A l’initiative du Réseau Mémoires-Histoires en Ile-de-France, créé en 2010, qui organise tous les deux ans « Le Printemps de la mémoire » autour de projets mémoriels valorisant les mémoires collectives et singulières dans les différents territoires d’Ile-de-France, une exposition « Enfants algériens réfugiés en Tunisie (1957-1962) » a lieu au Centre culturel algérien de Paris. Cette manifestation se veut un véritable parcours éducatif et culturel vers des publics divers, un moment d’interpellation publique et d’action citoyenne de la société civile sur le travail de mémoire et d’histoire à engager sur les questions des migrations, du travail, des questions urbaines et des patrimoines. Elle s’inscrit dans une dynamique collective pour les droits de l’homme et du citoyen et de lutte contre les préjugés, les stéréotypes, et toutes les discriminations et inégalités.
La 4e édition du Printemps de la mémoire, qui a lieu du 15 mai au 21 juin 2018, est centrée sur le thème : « Jeunesses : mémoires et transmissions ».
Dans ce cadre, est présentée une exposition
ENFANTS ALGÉRIENS RÉFUGIÉS EN TUNISIE
Dessins créatifs / Traditions d’hospitalité au Maghreb
Au Centre culturel algérien
171, rue de la Croix Nivert – 75015 Paris
01 45 54 95 31 | 01 45 31 51 46
www.aidda.fr | www.mix-ages.org
Entre 1957 et 1961 cent cinquante mille réfugiés algériens ont traversé la frontière pour être accueillis en Tunisie. La qualité de l’accueil, le rôle du Croissant rouge tunisien, l’attention permanente des médecins, infirmières et autres personnels médicaux, et de la population tunisienne à leurs frères algériens est montré dans l’exposition.
Parmi ces réfugiés, 50% avaient moins de 15 ans. Ces enfants ont été particulièrement bien traités par le personnel médical tunisien, des civils bénévoles et le Croissant Rouge tunisien et un travail en leur direction a été mené pour recueillir leurs récits et leurs dessins. Ce recueil a donné lieu à un livre, Les enfants d’Algérie, par Jacques Charby, publié d’abord en Italie, fin 1961, par la maison d’édition Einaudi, dirigée à Milan par Giovanni Pirelli, puis, en 1962, aux éditions François Maspero.
Malgré la fin de la guerre d’Algérie le livre a été interdit après sa publication, de même que le film de Jacques Charby, Une si jeunes paix, lié à ce livre, qui sera par la suite présenté pourtant au festival de Cannes. Il semble qu’il s’est agi d’une intimidation de l’éditeur François Maspero et non d’un arrêté d’interdiction. Le livre a tout de même été mis en circulation par des libraires, notamment ceux qui, bravant les interdictions d’ouvrages durant la guerre d’Algérie, prenaient leurs risques en les diffusant. Ce qui fait qu’un petit nombre d’exemplaires de ce livre ont été achetés à l’époque.
Mais peu d’exemplaires du livre publié par François Maspero ont circulé et il n’a jamais été réédité. C’est pourtant un témoignage exceptionnel sur l’histoire de ces enfants et sur leurs souvenirs traumatiques de la guerre en Algérie, qui est donné à travers leurs récits et leurs dessins.
L’exposition présente aussi des documents qui ont été retrouvé par hasard dans une boite en vente en 2016 dans un vide grenier du département de l’Essonne. Soigneusement classés, ces photos, lettres et autres documents ont peut-être été conservés par quelqu’un qui avait participé à l’accueil de ces réfugiés ou par un responsable de la Croix Rouge. Ils révèlent la mémoire oubliée de ces réfugiés algériens en Tunisie.
À noter qu’une sélection des dessins d’enfants algériens réfugiés réunis par Jacques Charby dans son livre Les Enfants d’Algérie a été reproduite dans un très beau livre paru en septembre 2017 aux Éditions Anamosa :
Zérane S. Girardeau,
Déflagrations.
Dessins d’enfants, guerres d’adultes
272 p., 30 €. Préface de Françoise Héritier, marraine du projet, anthropologue, ethnologue, professeure honoraire au Collège de France.
