Un monument d’hommage […] fut construit à Nice, ville dont le rattachement à la France avait été postérieur à celui de l’Algérie, et dans le square Alsace-Lorraine, symbole s’il en fut de la patrie perdue puis retrouvée, région d’origine de nombreux Français d’Algérie ayant gagné ce territoire à la suite de la défaite de 1870. Oeuvre du sculpteur algérois André Greck, Grand Prix de Rome en 1936, il rejoignait dans ce square le monument en hommage à Paul Déroulède. Une main tenant une urne funéraire y était accompagnée d’inscriptions. Le projet était explicite : «1830-1962. Passant, souviens-toi qu’il y eut une Algérie française et n’oublie jamais ceux qui sont morts pour elle.»
Mais les inscriptions situées sur le côté étaient plus politiques (voir ci-dessous) […] Le lieutenant Degueldre, chef des commandos delta de l’OAS condamné à mort et fusillé en juillet 1962, était célébré comme un héros. Une petite plaque située dans l’herbe, à ses pieds, précisait d’ailleurs : « Aux martyrs de l’Algérie française 1 » Sous l’apparence d’un mémorial des rapatriés, c’était en fait la tendance activiste de l’Algérie française qui était célébrée. Dès le début, la ville de Nice avait su se montrer très accueillante avec les pieds-noirs qui s’y installèrent. L’alliance entre ces rapatriés et le maire Jean Médecin, puis son fils Jacques, s’était scellée sur la base d’un antigaullisme profond et d’une nostalgie de l’Algérie française. La mairie avait su témoigner de la compassion pour les pieds-noirs et de la sympathie pour les anciens membres de l’OAS. Les rapatriés avaient trouvé à Nice « une ville refuge, une terre d’accueil et, en la personne du « roi Jean » [Jean Médecin], un protecteur passionné et déterminé qui leur a[vait] offert une première et vraie revanche sur de Gaulle et la Ve République dont ils se proclam[ai]ent les victimes » 2
en prenant comme adjoint au maire Francis Jouhaud, le fils du général, et, plus généralement, en multipliant les gestes en faveur de ces nouveaux concitoyens.
Sur le socle l’inscription
Pulveres ex Nicaea
Le monument a été inauguré le 25 février 1973 en présence de Jacques Médecin, à l’initiative de la Fédération des Associations de rapatriés des Alpes Maritimes. La cérémonie, discrète, n’a pas été boudée par la majorité municipalo-départementale : outre le sénateur-maire de Nice, on notait la présence de Fernand Icart, député des A.-M., et de Francis Palméro, sénateur-maire de Menton et président du C.G. des A.-M. 4.
« Après la bénédiction du monument par les ministres des cultes catholique, protestant, israélite et orthodoxe, M. Mirabello, conseiller municipal, monta à la tribune pour rappeler à l’assistance, massée autour du square, l’intense portée symbolique de ce mémorial. » 5
Le piédestal comporte deux inscriptions très semblables : la première, gravée, un peu usée par le temps, est située sur la face visible de la photo ; l’autre est à droite, écrite en doré sur une plaque de marbre beaucoup plus récente :
dans l’action – Lyautey.
Aux
Français d’Afrique du Nord et des terres
lointaines qui firent
la France d’Outre-Mer
et la fécondèrent de
leur sang
la Ville de Nice
a voulu donner sous
son ciel bleu et ses
palmiers au bord de sa
mer latine l’image
du pays perdu.
La plaque sur le côté droit :
délégué aux rapatriés
1971-77 – 1995-2000
Passant
Souviens toi qu’il y eut une Algérie Française
et n’oublie jamais ceux qui sont
morts pour elle.
Aux Français d’Afrique du Nord
et des terres lointaines qui firent
la France d’Outre-Mer
et la fécondèrent de
leur sang
la ville de Nice
a voulu donner sous
son ciel bleu et ses
palmiers au bord de sa mer latine l’image du pays perdu
Sur la face arrière du piédestal, l’inscription suivante en fait un des plus anciens monuments d’hommage à l’OAS 6
:
Les liaisons dangereuses ont la vie dure à Nice : le maire actuel, Jacques Peyrat, avait, en mars 1996, engagé Gilles Buscia, ancien responsable de la branche action de l’OAS en métropole, afin de lui confier une « mission de sensibilisation de l’ensemble du personnel municipal aux mesures de sûreté, de sécurité élémentaire qu’il convient de mettre en oeuvre au quotidien » 7.
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Poursuivons … Un peu plus loin dans le Jardin
Un homme debout, serrant un drapeau, et protégeant une Alsacienne (en coiffe traditionnelle).
Devant, l’inscription
FRANCE !
QUAND MÊME.
Sur le côté droit
par souscription publique
à l’initiative
de la section niçoise de la L.D.P.
Franck Pilate étant président.
L’homme c’est Déroulède, mort à Nice en janvier 1914, chantre de la Revanche. Déroulède, fondateur en 1882 de la Ligue des Patriotes 8, et auteur de l’impérissable Clairon :
L’air est pur, la route est large,
Le Clairon sonne la charge,
Les Zouaves vont chantant,
Et là-haut sur la colline,
Dans la forêt qui domine,
On les guette, on les attend …
- Marguerite et Roger Isnard, Sus lu barri. Les pierres racontent Nice, Breil-sur-Roya, éditions du Cabri, 1989.
- Dominique Olivesi, «L’utilisation des rapatriés dans les Alpes-Maritimes (1958-1965)»,
2002. - Points-Seuil, octobre 2005.
- Coïncidence ? la campagne électorale des législatives battait alors son plein (Georges Pompidou avait fait des appels solennels à battre la gauche socialo-communiste) …
- Nice-Matin du 26 février 1973, qui précise : « il appartint au professeur Garès de remercier la ville de Nice, au nom de tous les rapatriés.« .
Informations aimablement communiquées par A.D.N. (
Association pour la Démocratie à Nice et dans les Alpes Maritimes). - Roger Degueldre : membre de l’OAS, fondateur des commandos Delta de l’OAS (Organisation armée secrète) à Alger, au début des années 1960 ; ceux-ci assassinèrent plusieurs centaines de personnes favorables à l’indépendance de l’Algérie. Condamné à mort par la cour militaire de justice, Roger Degueldre fut fusillé le 6 juillet 1962.
- Au début des années 1980, Gilles Buscia avait publié deux ouvrages, « Au nom de l’OAS : Requiem pour une cause perdue » puis « Au nom de l’OAS, Objectif Pompidou« , aux éditions Alain Lefeuvre (ce dernier devait par la suite devenir rédacteur en chef de la revue municipale Nice-Magazine…)
- Le slogan de la Ligue des Patriotes était « Qui vive ? France !«