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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

Les paroles et les images de la cérémonie d’hommage à Josette et Maurice Audin au cimetière du Père Lachaise

Pour le 63ème anniversaire de l'enlèvement à Alger, le 11 juin 1957, de Maurice Audin par des parachutistes français qui l'ont assassiné quelques jours plus tard, un rassemblement d'hommage à Josette et Maurice Audin a eu lieu au cimetière du Père-Lachaise, à Paris, devant le cénotaphe à Mautice Audin inauguré en 2019. Nous en publions les images ainsi que les interventions, dont celle de Pierre Mansat, président de l'Association Josette et Maurice Audin. Etaient présents notamment Cédric Villani, Pierre Laurent, Bertrand Delanoë — qui, comme maire de Paris, avait pris la décision de nommer une place Maurice Audin dans la capitale —, et Marie-Christine Lemardeley, adjointe à la maire de Paris, qui représentait Anne Hidalgo.


11 juin 2020, texte de la déclaration de l’association Josette et Maurice Audin lue devant le cénotaphe Maurice Audin au Père Lachaise.

par Pierre Mansat.

Cher Pierre, chère famille Audin,

Chères amies, chers amis de France et d’Algérie, ou d’autres pays…

Nous nous retrouvons en cette date anniversaire du 11 juin d’abord au jardin du souvenir ou ont été dispersées les cendres de Josette Audin et maintenant autour de ce cénotaphe Maurice Audin, de ce monument le seul monument en France dédié à un combattant de l’indépendance de l’Algérie.

Nous nous retrouvons pour célébrer la mémoire des combats de Josette et Maurice Audin. Combats pour l’indépendance de l’Algérie, pour une société plus juste, plus fraternelle, contre l’injustice, l’oubli, l’histoire falsifiée, pour la vérité, l’égalité.

Nous nous retrouvons pour célébrer la vie de Josette et Maurice Audin.

Nous nous retrouvons pour dire notre affection à Pierre, Michèle (retenue loin de Paris), et à toute la famille Audin. Mais nous nous retrouvons également pour dire la pérennité de notre action.

Le combat mené par Josette pendant soixante années a permis que 2018 soit l’année d’un tournant essentiel pour la vérité sur l’assassinat de Maurice Audin : la reconnaissance par le président de la République de la responsabilité de la France dans son assassinat, la reconnaissance de la torture comme système pratiqué par l’armée française avec la complaisance des plus hautes autorités politiques, mais également l’annonce de l’ouverture des archives concernant la guerre d’indépendance algérienne.

L’année 2019 été celle du décès de Josette et de l’inauguration de ce cénotaphe. L’année aussi de manifestations, en Algérie, pour tenter de changer un système politique injuste et inefficace qui avait confisqué une indépendance chèrement acquise.

L’année 2020, les années qui suivront seront celles de la poursuite inlassable du combat de l’association Josette et Maurice Audin d’abord pour que la vérité soit établie sur les conditions dans lesquelles Maurice a été assassiné, par qui, et où la dépouille a-t-elle été enterrée ?

Combat inlassable pour que toute la vérité soit faite sur toutes les disparitions pendant la guerre d’Algérie, qu’il s’agisse de civils ou de militaires, de Français ou des milliers d’Algériens autochtones qui ont connu le même sort que Maurice Audin.

C’est le sens de notre participation, au site 1000autres.org en partenariat avec histoirecoloniale.net, qui a recueilli un écho important en Algérie.

Mais notre combat d’aujourd’hui se concentre sur la question des archives.

L’espoir soulevé par la déclaration présidentielle concernant l’ouverture des archives a été déçu car nous avons appris en décembre 2019 la publication d’un décret qui, au prétexte de « secret défense », crée au contraire de nouvelles restrictions au travail historique sur les archives de la guerre d’Algérie. Il prescrit une application nouvelle et encore plus restrictive d’une instruction interministérielle de 2011, texte non législatif, intitulée IGI 1300. Cette instruction, comme le décret du 2 décembre 2019 qui en « durcit » l’application, entrave la consultation des documents en demandant que ceux qui furent tamponnés « secret » ne soient pas communiqués avant que l’armée ou les institutions qui les avaient émis n’acceptent de les « déclassifier » pour les rendre communicables. C’est une restriction sans précédent de l’accès aux archives contemporaines. Elle a suscité une pétition à l’initiative d’historiens et archivistes qui atteint les 10 000 signatures : « Nous dénonçons une restriction sans précédent de l’accès aux archives contemporaines ». Ainsi, loin d’être mise en œuvre, la déclaration présidentielle de 2018 se trouve contredite par ces textes qui outrepassent la loi en vigueur sur les archives.