Présentation par l’éditeur :
Des nuées d’avions envahissent le ciel sous un soleil éclatant, des yeux sidérés et un bras d’où une tulipe a poussé, des balles, ou des machettes, qui touchent là le ventre, là le cou, des mains qui s’agrippent dans la fuite… Déflagrations, c’est la guerre des adultes vue à hauteur d’enfants à travers plus de 150 dessins. De la Première Guerre mondiale à la Syrie contemporaine, les scènes et les motifs se répètent inlassablement dans un trait tantôt clinique, onirique, flamboyant, drôle ou macabre. Pour collecter et documenter ce corpus extraordinaire, Zérane S. Girardeau s’est entourée d’une équipe d’historiens, de praticiens du droit international, de psychiatres et psychologues, de membres d’institutions internationales et d’ONG, mais aussi d’artistes, de correspondants de guerre, d’écrivains et de témoins à titres divers. Tous interrogent notre rapport à la violence, mais aussi le statut de ces documents. Ils nous « regardent », nous interpellent et nous nous devons de répondre à ces images, fragiles et ignorées.
Le film J’ai huit ans
Le film J’ai huit ans a été réalisé par René Vautier, Olga Baïdar-Poliakoff et Yann Le Masson, en 1961, à partir de dessins et de récits d’enfants recueillis par Jacques Charby et Frantz Fanon.
Photographie : Yann Le Masson. Montage : Jacqueline Meppiel.
Durée : 8 minutes.
Producteur : Comité Maurice Audin.
En marge de cette exposition, une table ronde sur les réfugiés algériens en Tunisie 1957-1962 a lieu dans le cadre du Printemps culturel tunisien, suivie d’une conférence sur la naissance du Croissant Rouge algérien.
le 25 mai 2018
Théo Théâtre
Rue Théodore Deck – 75015 Paris
Infos-: 01 45 54 95 31 | 01 45 31 51 46
www.aidda.fr | www.mix-ages.org
de 15h30 à 17h30
Entrée libre.
La conférence sur la naissance du Croissant Rouge algérien est présentée par Fatima Besnaci-Lancou, auteur du livre, Prisons et camps d’internement en Algérie : les missions du Comité international de la Croix-Rouge dans la guerre d’indépendance, 1955-1962, préface de Aïssa Kadri, éd. du Croquant, 2018, 570 pages.
Présentation de l’éditeur
Cet ouvrage aurait pu s’intituler « La guerre d’Algérie vue par le CICR ». En près de 600 visites humanitaires, des délégués du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) contrôlent, sur le territoire algérien, l’application du Droit de la guerre dans des prisons et des camps d’internements où sont détenus des militants indépendantistes. Ces délégués distribuent également des secours matériels aux populations reléguées dans des camps de regroupement sur le sol algérien et à celles qui se sont réfugiées dans des camps au Maroc et en Tunisie. En 1958, les délégués se rendent auprès de soldats français détenus par le FLN et à partir de 1961, ils effectuent des missions aux bénéfices des activistes pro-Algérie-française privés de liberté. Le CICR, garant des Conventions de Genève, a-t-il atteint ses objectifs d’humaniser cette guerre reconnue comme telle qu’en octobre 1999 ? Cet ouvrage répond à la question.
Extrait de la préface du professeur Aïssa Kadri : « Nul doute que l’on a là une recherche qui va compter dans l’historiographie de la guerre d’Algérie. L’ouvrage actualise la connaissance des dimensions de la répression. […] Appuyée sur des sources de première main, les archives quasi-exhaustives du CICR sur la période et de volumineuses et importantes données, documents, lettres et rapports “historiques” reproduits, l’auteure, dans sa volonté d’éclairer toutes les dimensions de la question, est allée encore plus loin que le travail de dépouillement, de décryptage, d’analyse et d’interprétation des cartons d’archives, en s’appuyant sur des autobiographies, des essais, des ouvrages, mais aussi des témoignages des principaux acteurs de la confrontation… »