique à partir de la dignité. C’est la reconstitution d’un peuple à partir d’un évènement. Recomposition sociale générale. On peut commencer à parler aujourd’hui de classes en soi et non pas pour soi. Des forces socialisantes ont fini par s’incarner dans l’étatisme. Le populisme a permis d’entrer dans le système capitaliste en se libérant de la dépendance étrangère.
NOUVEL ÉTAT ET NOUVELLE BOURGEOISIE.
Une nouvelle bourgeoisie émerge à partir des bureaucraties d’État. Le support de l’État, c’est la petite-bourgeoise de gauche qui connaît une promotion sociale extraordinaire. Deux composantes de la classe moyenne issue de la petite-bourgeoise : les étudiants et les officiers de l’armée. Un capitalisme en uniforme. La question centrale de la propriété est toujours là. Les anciens moudjahidines et la privatisation dans le monde rural ; collusion entre les militaires et l’ancienne bourgeoisie dans une privatisation des biens de l’État par en haut. Confiscation par une bourgeoisie de mafieux de l’héritage colonial et des nouvelles créations de l’État lui-même privatisé.
Avec Boumediene s’est constituée une bourgeoisie financée par l’État, venant des anciens moudjahidines. Il a assuré la privatisation pour assurer la stabilité de son État. Sous Chadli, le mouvement de privatisation voit l’apparition des oligarques nés de la technocratie et une poussée consumériste dans la petite-bourgeoise, bénéficiant essentiellement aux cadres de l’armée. Bouteflika intègre les cadres islamistes parmi les bénéficiaires de la privatisation. Un capitalisme de copinage : privatisation de l’État d’abord, privatisation de l’économie ensuite.
LE MOUVEMENT SOCIAL.
Reprise du « tableau » de l’évolution sociale depuis 1962, jusqu’au mouvement populaire dit « Hirak ». « Ce mouvement est celui de ceux que la gestion de la société et de l’État dans un cadre autoritaire n’arrange pas du tout. » Reflux du mouvement de gauche sous Ben Bella. Répression considérable mais feutrée sous Boumediene. Répression et récupération. Deux oppositions de masse : l’opposition islamiste, à l’affût dans le mouvement présent (le Hirak) et associée au pouvoir à travers le monde des affaires ; l’opposition kabyle. La reconstruction de l’opposition de gauche en débat, mais ce mouvement est encore faible.
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Générique

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Une présentation aura lieu en live
le samedi 8 mai à 15 h, sur Youtube

voici le lien : https://www.youtube.com/watch?v=JKivQxpyoBs




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