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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

Selon Human Rights Watch : en 2014, pas d’amélioration du respect des droits de l’homme en Algérie

«Aucune amélioration générale de la situation des droits humains n’a pu être constatée en Algérie en 2014, malgré les promesses d’introduire des réformes faites par le gouvernement depuis 2011.» C’est par ce constat que le rapport annuel de Human Rights Watch, rendu public le 29 janvier 2015, entame son analyse de la situation des droits de l'homme en Algérie. 1 Le rapport poursuit en soulignant que les autorités algériennes ont «restreint la liberté d’expression et les droits à la liberté d’association, de réunion et de manifestation pacifiques, et ont eu recours à des arrestations et à des poursuites à l’encontre de militants politiques et syndicaux».

Abdelaziz Bouteflika, président depuis 1999, a été réélu pour la quatrième fois le 17 avril 2014, en dépit d’informations faisant état de ses problèmes de santé. Plusieurs partis de l’opposition ont boycotté l’élection et ont appelé à la place à des réformes démocratiques et à des élections véritablement pluralistes.

Le gouvernement a autorisé Human Rights Watch à effectuer une visite officielle dans le pays, en octobre 2014, pour la première fois depuis 2005, et à tenir une conférence de presse sur la situation des droits humains dans les camps de réfugiés de Tindouf. Cependant, le gouvernement a continué de bloquer l’enregistrement juridique des organisations non gouvernementales (ONG) algériennes de défense des droits humains et a maintenu sa non-coopération avec plusieurs experts et mécanismes de droits humains des Nations Unies.

Liberté de réunion

Les autorités ont continué d’empêcher les manifestations pacifiques, en s’appuyant sur des techniques préventives, notamment en utilisant la police pour bloquer l’accès aux sites de manifestations prévues et en arrêtant les organisateurs à l’avance. Parmi les personnes arrêtées et poursuivies en justice sur des accusations de rassemblement illégal, ont figuré des militants des droits humains et des dirigeants syndicaux.

En avril, les autorités ont dispersé par la force les manifestants opposés à la réélection du président Abdelaziz Bouteflika, et en ont arrêté et détenu des centaines, dont de nombreux partisans du mouvement Barakat (« Ça suffit »). La police a retenu pendant des heures les personnes qu’elle avait arrêtées aux postes de police avant d’en relâcher certaines et d’en poursuivre d’autres. Parmi les personnes inculpées se trouvaient Mohand Kadi, un militant pour la jeunesse, et Moez Bennecir, un Tunisien vivant en Algérie. Le 18 mai, un tribunal a condamné les deux hommes pour avoir participé à un « attroupement non armé [illégal] qui peut troubler la tranquillité publique », en vertu des articles 97 et 98 du code pénal, et a infligé des peines de prison de six mois avec sursis.

Dans un autre cas, le 18 juin, le tribunal de première instance de Laghouat a prononcé des peines de prison allant de six mois à deux ans à l’encontre de 26 accusés après les avoir inculpés sur des accusations de participation à un« attroupement armé » et de violence contre la police en se basant sur des témoignages de policiers qui n’incriminaient pas les accusés de façon individuelle. Sur les 26 accusés, 17 militants des droits humains locaux ont été condamnés par contumace. Ils se sont rendus aux autorités et ont eu droit à un nouveau procès, au cours duquel ils ont été acquittés.

Liberté d’association

Les autorités ont continué à entraver les efforts des organisations de défense des droits humains et d’autres pour obtenir l’enregistrement officiel de leurs associations conformément à la loi 12-06 de 2012. Celle-ci exige que toutes les associations, y compris celles déjà enregistrées, obtiennent un récépissé d’enregistrement auprès du ministère de l’Intérieur avant de pouvoir fonctionner de façon légale. La loi autorise également le ministère à refuser d’enregistrer une association dont il juge que les activités sont contraires aux « constantes et aux valeurs nationalesainsi qu’à l’ordre public, aux bonnes mœurs et aux dispositions des lois et règlementsen vigueur.».

