À la mémoire de Jacques Jurquet
par Alain Ruscio, pour histoirecoloniale.net
Jacques Jurquet, militant communiste, né à Marseille en 1922, est décédé ce dimanche 22 novembre 20201. Communiste, Marseille, on devra ajouter Algérie et Chine (rouge) pour tenter de résumer une vie de luttes.
Issu d’une famille de militants socialistes, il participa à ses premières manifestations à l’âge de 14 ans, lors du Front populaire. L’antifascisme et l’anticolonialisme seront d’ailleurs les grands combats de sa vie. Fin 1941, donc à 19 ans, il adhéra au Parti communiste, alors en totale clandestinité. Il fut maquisard, puis engagé dans les rangs de la Première armée française (France libre). À la Libération, il milita au PCF. Non sans un début de nets désaccords, commencés lors de la guerre d’Algérie, en particulier en s’opposant au vote des pouvoirs spéciaux par le groupe parlementaire communiste (mars 1956).
Un moment clé fut pour lui l’année 1959 : il fut écarté du comité fédéral des Bouches-du-Rhône pour avoir refusé de rompre avec sa compagne, Baya Allaouchiche-Bouhoune, qui avait des activités clandestines au sein du FLN algérien.
Plus tard, lors du conflit idéologique entre l’URSS et la Chine, il prit rapidement parti pour la seconde, exactement à l’inverse de ce que fut la position de la direction du PCF. S’ensuivit, dans la logique de cette époque, une exclusion de ce Parti. Membre des Amitiés franco-chinoises, il fit dès lors de nombreux voyages en Chine. Une délégation dans laquelle il figurait fut reçue par Mao en 1964. La suite fut pour lui marquée par la fondation d’un hebdomadaire, L’Humanité nouvelle, puis l’unification d’une partie des maoïstes français au sein d’un Parti communiste marxiste-léniniste de France (PCMLF), dont Jacques Jurquet fut le premier secrétaire général. Après mai 1968, ce Parti fut dissous, dans la vague de la répression opérée par le ministre Marcellin.
Dans les années qui suivirent, Jurquet participa à toutes les activités politiques (y compris clandestines) de son Parti, manifestations contre l’extrême droite, pour le soutien à la lutte du peuple vietnamien, pour la Palestine, etc., mais aussi engagea un combat frontal, sans nuances, avec le « révisionnisme soviétique ». Il resta, en dépit des évolutions à Pékin après la mort de Mao et, surtout, l’avènement de Deng Xiaoping, un ami de la Chine, jusque dans le soutien de Pékin au régime des Khmers rouges.
L’aventure du PCMLF (devenu un temps Parti pour une alternative communise – PAC), en France, tourna court. Les déchirements internes affaiblirent un peu plus un Parti qui n’avait jamais connu une militance – et encore moins une audience – de masse. Jacques Jurquet annonça en 1986 sa démission du PAC.
Il consacra ses dernières années, tant que ses forces le lui permettaient, à participer à des activités politiques et sociétales, notamment dans les rangs du MRAP, à Marseille. Jacques Jurquet trouva le temps de rédiger un grand nombre d’ouvrage, dont certains d’Histoire.
Son attachement particulier à l’Algérie l’amena à publier notamment une somme sur La Révolution nationale algérienne et le PCF (4 volumes), mêlant reproductions de nombreux documents et commentaires acerbes, parfois violents contre ce qu’il considérait comme le « révisionnisme » de ce Parti.
D’aucuns pourraient ergoter sur les aveuglements successifs (… ou parfois simultanés) d’une génération, sur les désillusions des maoïstes ou anciens maoïstes de par le monde face aux évolutions de la Chine, inimaginables il y a encore une ou deux décennies. D’autres, c’est le cas de l’auteur de cette notice (qui pourtant fut continûment méfiant, voire hostile à cette Chine-là) préféreront garder le souvenir d’un homme qui resta toujours fidèle à une certaine idée de la Révolution. Ce n’est pas si fréquent.