Fin mars 2020, d’autres éléments ont été publiés à l’initiative du Service interministériel des Archives de France : une liste d’archives relatives à la disparition de Maurice Audin, un arrêté concernant des archives sur les disparitions forcées dans la guerre d’Algérie, ainsi qu’un guide numérique en ligne pour aider aux recherches sur les différents disparus de cette guerre. Tous sont utiles mais ils opèrent un tri arbitraire et discutable parmi les archives déclarées consultables ou accessibles sous dérogation, ils recensent nombre de documents déjà connus et semblent en ouvrir peu de nouveaux.

Ces ouvertures d’archives au « compte-gouttes », ces « morceaux choisis », ne sauraient nous satisfaire. L’État ne peut pas être le « directeur de recherches » des historiens. C’est par abus que les notions de « secret défense » et de « vie privée » sont invoquées pour couvrir le secret et la raison d’État. C’est l’ensemble des archives de la guerre d’Algérie qui doivent être entièrement accessibles dans le cadre des seules limites fixées par la loi, comme cela a été décidé en 2015 pour l’ensemble des archives françaises de la Seconde Guerre mondiale.

Nous sommes disponibles pour toute action visant à faire annuler l’Instruction interministérielle IGI 1300.

Notre combat c’est aussi notre participation au Collectif Secret défense, qui réunit les acteurs de nombreuses affaires criminelles et affaires d’État non résolues à ce jour, et où il apparaît clairement que l’État français est impliqué. Au lieu d’assumer ses responsabilités conformément au droit, il use de manœuvres diverses pour entraver la recherche de la vérité par les familles, les historiens, les chercheurs et pour empêcher que justice soit rendue aux victimes. Par exemple l’enlèvement et la disparition de Medhi Ben Barka, l’assassinat du militant internationaliste Henri Curiel, le massacre des tirailleurs « sénégalais » au camp de Thiaroye, l’assassinat de Thomas Sankara, président du Burkina Faso.

L’affaire Audin s’inscrit dans ce long combat contre la raison d’État.

Notre demande de transparence et de vérité est conforme à l’image de la France qui est la nôtre et qui doit prévaloir au XXIe siècle. C’est en reconnaissant les crimes commis en son nom à certains moments de son histoire, qu’elle peut être fidèle aux droits de l’homme qu’elle a eu le mérite de proclamer.

Ces droits, ce sont aussi ceux des Algériens. Pourtant, leurs militants sont arrêtés et font l’objet de procès iniques. Leurs manifestations, sévèrement réprimées, ont été réduites au silence par le Covid-19. Nous soutenons leur combat, qui poursuit celui de leurs parents et grands-parents et auquel Josette et Maurice Audin avaient participé.

Nous continuerons à mobiliser tous les moyens pour soutenir ces combats : prix Maurice Audin de mathématiques, démarches auprès des collectivités pour qu’à l’instar du département du Val de Marne, de Bagnolet, Aubervilliers, elles attribuent les noms de Josette et Maurice à des rues ou équipements publics.

Nous tenons à remercier celles et ceux qui contribuent aux avancées. Les journalistes qui ont fait et font un formidable travail d’investigation, en particulier celles et ceux de l’Humanité, Mediapart, L’Obs, Politis, Le Monde, El Watan, TSA Algérie… Les associations et partis : LDH, Mrap, PCF. Les personnalités dont les députés Cédric Villani, Sébastien Jumel et Stéphane Peu (retenus dans leur circonscription), le sénateur Pierre Laurent, l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoë, qui a pris la décision de nommer une place Maurice Audin dans la capitale, et Marie-Christine Lemardeley, adjointe à la maire de Paris, qui sont parmi nous.

Les avocats, Me Claire Hocquet qui prolonge l’action de Me Rappaport.

Les historiennes et historiens…

Ce 11 juin est un petit caillou blanc que nous avons souhaité déposer pour, dans ces temps compliqués, affirmer notre détermination.


Les vidéos qui ont été diffusées en direct sur Facebook
pendant le rassemblement

https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=10158585228963680&id=694173679

https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=10158585214008680&id=694173679


Un interview de Sanadja Akrouf à une radio algérienne





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