Ces critères vagues donnent aux autorités une grande latitude pour refuser l’enregistrement, sans lequel les organisations ne peuvent pas légalement tenir des réunions publiques ni accepter des fonds de l’étranger. Les autorités ont également restreint les activités de certaines organisations qui avaient obtenu une inscription avant la loi de 2012 en recourant à des moyens administratifs, par exemple en retenant des récépissés officiels pour lesquels elles avaient effectué les démarches, ainsi qu’en refusant de rendre public les lieux disponibles pour les réunions générales annuelles que les organisations ont l’obligation légale de tenir.

La loi 12-06 habilite également le ministère de l’Intérieur à suspendre ou à dissoudre toute association suspectée « d’ingérence dans les affaires internes du pays ou d’atteinte à la souveraineté nationale », et rend obligatoire l’autorisation préalable du gouvernement à tout « accord de coopération » entre une organisation algérienne et une organisation internationale. Cette dernière exigence a renforcé l’obligation précédente stipulant que les organisations algériennes devaient d’abord obtenir l’accord du gouvernement pour devenir « membre » d’une organisation internationale.

Ces exigences accordent des pouvoirs excessifs au gouvernement sur l’établissement et le fonctionnement légaux des organisations indépendantes, et font que leurs membres sont passibles de poursuites sur des accusations de rassemblement illégal. La loi rend ces organisations vulnérables à une ingérence gouvernementale excessive. Les règles régissant le financement étranger, une bouée de sauvetage pour certains organismes indépendants des droits humains, sont particulièrement problématiques.

Droits des syndicats

Le gouvernement a continué d’empêcher ou de perturber les efforts des travailleurs pour former des syndicats indépendants, et de réprimer les manifestations et les grèves pacifiques. Les autorités se sont livrées à des manœuvres administratives pour refuser le statut juridique aux syndicats indépendants qui cherchent à fonctionner en dehors de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), la fédération nationale de syndicats que de nombreuses personnes estiment être trop proche du gouvernement.

Selon la loi, les travailleurs ont le droit de former des syndicats en fournissant simplement aux autorités un avis écrit, après quoi le ministère de l’Intérieur devrait leur délivrer un récépissé confirmant l’enregistrement du syndicat. Dans de nombreux cas, cependant, le ministère a soit omis de délivrer le récépissé, laissant le syndicat incapable de prouver son enregistrement, soit exigé des informations supplémentaires, soit demandé aux syndicats de modifier leurs statuts avant de leur délivrer un récépissé d’enregistrement. Dans certains cas, le ministère n’a pas délivré de récépissé même après que les syndicats aient respecté ses instructions. Sans récépissé, un syndicat ne peut pas représenter les travailleurs de façon légale.

Les organisateurs et travailleurs membres de syndicats autonomes font l’objet d’arrestations et de poursuites arbitraires ainsi que d’autres formes de harcèlement, tels que le licenciement de leur emploi dans la fonction publique, pour avoir poursuivi pacifiquement leurs activités syndicales et avoir manifesté en faveur de meilleurs droits du travail. Le 16 avril 2014, par exemple, la Cour d’appel d’Ouargla, a condamné le militant syndical Houari Djelouli à une peine de prison d’un an avec sursis ainsi qu’au paiement d’une amende pour avoir distribué des « tracts de nature à nuire à l’intérêt national ». La police a arrêté Djelouli le 8 avril 2013, dans le centre-ville d’Ouargla alors qu’il se préparait à distribuer des tracts pour le syndicat CNDDC appelant à un sit-in pacifique de protestation devant la wilaya (siège provincial) d’Ouargla en soutien au droit au travail.

Liberté d’expression

Malgré l’adoption en 2012 d’une nouvelle loi sur l’information qui a éliminé les peines de prison pour des délits d’expression, tels que la diffamation ou le « mépris » pour le président, les institutions étatiques ou les tribunaux, les autorités ont continué à poursuivre et à emprisonner les critiques pacifiques en utilisant les dispositions du Code de procédure pénale.

Le 1er septembre, la Cour d’appel de Ghardaïa, dans le sud de l’Algérie, a confirmé une peine de prison de deux ans et l’amende qu’un tribunal de première instance avait imposées en juin à Youcef Ouled Dada après l’avoir condamné sur des accusations d’ « outrage envers les corps constitués » et d’avoir diffusé des documents « de nature à nuire à l’intérêt national », en vertu des articles 146 et 96 du code pénal. Les accusations ont été portées après que Dada ait mis en ligne sur sa page Facebook une vidéo qui aurait montré des policiers dévalisant un magasin à El Guerrara, à 115 kilomètres au nord-est de Ghardaïa, lors de troubles violents dans la ville en novembre 2013.

