_____________________
Souk Ahras n’oublie pas
Par ces temps de disette culturelle et d’indigence intellectuelle à Souk Ahras, l’Association des anciens élèves de l’école Max Marchand, en collaboration avec des universitaires (sans l’université) ont commémoré, mardi dernier, à la salle Miloud Tahri, la date de l’assassinat de l’illustre éducateur et pédagogue par l’Organisation de l’armée secrète (OAS) un certain 15 mars de l’année 1962.
A 10h45, le sinistre commando «delta» fait sortir les six pédagogues qui étaient en réunion au centre social de Château-Royal dans la commune d’El Biar, à Alger, les aligne et tire des balles assassines vers les victimes qui étaient : Robert Eymard, Mouloud Feraoun, Marcel Basset, Ali Hammoutène, Salah Ould Aoudia et Max Marchand. Hemana Boulaâres, ancien moudjahid, présent lors de cette rencontre commémorative, a surtout mis en valeur l’importance de ce genre d’activités par rapport à la mémoire collective qui ne saurait occulter, selon son approche, le rôle joué par le peuple algérien, tous courants inclus, dans son plaidoyer pour l’indépendance, tant dans sa portée nationaliste qu’universelle.
Tayeb Zedira, un moudjahid de la même école et victime de la guerre de Libération nationale, a lancé aux générations montantes le message suivant : «Notre Révolution imposait le respect et ce sont là des intellectuels qui même s’ils empruntaient un verbe étranger pensaient algérien et étaient convaincus de notre juste cause. Le sacrifice suprême, consenti par ces glorieux militants, est une page de plus pour que l’histoire-épopée de ce pays gardera longtemps.» Abdelkader Guettouchi, enseignant à l’université de Souk Ahras, dira dans ce même esprit que les six pédagogues, dont Max Marchand, n’avaient pas tort de s’aligner du côté d’un peuple demandeur de liberté.
Leur assassinat, estime-t-il, n’a fait que conforter toute la grandeur des hommes faits pour prêcher le juste et annoncer le glas pour un colonisateur qui n’admettait pas la vérité d’une Algérie soulevée contre son joug. Une rencontre à perpétuer et une association à promouvoir.
_____________________
15 mars 1962. Six éducateurs assassinés, un crime toujours impuni
1
Quatre jours avant le cessez-le-feu issu des accords d’Evian (18 mars 1962), six responsables des Centres Sociaux Educatifs (CSE) créés par Germaine Tillon en 1955, sont assassinés par l’OAS. Ils remplissaient leur mission d’Education nationale : organiser l’enseignement de base en arabe et
en français ainsi que la formation professionnelle des jeunes Algériens sur le territoire, tout en prenant en compte les aspects sanitaires et sociaux. Accusés par l’autorité militaire de faire le jeu des indépendantistes, une trentaine de leurs collègues, instituteurs arabes, kabyles ou métropolitains seront arrêtés en 1956 et 1959.
Le 15 mars 1962, les six dirigeants des CSE étaient réunis au centre social de Château-Royal dans la commune d’El-Biar, près d’Alger. À 10 h 45 un « commando Delta », sous la direction présumée de Roger Degueldre, pénètre dans la salle de réunion et fait sortir les six hommes du bâtiment. Ceuxci
sont alignés contre un mur de la cour et abattus à l’arme automatique.
Les victimes étaient :
– Marcel Basset, directeur du Centre de formation de l’Éducation de Base à Tixeraine (CSE d’Algérie) ;
– Robert Eymard, ancien instituteur et chef du bureau d’études pédagogiques aux CSE ;
– Mouloud Feraoun, directeur adjoint au chef de service des CSE, ancien instituteur et écrivain ;
– Ali Hammoutène, inspecteur de l’Education Nationale, Directeur adjoint aux CSE et ancien instituteur ;
– Max Marchand (1911-1962), inspecteur d’académie, chef de service aux CSE et ancien instituteur ;
– Salah Ould Aoudia, ancien instituteur et inspecteur des centres de la région Alger Est.
Tous avaient été « élèves-maîtres » en France ou en Algérie, instituteurs puis inspecteurs. Ils étaient arabe, kabyle, français, musulman, chrétien, athée… Max Marchand, le directeur des CSE, était également franc-maçon du Grand Orient de France.