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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

“le prix à payer” : des “terroristes juifs”

Un nouvel et ignoble attentat vient d’être commis par des extrémistes israéliens contre une famille palestinienne dans la nuit du 30 au 31 juillet 2015 à Kafr Douma, un village proche de Naplouse. Quatre colons ont incendié une maison laissant sur les murs l’inscription « le Prix à payer » (Tag mehir, en hébreu). Un enfant de 18 mois est mort brûlé, un autre est grièvement blessé, les parents sont entre la vie et la mort, brûlés au 3e degré. Dès le 31 juillet les médias ont mis en avant les propos du premier ministre israélien Benjamin Netanyahou qui s'est dit « choqué » par un acte qu’il a qualifié de « terroriste ». Ce qui est choquant et assimilable à du « terrorisme d’État », c’est la politique coloniale et l’occupation par Israël depuis 48 ans des terres palestiniennes qui provoquent de tels actes criminels et racistes. Ce qui est choquant, c’est la protection des colons à chaque agression menée contre les Palestiniens dans l’annexion de leur terre, de leur village, de leurs maisons, de leur eau. Hier encore, le gouvernement Israélien ne vient-il pas d’autoriser la construction de 300 nouveaux logements pour étendre toujours plus, les colonies illégales en Cisjordanie. Ce qui est choquant, c’est le silence des gouvernements français et européens et l’absence de sanctions un État qui continue en toute impunité de bafouer toutes les règles du droit international et toutes les résolutions de l’ONU concernant l’occupation, le retrait israélien des colonies, le droit à l’autodétermination du peuple palestinien. 1

Israël a un problème avec les crimes de haine juifs

par Jacques Benillouche, Slate
le 31 juillet 2015

L’attaque , le 31juillet 2015homophobe lors de la gay pride et l’incendie en Cisjordanie qui a tué un bébé de 18 mois en sont l’énième démonstration. Et le pouvoir politique ne veut rien y faire.

Les organisations juives d’extrême droite entraînent leurs membres à combattre les Palestiniens – lorsqu’ils se révoltent contre les exactions commises par certains habitants des colonies –, elles forment aussi des militants capables de s’en prendre à l’armée et à la police.

L’incendie provoqué le 31 juillet en Cisjordanie, et dans lequel un enfant palestinien âgé de 18 mois est mort et au moins trois personnes ont été gravement blessées, confirme les inquiétudes de nombreux Israéliens face à l’activisme de militants d’extrême droite, dont l’impunité ne cesse d’étonner.

Dans son enquête, Tsahal suggère que les suspects sont ensuite entrés dans le village dans les premières heures de la matinée, en choisissant les maisons incendiées et en taguant des graffitis en hébreu. Le porte-parole de l’armée, le lieutenant-colonel Peter Lerner, a publié son communiqué:


«Cette attaque contre des civils est rien de moins qu’un acte barbare du terrorisme. Une enquête approfondie est en cours afin de trouver les terroristes et les traduire en justice. L’armée israélienne condamne fermement cette attaque déplorable et a intensifié ses efforts dans le domaine de localiser les responsables.»

Ce texte ne laisse aucun doute sur l’origine juive des terroristes, qui deviennent de plus en plus entreprenants. La terreur juive s’organise au risque de mener à une guerre civile avec les Palestiniens. Et c’est l’objectif des organisations d’extrême droite. Il s’agit pour eux de briser toute tentative de discussions bilatérales israélo-palestiniennes dont il est de plus en plus question dans les milieux politiques, tant avec le Fatah de Mahmoud Abbas qu’avec le Hamas de Gaza…

Et quand ils ne s’en prennent pas à la police qui est chargée de les déloger de colonies sauvages vouées à la destruction sur les ordres de la Cour suprême, ils passent à des actes que des antisémites n’auraient certainement pas désavoués; ils profanent des mosquées et des églises en mettant le feu aux livres et aux tapis de prière et en taguant les murs de slogans nationalistes.

Des jeunes zélotes

Des militants d’extrême droite, auteurs présumés d’un autre incendie criminel, le 18 juin, dans l’église de la Multiplication à Tabgha, sur les rives du lac de Tibériade, ont été par exemple inculpés, mais il est fort probable qu’ils ne resteront pas longtemps en prison.

D’autres zélotes, à l’instar de Meir Etinger, petit-fils de Meir Kahanen (homme politique israélo-américain d’extrême droite, fondateur de la Ligue de défense juive aux États-Unis et assassiné en 1990), idéologue des «jeunes des collines» (occupants illégaux de terres domaniales ou palestiniennes), diffusent librement une doctrine étonnante au regard du sionisme traditionnel.

Ceux-là jugent illégale l’existence de l’État d’Israël parce qu’ils ont pour objectif de rétablir le royaume d’Israël, de reconstruire le Temple, d’expulser les non-juifs du pays, même s’il faut passer par la rupture des relations diplomatiques avec l’Occident. L’intoxication religieuse mène à tous les excès.