Lutte contre l’impunité pour les crimes passés

La loi sur la paix et la réconciliation nationale, adoptée en 2006, a continué de fournir un cadre juridique pour l’impunité des auteurs de torture, de disparitions forcées, d’exécutions extrajudiciaires, et d’autres exactions graves commises pendant le conflit armé interne des années 1990. La loi criminalise également toute expression qui selon les autorités dénigre les institutions étatiques ou les forces de sécurités pour leur conduite pendant ce conflit. Cependant, à la connaissance de Human Rights Watch, il n’y a eu aucunes poursuites judiciaires basées sur cette loi à ce jour. Malgré cela et le harcèlement officiel ininterrompu, les associations représentant les droits des disparus ont continué à réclamer la vérité et la justice.

Contre-terrorisme

L’Algérie a renforcé sa coopération en matière de sécurité ainsi que ses opérations militaires conjointes avec la Tunisie, à la suite de plusieurs attaques menées par des militants armés contre l’armée tunisienne et la Garde nationale le long de la frontière avec l’Algérie. Plusieurs représentants de haut niveau des pays occidentaux qui ont visité l’Algérie, comme le ministre français de la Défense et le secrétaire d’ État américain, ont déclaré que leurs gouvernements souhaitaient renforcer la coopération de sécurité avec l’Algérie pour lutter contre le terrorisme dans la région.

Le 24 septembre, des combattants qui, selon des rapports de presse, ont déclaré leur appartenance au groupe extrémiste État islamique, appelé également ISIS, ont décapité un citoyen français en Algérie et ont publié une vidéo montrant l’assassinat. Ils l’ont kidnappé après qu’ISIS ait appelé ses partisans à travers le monde à exercer des représailles contre la participation des forces armées françaises aux frappes aériennes militaires en Irak.

Camps de réfugiés sahraouis gérés par le Front Polisario

Le Front Polisario gère les camps du sud-ouest de l’Algérie depuis la fin des années 1970 pour les réfugiés qui ont fui le Sahara occidental après que le Maroc l’a envahi. Les personnes critiques à l’égard du Polisario ont pu tenir de petites manifestations publiques sporadiques en 2014. Aucune de ces personnes n’a été emprisonnée pour ses opinions politiques, à la connaissance de Human Rights Watch, mais quelques-unes au moins ont fait l’objet de harcèlement pour avoir critiqué ouvertement le Polisario.

Les réfugiés ont été généralement libres de quitter les camps pour la Mauritanie ou de retourner définitivement ou temporairement au Sahara occidental sous contrôle marocain. Une femme sahraouie, Mahdjouba Mohamed Hamdidaf, qui avait émigré en Espagne et rendait visite à sa famille dans les camps de réfugiés, a été séquestrée par sa famille pendant plus de deux mois après qu’elle ait tenté de partir comme prévu en août. Le Front Polisario a peu agi pour mettre fin à sa réclusion et pour protéger sa liberté de mouvement jusqu’à ce qu’il fasse l’objet de fortes pressions internationales. Au moment de la rédaction de ce rapport, il y aurait eu d’autres cas de femmes sahraouies résidant légalement en Europe et séquestrées par leur famille alors qu’elles leur rendaient visite dans les camps.

Le gouvernement algérien n’a pas, à la connaissance de Human Rights Watch, reconnu de façon explicite sa responsabilité dans la protection des droits humains des Sahraouis vivant dans les camps gérés par le Front Polisario sur le sol algérien.

Acteurs internationaux

Dans le cadre de sa Politique européenne de voisinage (PEV), l’Union européenne a engagé des négociations avec l’Algérie sur un plan d’action. Les plans d’action de la PEV sont censés démontrer l’engagement des pays partenaires envers, entre autres choses, la démocratie, les droits humains, l’État de droit et la bonne gouvernance.

Le gouvernement algérien n’a pas accordé l’accès aux mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits humains depuis 2011. Les demandes d’accès en attente comprennent celles des rapporteurs spéciaux sur la torture et sur la liberté de réunion pacifique et d’association, et les groupes de travail de l’ONU sur les disparitions forcées ou involontaires et sur les détentions arbitraires.

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