Manœuvres politiques

Mais les dirigeants nationalistes ne s’empressent pas de condamner les actes de vandalisme et de terreur et les cautionnent souvent, quand ils n’encouragent pas eux-mêmes les saboteurs. S’opposant au gel des constructions dans les territoires, des extrémistes ont usé de représailles inappropriées qui n’atteignent pas directement le gouvernement mais uniquement des Palestiniens qui se trouvent impliqués, à leur insu, dans un conflit israélo-israélien. Tous les gouvernements de l’État juif, quelle que soit leur tendance, ont toujours traité les habitants des colonies avec beaucoup d’égards, soit par opportunisme politique, pour les maîtriser et les neutraliser, soit par obligation, pour faire perdurer une coalition gouvernementale fragile.

Par ailleurs, ils ont besoin du soutien politique des orthodoxes américains qui financent et télécommandent à distance les habitants des colonies. Plus flagrante est l’impunité dont ils bénéficient alors que les atteintes à la démocratie se trouvent souvent bafouées. Quand l’armée est chargée d’expulser les jeunes trublions des implantations sauvages, les rebelles ne trouvent rien de mieux, en représailles, que de déraciner ou de brûler des oliveraies arabes, le gagne-pain de familles entières.

Terroristes juifs protégés

Ces nouveaux terroristes juifs se sentent protégés par leurs leaders, confortés par les appels au meurtre lancés par des rabbins ces dernières années, sans que des mesures adéquates ne soient prises pour faire cesser ces menaces. C’est en se fondant sur des appels au meurtre de cet acabit qu’un jeune religieux avait porté la mort contre le Premier ministre, Yitzhak Rabin.

Des Juifs sont arrêtés pour le meurtre d’Arabes israéliens et, selon l’acte d’accusation, les prévenus auraient agi impunément pendant une dizaine d’années, ce qui démontre les failles et les limites du système sécuritaire israélien. Des attaques homophobes répétées sont commises, comme ce jeudi 30 juillet, pendant la Gay Pride de Jérusalem.

Le précédent chef d’état-major, Benny Gantz, avait condamné les actes de haine en 2009:

«Bien que les temps aient changé depuis l’assassinat d’Itzhak Rabin, il y a encore des éléments, dans la société israélienne, qui veulent faire justice eux-mêmes et changer la situation en incitant à la violence et en attentant à des civils innocents. Nous devons couper ces mauvaises herbes avant qu’elles ne poussent plus mal.»

Mesures timides

Mais ce genre de déclarations conduisent à peu de résultats. Aucune mesure coercitive n’a été prise à l’encontre des nationalistes d’extrême droite, qui s’expriment dans les médias en toute liberté en justifiant souvent ces actes d’incivilité. Pire, deux ministres en exercice, et non des moindres, incitent les jeunes à s’opposer ouvertement aux lois du pays. Ainsi le ministre du Logement, Uri Ariel, a prêté main forte aux contestataires juifs sur le Mont du Temple qui s’attaquent aux fidèles arabes, tandis que le ministre de l’Éducation, Naftali Bennett, s’est rendu sur le site d’une construction illégale dans l’implantation de Beit El dans le cadre d’une action de soutien aux nationalistes.

Le Shin Beth, la sécurité intérieure, connaît parfaitement les extrémistes mais il faut une volonté politique pour taper dans la fourmilière. Certains officiels affirment ouvertement que les services de sécurité internes sont infiltrés par de nombreux extrémistes, qui les rendent inefficaces.
Le Premier ministre lui-même temporise, car il est prisonnier d’une coalition qui aurait du mal à survivre si elle s’en prenait à son aile droite.
Un ancien ambassadeur d’Israël, Arie Avidor, fustige le comportement du gouvernement:


«Ce qui est lamentable, c’est la passivité d’un Premier ministre déterminé à avaler toutes les couleuvres pour prix de sa propre survie politique. Qui mieux que lui est conscient du fait que la coalition gouvernementale qu’il a rassemblée est une monstruosité multicéphale sans précédent?»

Mais rien n’y fait puisque les fous de Dieu ont frappé à nouveau ce 30 juillet. Un juif orthodoxe, condamné à douze ans de prison et libéré ces derniers jours, vient de commettre un crime homophobe au cours de la Gay Pride: l’une des victimes est dans un «état très grave», deux autres sont moins sérieusement blessées, trois autres ont été légèrement atteints.

L’opposant centriste Yaïr Lapid a immédiatement réagi:


«Ce qui est arrivé aujourd’hui à Jérusalem est un crime de haine. Israël a été fondé sur les valeurs d’égalité et de respect de la liberté de chaque personne de choisir comment elle veut vivre sa vie sans distinction de race, de sexe ou de religion. La loi doit agir avec fermeté contre quiconque tente de porter atteinte à ces valeurs.»

La réaction des rabbins orthodoxes et des nationalistes se fait attendre.

Les terroristes juifs deviennent de plus en plus entreprenants devant la passivité du gouvernement israélien, qui pourtant sait sévir quand il s’agit des Palestiniens. Une loi punissant de dix années de prison tout lanceur de pierre palestinien vient d’être votée.

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